S'il y a un pays où la question environnementale se pose (encore que ce soit avec moins d'acuïté qu'on l'imagine) c'est bien le Brésil - à condition qu'on ne résume pas la problématique à celle de l'Amazonie et de ses z'entils n'indiens (voir une note précédente).
Quand on évoque ce sujet, on devrait ne pas oublier les millions de personnes encore contraintes de survivre dans des bidonvilles sans assainissement, l'électrification ou l'adduction d'eau potable encore souvent défectueuses voire absentes malgré les énormes progrès faits en peu de temps, les voies de communication à renforcer ou à établir d'urgence - sauf dans de très rares régions du sous-continent, essentiellement situées dans le sud.
Il est assez incroyable que le projet de construction d'un barrage hydro-électrique (celui de Belmonte, dans l'état du Para) qui fournira le Nord et le Nordeste brésilien en énergie inépuisable, pas chère et devenue indispensable au prix de la déforestation de quelques centaines de km2, entraîne l'hystérie des "écolos de choc" du monde occidental, surtout quand ils ne représentent qu'eux mêmes et qu'ils ne s'appuient sur aucune compétence scientifique ou écologique. Le barrage de Belmonte, en plus de combler un déficit d'approvisionnement qui devient critique, résoudra "accessoirement" le problème des inondations dramatiques qui frappent chaque année des dizaines de milliers de personnes (en particulier dans la ville d'Altamira dont les citoyens endurent, une à deux fois par an, une montée des eaux de deux mètres dans leurs misérables cabanes, submersion qui entraîne, souvent, la perte d'une bonne partie du très peu qu'ils possèdent).
De cela, on se moque comme on se moque de l'électrification des campagnes suspendue dans la région, en grande partie à cause du déficit en énergie (mais pas seulement: il y a également une grande part de désorganisation "estadual")
On s'en moque parce qu'il y a le "malheureux sort" de quelques milliers d'Amérindiens - Kayapos en particulier - qui émeut tout ce qui porte peu ou prou la "bannière verte". Par exemple, le célèbre James Cameron est venu passer quelques heures dans la région pour les "soutenir". Il est arrivé et reparti dans son jet personnel - bravo pour le bilan carbone d'un donneur de leçons en matière d'écologie! - avant de rejoindre Los Angeles où, c'est bien connu, on ne gaspille ni l'eau ni l'électricité: c'est "ça" qui va donner des leçons au monde? Et comment fera-t-on au Brésil pour apprécier ses films (au demeurant pas inintéressants) quand les villes seront plongées dans le black-out?
Quelqu'un pourra-t-il enfin dire la vérité - à savoir que ces Amérindiens sont des semi-nomades déjà au contact de la "civilisation" et qu'en conséquence un déplacement limité de leurs tribus, avec assistance, appui logistique et indemnisation sur le plan matériel n'a rien de scandaleux et n'est en aucune manière un "génocide culturel" (ça ne manque pas de sel, quand on entend cet argument proféré par des religieux catholiques ou membres d'une des innombrables sectes protestantes présentes dans le pays qui font, au sein des tribus, un prosélytisme effréné pour les sortir de l'animisme, persuader les femmes de se couvrir les nibards, les hommes d'enfiler un short, de ne plus "faire de boogie-woogie avant le mariage" et surtout, de baptiser les enfants à venir et de les élever dans la crainte du Jugement Dernier, ce qui est vraiment aux antipodes de la conception animiste amérindienne!)
Dès la première Déclaration des Droits de l'Homme, le droit à exproprier pour une cause collective - sous réserve d'une juste compsensation - a été reconnu et est intégré dans toutes les démocraties. Pourquoi faire, là, une exception? Cela manque encore moins de sel quand les protestations viennent de citoyens issus de pays qui gaspillent dix ou vingt fois plus d'énergie par tête que les Brésiliens, et qui n'entendent nullement - en dehors des discours de circonstance et à quelques exceptions près - limiter drastiquement leur consommation.
Quelle est la proportion de "gringos" qui renoncent à leur voiture au lieu de demander aux citoyens des pays émergents de ne pas en acheter? (1)
Quelle est même la proportion de ceux qui renoncent à la climatisation de ces voitures, devenue "indispensable" alors qu'elle était inconnue il y a vingt ans?
C'est encore plus drôle quand les Français s'en mêlent, eux qui ont noyé "à côté" la même superficie de forêt équatoriale et gaspillé 250 millions d'euros pour fournir à grand-peine 40% de la consommation d'électricité en Guyane, territoire peuplé de moins de 200.000 habitants - qui plus est sans déforester au préalable: quinze ans après, le lac dégage toujours des centaines de milliers de tonnes de méthane, gaz à effet de serre bien pire que le CO2.
Il y a en plus une composante que les Occidentaux, perpétuels donneurs de leçons et dispensateurs d'une morale qu'ils ne respectent pas eux même, devraient enfin intégrer: quand ils se mêlent de cette manière des affaires du peuple brésilien, ils provoquent une réaction de rejet totalement contreproductive.
L'Amérique latine a suffisamment souffert de l'interventionnisme des Gringos (au nom, entre autres, de la doctrine Monroe), interventionnisme qui a favorisé le pillage éhonté de ses réserves, les dizaines de milliers de morts assassinés après torture par ses innombrables dictateurs, et retardé l'apparition de la démocratie. Désormais elle veut gérer ses propres affaires et revendique le droit de faire éventuellement les mêmes "erreurs" que nous.
Les Brésiliens viennent de démontrer, avec le premier tour des élections générales, qu'ils sont suffisamment mûrs pour peser le pour et le contre - y compris en se préoccupant des questions environnementales. Alors, on les laisse tranquilles, on les laisse gérer leurs affaires!
Et basta avec ces "arguments" proférés par des éléments "progressistes" sur les "peuples premiers qui étaient là avant tout le monde et qui de ce fait on des droits naturels". Parce que si j'énonce cela en parlant des Amérindiens de Guyane et du Brésil, je suis un "Grand Démocrate"; si je profère cela à propos des "Gaulois" ou des membres du "peuple corse" ou de la "nation bretonne" qui auraient "des droits naturels" vis à vis de ceux qui sont arrivés après eux, je suis un "pourri de lepéniste" ou un "dangereux xénophobe". Il faudrait savoir...
Les Amérindiens sont "une des composantes du peuple brésilien", reconnue comme telle, et traitée avec ses droits, souvent plus grands que ceux de la majorité contrairement à ce qu'on croit: à Oiapoque - sur la frontière guyano-brésilienne -, les subsides matérielles attribuées aux Karipunes sont supérieures à celles qui sont attribuées aux Brésiliens "normaux" (2) (ces dernières sont quasiment nulles: uniquement la "bolsa familial") et ce n'est pas sans provoquer des tensions.
Tensions que l'on constate dans toute la fédération, où les Indiens sont assez mal vus, souvent considérés comme recherchant systématiquement l'assistanat pour consommer à loisir sans pour autant participer à l'effort économique collectif. On peut le déplorer, mais c'est comme ça et on fait évidemment abstraction des très rares groupes ethniques qui ont choisi de vivre isolés, au milieu de la "selva", et qui peuvent le faire bien plus souvent qu'on l'imagine.
N'oublions pas l'existence d'une administration puissante au Brésil, la FUNAI, qui défend les droits des Amérindiens. Et les empiètements sur leurs "réserves" deviennent fort limités quoiqu'on dise... sauf quand eux même "vendent" les droits de passage ou d'occupation... pour se lamenter juste après!
Enfin, ces Amérindiens "communiquent" fort bien par eux même. Quand ils défilent à Belém en tenue folkorique qu'ils ne portent d'ailleurs plus guère qu'en cette occasion, on leur ouvre "l'avenida do Presidente Vargas", on protège la manifestation avec d'innombrables troupes de la PM (alors que nul ne songe à les agresser: les habitants de la ville qui subissent la violence quotidienne apprécient modérément cette différence de traitement), on les interviewe, ils sont reçus par le pouvoir "estadual", par les représentants du pouvoir fédéral, et la ville se préoccupe de leur hébergement.
Alors, pas d'impérialisme: "bons sauvages y en a pas besoin z'entils blancs venus de loin pour penser et agir à leur place".
Benjamin
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