C'est ce que laisse en tout cas entendre une déclaration sous forme de mea culpa de Martin Hirsch, à l'époque Directeur de cabinet de Kouchner (secrétaire d'état à la santé, sous l'autorité de la ministre des affaires sociales, Martine Aubry)
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Le Figaro a publié vendredi une lettre alarmante adressée à l'Agence du médicament le 21 septembre 1998 [le gouvernement Jospin était en place depuis plus d'un an] par trois professeurs, dont Hubert Allemand, médecin conseil de la Caisse nationale d'assurance-maladie.
"Il est en effet assez paradoxal de constater que la prescription de Mediator est tout à fait libre tandis que celle des médicaments du groupe des amphétaminiques est strictement encadrée depuis mai 1995", estiment les médecins de la Sécurité sociale dans un courrier qui n'a eu aucune suite.
Dès septembre 1997, l'Isoméride, autre médicament coupe-faim des laboratoires Servier, qui commercialisaient le Mediator, était retiré du marché mondial du fait du risque d'hypertension artérielle pulmonaire et de maladies des valves cardiaques. Or le Mediator et l'Isoméride ont des caractéristiques chimiques très proches. (le Point.fr)
Martin Hirsch, qui était en 1998 directeur de cabinet du secrétaire d'État à la Santé Bernard Kouchner, a déclaré dimanche sur Canal+ ne pas avoir entendu parler de cette mise en garde. Seulment il en parle avec une certaine honnêteté intellectuelle:
"On est visiblement face à une faille, donc ça n'exonère pas ; je me sens responsable du fonctionnement du système sanitaire à ma place, qui était celle de directeur de cabinet du secrétaire d'État entre 1997 et 1999, et c'est difficile de comprendre pourquoi les alertes ne sont pas remontées", a-t-il dit en annonçant qu'il transmettrait ses archives.
"Tous ceux ou toutes celles qui ont eu des responsabilités, quelles qu'elles soient à cette époque, doivent, c'est logique, rendre des comptes sur ce qu'ils ont fait ou pas fait", a-t-il ajouté en se disant "pas à l'aise" sur ce dossier.
Quant à son "patron" de l'époque, toujours prompt à se targuer de ses (rares) succès, il se défausse avec son courage habituel - c'est son habitude chaque fois qu'il est mis en cause.
Dans le Journal du dimanche, Bernard Kouchner dit lui aussi n'avoir "jamais entendu parler du Mediator" ni vu la lettre. Sa ministre de tutelle en 1998, Martine Aubry, a elle aussi déclaré dans l'hebdomadaire ne pas être au courant.
Pour Aubry, cela peut se comprendre. Son énorme ministère coiffait un secteur considérable, et on se demande dans ces conditions à quoi il aurait servi qu'on lui déléguât un secrétaire d'état en charge de la Santé si elle avait dû tout superviser, dans le moindre détail (les ministres qui le laissent aucune latitude à leurs ministres délégués ou à leurs secrétaires d'état sont d'ailleurs souvent moqués ou critiqués pour cela)
Hirsch pose bien le problème. Il n'a (n'aurait?) pas été informé par l'Agence du Médicament, (actuelle AFSSAP) De ce fait, il s'interroge sur sa responsabilité propre: a-t-il laissé filer l'information sans y prêter attention? N'a-t-il pas été informé, faute d'avoir organisé convenablement le cabine du secrétaire d'état? Ce dernier a-t-il mis en place un organigramme qui l'écartait du circuit? Et il joue le jeu de la transparence, en transmettant ses archives avant que quiconque les lui demande.
Pour Kouchner, il en va tout autrement. Parce que si un ministre ou un secrétaire d'état ne saurait évidemment tout voir ou tout lire, il demeure le seul responsable du fonctionnement de son cabinet et de l'autorité qu'il a sur son administration. Si ces alertes (qui auraient peut être permis de gagner dix ans avant que ce scandale médical soit enfin interrompu) avaient été portées à la connaissance d'un secrétaire d'état et si celui-ci avait agi avec promptitude, des centaines de vies auraient été épargnées, tout comme des centaines de gens n'auraient pas été sévèrement handicapés.
A noter toutefois que l'Agence du médicament (nom que portait l'AFSSAP à l'époque) avait le pouvoir de retirer les autorisations de mise sur le marché sans avoir besoin du feu vert du ministre pour le faire. Seulement la porosité existant entre ses dirigeants et les laboratoires ferait sourire à cette simple évocation - si les conséquences n'avaient pas été aussi sérieuses. Et cela est surtout valable quand on évoque Servier.
Pour Martin Hirsch, des leçons doivent être tirées après la révélation qu'un médicament de la famille des amphétamines était prescrit à des personnes qui souhaitaient maigrir. "C'est effectivement gravissime, il faut peut-être maintenant interdire purement et simplement le démarchage des médecins par les laboratoires pharmaceutiques, par les visiteurs médicaux", a-t-il dit en prônant aussi l'interdiction du financement de la formation continue des médecins par les laboratoires pharmaceutiques.
Le ministre de la Santé, l'UMP Xavier Bertrand, a commandé un rapport à l'Inspection générale des affaires sociales (Igas) qui doit être rendu le 15 janvier.
Le Parti socialiste a obtenu la création d'une mission d'information parlementaire sur ce dossier.
M'est avis que Bachelot - qui a retiré récemment le Mediator du marché ne se laissera pas "chatouiller" trop vivement sur ce dossier, compte tenu de ce qui précède. Elle affirme n'avoir été informée qu'en 2008, soit dix ans après les courriers évoqués en tête de note et adressés à ses lointains prédécesseurs.
Benjamin.
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