.
Il y a quelques mois, dans une discussion quelque peu "enflammée" qui s'est déroulée sur [[[l'improbable et néanmoins fort sympathique site]]]** "A©tu bien pris tes comprimés"? (cliquez pour suivre le lien), j'ai eu l'opportunité de donner mon opinion - fondée sur l'expérience - au sujet des "peuples premiers" et de la vision angélique qu'on porte fréquemment à leur égard.
Voici ma modeste contribution, légèrement remaniée.
** (le Chat, responsable de ce site, est heurté par la définition que j'en ai donnée, qui se voulait malicieuse, pas davantage. Qu'il soit satisfait par la correction!)
______________________________________
Attention à ne pas étouffer en étreignant trop fort, par des démonstration d'admiration exacerbées fondées la plupart du temps sur l'ignorance et les bons sentiments.
Les peuples dits “premiers”
sont constitués d’êtres humains avec les mêmes doses de sottise, de
mesquinerie, de méchanceté, voire de cruauté pure que les autres!
Il suffit de voir les innombrables raffinements de torture que les petits Amérindiens sont capables d'inventer afin de faire souffrir des animaux sans défense, sous le regard amusé de leurs parents, pour se poser quelques questions.
Simplement, tout cela n’apparaît pas sous la même forme, ou dans les mêmes circonstances que chez nous.
La subordination à des croyances absurdes - je n’ai pas peur de l'écrire: je n’y crois pas
davantage qu’à la transmutation du vin en sang du Christ - les empêche le
plus souvent d’accéder au mieux vivre.
Je ne parle pas de “progrès” en terme d’acquisitions matérielles allant de l’électroménager à la téléphonie portable. Je parle d’évoluer pour ne pas vivre dans le chagrin perpétuel
en perdant deux gosses sur trois, pour ne pas subir la douleur
physique persistante, les parasitoses, les angoisses récurrentes qui mènent au
suicide ou à l’autodestruction accélérée, la “douce dictature” du chaman
qui, trois fois sur quatre, est un parasite exploiteur de la crainte
qu’il inspire tout comme des faux espoirs qu’il suscite - j’en passe et
des pires.
Oubliez Jean Jacques Rousseau et, plus près de nous, ce film à quatre sous qui eut tant de succès : “la forêt d’émeraude” (que j’adore, sur le plan purement récréatif) ou "un indien dans la ville"
En Amazonie, dans les peuples premiers
non “assimilés”, on se gratte sans cesse la tête à cause des poux, le
cul à cause des vers, la peau du fait des mycoses (bien content de ne
pas souffrir de la terrible leishmaniose), les yeux à cause des conjonctivites.
On tousse nuit et jour à s’en épuiser, on gémit trois jours sur quatre à cause des rages de dents, on souffre de la faim (ou on a peur d’en souffrir) parce que le milieu ambiant est tout sauf une corne d’abondance malgré les apparences.
Le paludisme épuise avant de tuer; on vit dans la peur panique des esprits (des cas de “folie” définitive sont constatés chez des adultes sains, après une nuit passée dans la forêt sans avoir pu allumer de feu “protecteur”), cette peur qui mène à des taux de suicides hallucinants qui touchent chaque génération.
Les vieux, quand ils deviennent improductifs, se couchent dans leur hamac, cessent de s'alimenter, déféquant et pissant sous eux, et meurent d’inanition dans l’indifférence générale; l’euthanasie du deuxième jumeau ou de tout gosse suspecté de malformation est habituelle… je pourrais faire exploser la bande passante de ce blog en continuant l’énumération.
Le tendre sourire des Amérindiens, que
nous admirons? C’est la marque de la panique! Chez les enfants, il
précède en général la crise de larmes incoercible… Chez les adultes, il
fait craindre le pire, pour lui ou son entourage. Seul le rire éclatant
est synonyme de joie.
C’est d’ailleurs ce qu’exprimait avec infiniment plus de talent et de rigueur que moi (ce qui n’est pas difficile) Claude Lévi-Strauss. cf. “Tristes tropiques” , et surtout “Saudade do Brasil”
Personnellement, je ne fais que synthétiser ce que j’ai
constaté de visu en vivant pendant des années au sein d’un “peuple
premier” - après m’être muni "d’un gros cartable rempli de belles illusions"
(je me console en me disant que la plupart en emmenaient trois
cantines…).
Et encore, les Wayãpis de Guyane, tout en conservant leurs traditions, souffrent beaucoup moins de tous ces maux que les peuplades isolées, parce qu'ils ont choisi un mode de vie intermédiaire.
Ils ont accès à la médecine, à l'école, à quelques structures sociales; ils ont moins peur la nuit parce que leur village est éclairé (sauf les jours de panne, parce qu'ils sont incapables de programmer un entretien régulier des installations: la projection dans le temps, ce n'est pas leur "truc").
Un téléphone permet d'appeler l'hélicoptère du SAMU en cas d'urgence; les jeunes femmes vont accoucher par sécurité (quand elles le souhaitent) de leur premier enfant à l'hôpital. Des subsides permettent d'acheter l'essence qui est nécessaire pour rejoindre les lieux de culture, de chasse et de pêche en canot à moteur.
Quelques congélateurs permettent de diminuer la consommation de chair boucanée. triste régression par rapport aux traditions, direz-vous? Certes. Mais la grande consommation de viande ou de poisson fumé entraîne d'innombrables cas de cancers primaires du foie survenant très tôt et il est de plus douces façons de quitter la vie...
A ce compte, l'ingénieur Appert qui, "chez nous", inventa le mode de conservation par stérilisation à la chaleur que nous utilisons quotidiennement (chez nous ou dans l'industrie agroalimentaire), empêchant ainsi des dizaines de milliers d'intoxications alimentaires qui tuaient la plupart du temps après des souffrances atroces, est aussi un "génocidaire culturel"...
Cela n' empêche pas les Wayãpis de continuer de subir une bonne part des maux que j'ai décrits ci-dessus, sans compter ceux que la société contemporaine a développés (avec, par exemple, la facilité de se procurer de l'alcool fort. Les Amérindiens ont toujours bu, mais la fabrication du cachiri - une sorte de bière de manioc - est suffisamment laborieuse pour que sa consommation ne soit pas quotidienne)
PS: il n’existe plus de forêts “vierges” sur la planète ou alors, à dose vraiment homéopathique.
Il y a encore des “forêts désertes”, mais l’humain a laissé sa marque à peu près partout. Un regard exercé le démontre aisément quand on les parcourt.
Benjamin
Les commentaires récents