avant de mettre sur la table ce qui est dans l'ADN des socialistes, à savoir les 35h?
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On a envie de dire que ce n’est pas loyal, de tirer sur une
ambulance. La Convention de Genève l’interdit, mais
cette succession de gaffes est du plus mauvais effet. Ayrault, en répondant à un lecteur du Parisien que "passer de 35h à 39 heures payées 39, ce n'est pas un sujet tabou" avant de rétropédaler une fois taclé par un de ses ministres, a dépassé le niveau des pires gaffes commises par Cresson.
L’explication: "je voulais rester poli avec mon interlocuteur" n’a strictement aucun sens, parce qu’il pouvait préciser sur le moment (et non pas des heures après): "tout est sur la table, tout fait débat, mais ce n’est pas la position du gouvernement".
Le PS a inscrit les 35h dans son ADN (à tort ou à raison, telle n’est pas la question) et même s’il voulait revenir dessus, il ne pourrait le faire que de manière masquée, sans jamais le dire, en les vidant de toute leur substance tout en gardant les incantations.
Cela dit: quand, en France, un politique pourra-t-il dire comme un citoyen normal que "oui, il s’est mal exprimé et il s’en excuse" au lieu de s'enferrer, sans qu’on ne lui tombe dessus? Les justifications ne font que le décrédibiliser davantage (rappelons par souci d'objectivité qu’Alliot-Marie ne voit toujours aucun mal à sa suggestion de soutenir Ben Ali, "compte tenu du savoir-faire reconnu de la France en matière de maintien de l’ordre" et que l’UMP la défendit vent debout)
Mais là on atteint le pompon, avec un premier ministre recadré par...
son ministre du travail. Même aux pires temps du gouvernement Cresson,
ceux qui la dézinguaient le faisaient en OFF…
Ayrault, soit parce qu’il est incarne le principe de Peter et qu’il a
dépassé son niveau de compétence en accédant à Matignon, soit (ça se
dit) parce qu’il est épuisé, accumule les bourdes et Hollande devrait en
tirer – vite – les conséquences.
Depuis six mois, on crée des commissions, on missionne des gens pour
qu’ils fassent des ‘rapports’ (lesquels fuiteraient avant d’être rendus. Or Gallois a trop d’expérience comme serviteur de l’Etat puis comme
grand patron pour faire preuve d’amateurisme en laissant fuiter
involontairement).
Ces fausses indiscrétions sont autant de ballons d’essai qui permettent de tâter l’opinion:
- un zeste de CSG?
- un zeste de TVA?
- un panaché TVA/CSG?
- la TVA restauration remontée?
- la taxation des œuvres d’art? etc.
Avec, à chaque fois, une reculade. Mais la suggestion a mécontenté ceux qui y sont opposés sans satisfaire ceux qui sont pour, puisqu’au final elle n’est pas appliquée. On dirait que le pouvoir est face à une armée en position de défense élastique, et qu’au lieu de définir un ‘Schwerpunkt’, point sur lequel il fera porter tout son effort avec le meilleur de ses atouts, il lance une succession de petites attaques de corps francs, affaiblissant à chaque fois un peu plus son dispositif puisqu'il perd des hommes de valeur à chaque escarmouche.
On parle à tort de ‘stratégie’ en matière de politique. Il s’agit presque toujours de ‘tactique’ (lire ou relire Clausewitz) et celle de Hollande ne consiste qu’à se défendre contre des coups de boutoir portés en réponse à ses coups d’épingle.
C’est une constante: quand l’action se
résume à réagir face aux attaques de l’adversaire, on perd à tous les
coups. Aucune ligne fortifiée, si puissante soit-elle, n’a
jamais bloqué une offensive résolue. Hollande est un joueur d’échecs qui refuse un gambit, même si en
compensation il gagnerait un demi-coup et une excellente position laquelle, cinq
coups après, mènerait à une prise décisive, voire au mat.
On ajoutera que quand on nomme Gallois à la tête d’une commission, on
connaît par anticipation sinon le détail, du moins l’esprit des
propositions qui en émaneront.
Gallois est un grand patron (au sens noble de ‘grand’: ce n’était pas le pire, loin de là, et il a toujours bien servi les entreprises publiques qu’il a dirigées, cela sans faire péter la thune de manière obscène à son profit)
De ce fait, ses solutions sont celles d’un chef d’entreprise: moins d’impôts, liberté accrue de gérer le personnel comme le patron l’entend en se reportant sur l’Etat pour qu’il assume les conséquences des coups de ciseaux – mais en retirant des moyens à l’Etat pour ce faire puisqu'on diminue la ressource publique. C’est ça, la petite musique d’un Gallois… Il faut que l’Etat aide les laissés pour compte, quand le PDG de SANOFI s’en moquerait.
Mais le fond est le même: par postulat, l’entreprise est victime des ‘charges’, jamais de sa mauvaise gestion, de son absence de stratégie, de ses erreurs de positionnement, de l’insuffisance de sa R&D, de l’avidité de ses actionnaires.
Dans ces conditions, à quoi sert-il de nommer une commission dont on ne reprendra pas franchement les propositions, dès lors que dans leurs grandes lignes on les connaît de manière anticipée? Et si on a choisi d'aller en ce sens, qu'on affronte l'opinion!
Maintenant, le coup des 39h payées 39. C’est aussi idéologique que les 35h qui ont profité servi à tout le monde sauf… aux salariés modestes condamnés à la modération salariale
(traduction: blocage), au durcissement des conditions de travail et à
l’annualisation du temps de travail qui leur pourrit la vie.
39h payés 39 contre 35 payés 35… Quel est, que ce soit dans un système « socialiste » ou dans un système libéral, le gain? Si vous n’avez pas plus de travail à donner à vos salariés, vous ne le leur en donnerez pas. Au lieu de proposer 350 h par semaine à 10 employés, vous en offrirez 350 à 8,9 employés. Si vous êtes un patron ‘social’, vous grimperez peut être jusqu’à neuf salariés, sinon vous descendrez à 8,5 voire à 8 en augmentant les cadences, surfant sur la peur du chômage qui éteint les velléités de contestation et arguant de l'augmentation en valeur absolue portée sur la fiche de paye, mais qui ne vous coute rien). Conséquence: augmentation du chômage de 10 à 20%
La logique du coût du travail qu'il faudrait absolument baisser, ce serait… 39h payées 35.
Là, on aurait un choc de compétitivité - comme disent les libéraux (nul
doute que juste après, le patronat glapirait que c’est insuffisant: 70h
hebdomadaires payées comme au Bangladesh et sans aucun droits sociaux… Parisot
gémirait toujours).
Seulement si les Français voulaient cela, ils pouvaient réélire Sarkozy. S’ils le veulent, ils éliront Copé. (et quand on dit "les Français" on constate, selon les sondages, que ceux qui poussent à toujours travailler plus sont… des retraités entretenus par les actifs qui percevront une pension misérable par rapport à la leur, retraités qui ont bénéficié leur vie durant d’avancées sociales permanentes - même si on est parti d’assez bas - et dont le pouvoir d’achat moyen est désormais supérieur à celui des salariés)
Si Hollande arrive à la conclusion que c’est la seule chose à
faire, il n'a qu'une alternative: dire qu’il n’a pas été élu pour ça, et démissionner. Les élections qui suivront seront l’opportunité d’un
grand débat sur le sujet, au niveau du peuple qui tranchera entre l'orthodoxie libérale et une économie au service du pays.
benjamin borghésio
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