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Cela fait maintenant neuf ans que la France guerroie en Afghanistan dans l'indifférence totale des politiciens - que ce soit ceux de la majorité qui ont totalement "délégué" la prise de décision à Sarkozy, ou ceux de l'opposition qui, à de rares exceptions près et dans des partis encore quelque peu "marginaux" s'abstiennent soigneusement d'attirer l'attention de l'opinion.
De temps à autre, une "brève" signale la mort d'un de nos soldats ; le président demande alors à Guaino de pondre un communiqué de circonstance, le ministre assiste aux obsèques et on détourne une Légion d'honneur habituellement réservée aux gestionnaires de grandes fortunes ou aux "pipoles" pour la décerner à titre posthume à la victime (à qui ça fait une belle jambe)
Tous les pays de la coalition, à l'exception de la France, débattent de cette question, de façon très animée (à commencer par les USA qui sont "à la tête" de la coalition). Et dans la plupart d'entre eux, l'opinion alertée par des politiques responsables exige et obtient plus ou moins vite le retrait de son contingent. Il n'y a qu'en France qu'un président omnipotent peut décider de la participation - ou non - de son pays à une guerre sans rendre compte au pays (il a voulu la possibilité de s'exprimer solennellement devant le Congrès ; pour ma part et compte tenu des traditions françaises cette exigence me semble puérile mais si un sujet se prête à un tel message, c'est bien celui de la guerre ou de la paix !)
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Chevènement était particu- lièrement mal placé : ministre de la défense nationale et opposant résolu à cette aventure, il s'est résolu à démissionner quand il fut convaincu qu'il ne pouvait peser de l'intérieur pour infléchir la position française. A l'opposé, des hommes de droite se sont illustrés dans les deux sens, certains ayant même été "missionnés" par le Président. Et Mitterrand est strictement demeuré dans les limites du consensus massif de l'époque : rétablissement de la souveraineté du Koweït, pas davantage. La suite a montré que c'était déjà trop - les promesses hasardeuses d'obtenir que le Koweït libéré par des démocraties se démocratise lui même quelque peu n'ayant pas été suivi d'effet, et la France n'a tiré aucun avantage personnel de sa participation (l'Allemagne "neutre" a obtenu des contrats substantiels liés à la reconstruction du pays ; nous, non)
En 2003, lors de la guerre en Irak lancée par baby Bush et par Blair sur un prétexte mensonger, Chirac a également pris le pays à témoin, a organisé un vaste débat, a envoyé son "flamboyant" ministre des affaires étrangères exposer la position française à l'ONU dans un discours qui a fait date. La suite a démontré que notre pays avait raison de soutenir que l'Irak ne disposait d'aucune arme de destruction massive et que si on devait se mettre en tête de guerroyer contre tous les dictateurs (dont beaucoup sont au moins aussi sanguinaires que le défunt Saddam Hussein), la planète serait en permanence à feu et à sang et les exactions terroristes se multiplieraient à l'infini. Et les centaines de milliers de victimes provoquées par les boucheries de la guerre et ses prolongements sont là pour démontrer que - euphémisme - l'intervention n'a pas arrangé grand chose en Irak, n'a pas "vaincu le terrorisme" (et on n'a pas encore le recul nécessaire pour évaluer les ravages sanitaires que provoqueront les munitions américaines à uranium appauvri, entre autres)
Revenons à l'Afghanistan. A qui fera-t-on croire que la situation s'améliore, que la "démocratie" peut y être imposée par une force d'occupation ? Et de quelle "démocratie afghane" parle-t-on quand le président réélu n'est qu'un fantoche corrompu qui ne "règne" que sur quelques quartiers de Kaboul grâce aux soldats étrangers qui le protègent, et qu'il doit sa réélection à une fraude massive reconnue aujourd'hui unanimement ?
Que dire quand on sait qu'il entretient les meilleurs rapports avec les "seigneurs de la guerre", les corrompus notoires dont il est le chef avec son frère et qu'il souhaite dialoguer avec les "Talibans modérés" ? (il faudra me donner une définition pour "Taliban modéré" ; j'ai beau chercher, je ne trouve pas)
A qui fera-t-on croire que cette guerre est logique quand le "meilleur allié des USA dans la région", le Pakistan, laisse ses services secrets aider massivement les insurgés talibans et d'Al Qaeda, leur permet d'organiser des "sanctuaires" sur son sol, que la majorité du territoire afghan est totalement hors du contrôle de la coalition et que dans la zone "libérée", les attentats quotidiens démontrent la vanité de l'opération ?
Les faits sont têtus. Quand les Occidentaux ont chassé les Talibans, ils furent acclamés. Neuf ans plus tard, transformés en occupants, commettant de nombreux "dégâts collatéraux" (c'est comme ça qu'on dit, en langage militaire, quand on assassine des femmes et des gosses pour les "libérer"), ils sont au mieux tolérés, en général haïs. Partout dans le monde, il en est ainsi des forces d'occupation.
Cette guerre n'est pas la notre, en aucune manière. Nous n'avons pas de "responsabilité historique" dans cette contrée que nous n'avons jamais colonisée à la différence des Britanniques, nous ne sommes en plus absolument pas associés aux prises de décision de cette guerre conduite de bout en bout par l'état major américain. (Alors que Sarkozy a enterré sans débat quarante ans de gaullisme en remettant la France dans le commandement intégré de l'OTAN sans obtenir la moindre contrepartie qui vaille ; dans ces conditions à quoi sert notre force de dissuasion ?)
Il n'y a qu'une chose à faire : quitter le bourbier afghan, et le plus vite possible comme l'ont fait d'autres pays, pourtant atlantistes forcenés. Même Berlusconi a dégagé ! Même les Rosbifs ont planifié leur départ !
Et c'est la honte de la classe politique de ce pays, majorité et opposition "raisonnable" confondues, de ne pas organiser de débat national sur une question aussi importante. L'armée française n'est pas une bande de mercenaires payée par Sarkozy. Même professionnalisée, elle est l'émanation de la Nation : son rôle est de défendre notre pays et ses alliés directs quand nous sommes liés par des traités. Pas de se compromettre dans des aventures dont personne ne comprend la finalité.
Benjamin.
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