On a dépassé sur bien des points le Contrat Unique de Travail, cher à Sarkozy, et contre lequel à l'époque le PS était vent debout.
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On connaît la ritournelle: "si les patrons français ont peur d'embaucher, c'est à cause des difficultés qu'ils rencontrent pour licencier". Elle nous est chantée peu ou prou depuis trente ans.
En foi de quoi, régulièrement, on leur a donné des gages. En 1981, neuf contrats de travail sur dix étaient signés sous le régime du CDI...
De nos jours la proportion est inverse puisque huit contrats sur dix sont des CDD, des missions d'intérim ou des emplois de contractuels (l'Etat employeur ne respecte même pas les règles minimales imposées aux patrons: versement d'une indemnité de précarité en fin de CDD et interdiction de renouveler ces CDD à l'infini).
C'est Gattaz (président du CNPF, le machin qui précédait le Medef) qui lança la lutte pour obtenir la suppression de l'autorisation administrative de licenciement (pourtant peu contraignante: l'inspection du travail avalisait telles quelles neuf demandes sur dix).
Chirac alors en période néo-libérale (Chirac-Reagan après Chirac-Travailliste et Facho-Chirac, avant le Chi, puis le Père de la Nation) inscrivit dans sa plate-forme de 1986 cette promesse. En foi de quoi, promis, juré, une infinité d'emplois seraient créés (Gattaz avança un chiffre digne du Goss Plan: 341.000). La mesure fut votée en urgence, les décrets d'application pris en catastrophe... Croyez-vous sérieusement que l'emploi suivit? Malgré une bonne croissance à l'époque, rien de rien. Et depuis, les innombrables reculs sociaux arrachés par le patronat n'ont abouti qu'à lui faciliter l'existence, sans jamais favoriser l'emploi.
Lacordaire:
Cet aspect du programme social de Hollande, de sa décision de privilégier le contrat sur la loi, oubliant cette maxime bien connue: "entre le fort et le faible, c'est la liberté qui opprime et la Loi qui affranchit" était inquiétante. On en aura la preuve s'il tient sa promesse de laisser avaliser sans les modifier tous les accords passés entre "syndicats et organisations patronales représentatifs".
Message reçu cinq sur cinq par le Medef qui s'est lancé dans la négociation sur la flexibilité, en sachant par avance que l'exécutif ne le contraindrait en rien. Quelle aberration que se lancer dans un conflit potentiel en annonçant par avance son désir d'aboutir à tout prix! Même si en son for intérieur on ne veut pas la bagarre, il ne faut surtout pas l'annoncer...
Première anomalie: la totalité de la négociation s'est déroulée avec, comme base de travail, des projections émanant du Medef. Même la CFDT le déplora (sans pour autant quitter la table)
En cas de "graves difficultés conjoncturelles rencontrées par une entreprise", sera conclu dans celle-ci, là où il existe une représentation syndicale, un "accord majoritaire d'entreprise" (finis, les accords de branches. Or si la représentation syndicale est structurée au niveau des branches, elle est soit embryonnaire soit inexistante dans les entreprises, surtout les petites)
Ces accords porteront sur le temps de travail et la rémunération, dans le but officiel de maintenir l'emploi jusqu'à l'amélioration de l'activité, pendant deux ans maximum. Mais comme l'information est donnée par l'entreprise (et dans les petites boîtes, en tête à tête avec chaque salarié), il sera impossible aux salariés de savoir si les sacrifices demandés sont vraiment pour passer un cap difficile, ou si on les tond un peu plus.
En clair, on vous expliquera qu'il faut baisser votre salaire ou vous mettre au chômage partiel sans réelle information (Les salaires de moins de 1,2 smic ne sont pas concernés par une éventuelle baisse. Ils le sont par le chômage partiel).
En cas d'amélioration de la conjoncture, l'accord prévoit des garanties sur le partage du bénéfice avec des sanctions en cas de non-respect de l'accord. Toute contestation de la validité de l'accord doit être formée dans les trois mois. Là encore, faute de moyen de contrôle, comment le salarié percevra-t-il "l'amélioration de la conjoncture"?
Si un salarié veut contester le motif de son licenciement ou le non-respect par l'employeur des dispositions de l'accord, il doit former un recours dans un délai de douze mois suivant la notification du licenciement. Auparavant, le délai était de trois ans et ce n'est pas anodin: il y a de nombreux cas, où la personne concernée découvrait avec beaucoup de retard que le motif invoqué était parfaitement bidon.
Et si un employeur signe un accord qu'il ne respectera pas, dénoncer ce manquement à la parole donnée équivaut à prendre la porte. En effet, si un salarié refuse les nouvelles conditions négociées collectivement, c'est de facto la rupture de son contrat de travail et un licenciement économique dont la cause est considérée comme "réelle et sérieuse". L'entreprise est donc exonérée de l'ensemble des obligations légales et conventionnelles qui auraient résulté d'un licenciement collectif pour motif économique, mais l'accord doit prévoir des mesures d'accompagnement (on sait ce qu'il en est, depuis la proposition d'un poste en Roumanie, d'un stage de macramé pour se reconvertir, ou d'une formation pour devenir marin-pêcheur...).
En clair, le salarié renoncera de facto à son droit de contester son licenciement.
L'entreprise peut aussi procéder à des
licenciements collectifs pour motif économique selon une procédure
simplifiée négociée comme le plan social avec les représentants du personnel. En cas de désaccord, ils
doivent être homologués par l'administration du travail. En cas
d'absence de réponse avant 21 jours, le plan est "réputé homologué".
Or il y a si peu d'Inspecteurs du Travail qu'il leur sera matériellement impossible d'examiner le plan en un délai si réduit. Les licenciements économiques seront donc, dans la pratique, jugés fondés.
En cas de licenciement pour motif
économique, l'employeur est fondé, pour fixer l'ordre des licenciements,
à privilégier "la compétence professionnelle". Finis, les critères objectifs: âge, l'ancienneté, etc. qui disparaissent au profit du coefficient de binette. Bonjour, l'ambiance dans une entreprise "en difficulté"...
Certes, pour faire passer la pilule, on a octroyé quelques cacahuètes en lieu et place du plat de résistance, du fromage et du dessert.
La portabilité des droits à la formation en cas de changement d'entreprise suite à un licenciement, mais le plafonnement à 120 heures reste maintenu et chacun sait qu'aucune formation qualifiante efficace ne peut se faire en si peu de temps.
Le maintien de la complémentaire santé pour qui en avait une. Flou artistique, sur son financement.
Les CDD seront "en principe" un peu plus lourdement taxés, mais les causes d'exemption de cette mesure sont innombrables et très largement compensées par des abaissement de charges supplémentaires. L'Etat ne versera toujours pas la prime d eprécarité, de droit commun.
Le patronat a évidemment signé, en se permettant en plus de faire la fine bouche, accompagné de la CFDT qui signe tout ce qu'on lui propose (avec de tels amis, les salariés n'ont pas besoin d'ennemis). La CGT et FO ont sauvé l'honneur et l'accord n'est considéré comme valide que parce que d'autres groupuscules syndicaux, qui dans les mois à venir, en application de règles édictées sous Sarkozy, ne seront plus représentatifs, ont apposé leur paraphe! J'ai nommé la CGC et la CFTC qui ont pris une pâtée aux dernières élection marquant la représentativité syndicale.
Ces deux là: pour le meilleur et (surtout) pour le pire
Parisot a bien mérité du patronat!
La balle est dans le camp des parlementaires qui peuvent avaliser cet accord aberrant, l'amender sérieusement dans une optique véritablement social-démocrate (à la danoise: là-bas, la flexibilité est maximale, mais la sécurité l'est tout autant) ou le rejeter au nom des valeurs de gauche. Quelque chose me dit qu'il faut s'attendre au pire de la part des socialistes et de leurs alliés verts.
Le Medef a obtenu tout ce qu’il voulait : les licenciements seront plus
faciles, les délais de recours plus courts et la possibilité d’aller en
justice plus difficile.
Les salariés n’obtiennent que des miettes et au lieu de durcir les
conditions d’utilisation des CDD, la taxation introduite ne concerne
même pas tous les CDD et pourra être contournée sans problème. Et si la
demande patronale de nouvelles exonérations est acceptée, ce sont 40
millions qui seront économisés par le patronat sur le dos de l’Unedic.
(Martine Billard)
Pour ma part, ce genre d'accord "donnant-donnant", je le résumerais par "passe moi ta montre et si je veux bien, de temps en temps, je te filerai l'heure".
benjamin borghésio
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