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Les igarapés sont les cours d'eau affluents de l'Amazone ou des principaux fleuves qui la composent, et leur hydrographie est souvent très particulière. pendant la saison des pluies, lorsque le niveau des eaux monte, il est fréquent que le débit soit "inversé" et que le courant remonte vers la "source" qui est fréquemment une sorte de petit lac où poussent les fameux Vitoria Régia (nénuphars géants, que j'évoquerai ultérieurement).
En saison sèche (voir photo), le débit s'inverse et les igarapés coulent vers les fleuves jusqu'à être quasiment à sec juste avant la reprise des pluies. L'amplitude entre l'étiage le plus élevé et le plus bas est fréquemment de 12 à 14 mètres. On conçoit, dans ces conditions, la difficulté de bâtir sur les rives.
Les caboclos (à l'origine, population métissées, d'Amérindiens et de Portugais nombreux dans la région et dont beaucoup vivent toujours en quasi autarcie (si on excepte la scolarisation des enfants, "ramassés" par des canots et des lanchas de "carrega escolares" ont résolu le problème en bâtissant les demeures sur d'énormes troncs de balsa, bois qui a deux qualités: excellente résistance à la putréfaction, et densité très faible qui leur permet de supporter la charge d'une case.
(case sur troncs de balsas; la petite famille part en "canoa", petite embarcation creusée dans un tronc évidé et élargie par l'action du feu)
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Au cours d'une excursion (départ: Manaus) à bord d'une "lancha", ces bateaux typiques de la région (qu'on nomme parfois tapouyes ou tapouilles en Guyane) cocasses mais rustiques et de ce fait quasiment increvables j'ai pu marcher quelque peu en forêt en captant un maximum d'informations grâce à Roberto, jeune guide caboclo à la fois très compétent et très ouvert sur les autres.
Au départ du layon, nous avons traversé un abattis qui sera consacré à la culture du manioc, aliment de base. On coupe un pan de forêt, quand elle est à une hauteur suffisante pour ne pas être inondée - et en amont de Manaus, trouver de tels endroits, ce n'est pas évident; on attend que le bois ait séché (et les prolongations de saison des pluies peuvent être catastrophiques si le bois n'est pas suffisamment desséché au moment de la combustion, juste avant les pluies à venir).
(Près de l'abattis, la "platine" qui sert à transformer par torréfaction la pulpe de manioc en galettes (la cassave) ou en farinha (sorte de semoule).
Je consacrerai une note à la civilisation du manioc, certainement la plus paradoxale de la planète.
Après avoir traversé l'abattis, nous franchissons un minuscule cours d'eau à gué (en cette saison ce n'était pas difficile...).
Ce "canoa" vient d'être terminé. Quoi qu'il n'ait pas besoin d'être calfaté puisqu'on n'a pas ajouté de bordage, il demeurera entièrement immergé pendant quelques jours quand l'eau aura monté: si d'aventure une fissure était née pendant la conception (surtout pendant la phase de combustion interne qui permet d'écarter les bords), elle sera naturellement colmatée par le gonflement du bois.
Nous pouvons enfin entrer dans la forêt, dans une zone très rarement inondée.
A suivre
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