Quand une fois de plus il est démontré que l'orthodoxie monétaire européenne tue le malade qui n'aura que la satisfaction de savoir qu'il meurt guéri...
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Depuis une trentaine d'années, les banques centrales vivaient selon le
credo unique : casser l'inflation, quoiqu'il en coûte en termes de dégâts sur l'emploi
et le pouvoir d'achat. Le capitaliste, le rentier prenaient le pas sur celui qui
crée la richesse en travaillant. Cette réorientation fut universelle après la
forte hausse des prix des années 70 (choc pétrolier) et en France, c'est un
gouvernement d'Union de la Gauche qui fit ce que Barre, "meilleur
économiste de France" n'avait pas osé: casser le lien entre salaires et
prix.
Ce fut l'époque des abandons de souveraineté ahurissants en démocratie,
les grands pays consentant une autonomie croissante à leurs banques centrales,
dégagées de la tutelle des gouvernements. En Europe, sous le Diktat allemand,
ce ne fut même pas d'autonomie qu'on parlait, mais d'indépendance. Et la seule
mission de la BCE fixée par le Traité de Maastricht est de lutter contre la
hausse des prix, quand d'autres banques centrales conservent des
responsabilités en termes de soutien de l'économie.
Or depuis quelques mois, pour relancer la machine et fluidifier leurs
économies, USA, Japon et Royaume-Uni entreprennent une énorme opération de "création monétaire": Traduction...
Ils font chauffer les planches à billets. Cette révolution monétaire est
claironnée de vive voix. Bernanke, patron de la Réserve fédérale américaine,
affirme que son objectif n'est plus de s'en prendre à l'inflation, mais de
faire diminuer le chômage en arrosant l'économie de billets - et il le fait. Au
Japon, Shinzo Abe reprend le contrôle de la banque centrale et lui fait fabriquer des milliards de yens pour compenser l'endettement
colossal du pays (230% du PIB!) et le sortir de son interminable dépression
économique.
Ces banques centrales deviennent des imprimeries - 85 milliards de
dollars par mois pour la seule Réserve fédérale, soit 1 000 milliards pour
l'année 2013. Ces titres seront pour partie des obligations d'État qui
financeront les nouvelles dépenses publiques de relance et des bons liés à
l'immobilier, pour alléger le bilan surendetté des acteurs privés du secteur.
On le sait: la création monétaire massive sert surtout à regonfler la
sphère financière dont les errements furent tels que paralysée, elle ne prête
plus à la vraie économie, son rôle normal. Cela explique l'embellie boursière
actuelle totalement déconnectée de la réalité: la France était en quasi récession
en 2012, mais le CAC40 a bondi de 15%.
Autre effet de la création monétaire: l'affaiblissement des taux de
change. Ce qui est rare est cher et a contrario, l'abondance génère la chute
des prix. Or une monnaie est comme une marchandise qui s'achète et qui se
vend.
Abondance de billets verts? Le dollar s'affaisse face aux autres
monnaies… Ce qui est l'objectif sinon avoué, du moins évident des États-Unis
comme du Royaume-Uni et du Japon : obtenir une dévaluation compétitive pour
tenter de raffermir la croissance chez eux, au détriment des autres.
On n'oubliera pas la Chine dont le Yuan, non convertible, est
volontairement sous évalué d'au moins 30%. Les Suisses et les Brésiliens
limitent également la hausse de leur monnaie en achetant massivement de l'Euro. Le Réal brésilien est ainsi passé de 2.30 pour un euro à 2.73, en deux ans ce qui a sauvé le Brésil du désastre dans lequel nous plongeons.
En effet, la croissance brésilienne est entravée par des infrastructures dans un état calamiteux, une bureaucratie tellement envahissante qu'il faudra une révolution copernicienne et des décennies pour la réformer et un des pires systèmes d'enseignement de tous les pays de l'OCDE.
Tout cela engendre des surcoûts compensés par cette dévaluation de 20% qui abaisse d'autant les prix à l'exportation (en outre et sans hésiter, le pays protège ses intérêts vitaux par des barrières douanières implacables.
En Europe, pour infiniment moins que cela, on serait déclaré hérétique et relaps (et condamné au bûcher)
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Nous sommes entrés en guerre. En guerre monétaire. Implacable, sans respect de la moindre convention internationale.
Seulement si tout le
monde dévalue en même temps, personne n'y trouve intérêt en termes de
compétitivité, puisque le rapport de forces demeure inchangé.
Fort heureusement pour les pays réalistes, la zone euro attend
paisiblement la suite, conservant son credo: "lutter contre la hausse des
prix, garder un euro fort".
Sous la pression des Allemands, les derniers monétaristes, qui en
outre peuvent se permettre de conjuguer leur orthodoxie monétaire et leur
cynisme puisque pour le moment (ça ne durera pas) ils sont en quasi monopole
sur leurs produits d'exportation: grosses berlines de luxe et machines-outils
qui trouveront forcément preneur quel que soit leur prix,
... la puissance hégémonique
européenne maintient un discours et une pratique rigoristes contre l'inflation.
Les marchés savent donc que la BCE ne laissera pas l'euro
dégringoler. Et même avec des taux d'intérêt quasi nuls (en clair: on
paye pour avoir le droit de conserver des euros) le risque de perte est faible puisque
la réévaluation de la monnaie compense la faiblesse de son rendement. Vos euros vous rapportent 0.75% par an, ce qui est misérable. Mais dans le même temps, ils se réévaluent de 3, 5, 10% par rapport à telle ou telle monnaie!
Entre le 8 novembre 2012 quand Hollande annonça son pacte de compétitivité
et début janvier, la devise européenne s'est réévaluée de 3 % : c'est-à-dire
qu'à l'exportation, nous avons perdu 3% de compétitivité internationale.
Ainsi, est annulé le "bénéfice" (pour les entreprises) du crédit
d'impôt compétitivité socialiste avant même qu'il ne soit mis en œuvre. Trente
milliards de renoncement pour les finances publiques pourtant mal en point…
pour un résultat nul.
Tout va bien bonnes gens, il faut "sauver l'euro". Nous sommes
en bonne voie et le malade, l'économie européenne, aura la satisfaction de
mourir guérie.
Les données qui servirent à rédiger cette note ne sont pas prises dans
une quelconque base de données marxiste-léniniste, ni même socialiste tiédasse:
je les ai empruntées à François Lenglet, Grand Libéral devant l'Eternel,
économiste orthodoxe s'il en est.
Entendons-nous: Il n'est pas question de chanter les vertus de l'hyper-inflation.
Mais c'est un fait que les pays sortis de l'ornière au cours de la dernière décennie vivaient quasiment tous avec une hausse des prix de 5 à 7%, compensée par une hausse des revenus légèrement supérieure. En outre il n'y a de tension sur les prix que quand on a des acheteurs potentiels, ce qui n'est pas la situation rencontrée dans la plus grande partie de l'Europe: le chômeur ou celui qui a peur de le devenir, la personne socialement exclue, celui qui voit sa pension de retraite sauvagement baissée ne fait que survivre et s'il a un peu plus que le nécessaire, il ne consomme pas avec ce surplus: il thésaurise par crainte de jours pires encore. Si la hausse des prix est en France dans une phase de "plateau", c'est pour cette raison et elle seule. Gageons que si la crise persiste (et rien ne laisse présager du contraire), nous entrerons même en déflation comme en 1934.
benjamin borghésio
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