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Un triomphe de la malbouffe et de la publicité "induisant en erreur"
S'il est un produit qui représente l'esprit français, c'est bien le camembert, claquos des familles!
Faute de vigilance, les producteurs de camemberts ont perdu leur réputation en ne déposant pas à temps une demande d'AOC. La Cour d'Appel d'Orléans confirma - hélas! - en 1926 que la dénomination " Camembert" était un terme générique tombé dans le domaine public.
On peut donc fabriquer un soi-disant camembert n'importe où (beaucoup de ces contrefaçons viennent de Bretagne, de Champagne, de Lorraine voire même de l'étranger, fabriquées avec des assemblages de laits pasteurisés issus de vaches nourries de tourteaux et ne voyant pas la lumière du jour). Le résultat est une pâte sans surprise, inodore et quasiment sans saveur.
Ce n'est qu'en 1983 que des producteurs soucieux de rétablir l'honneur et la réputation du fromage symbole de la gastronomie normande ont obtenu une création d'Appellation d'Origine Contrôlée qui oblige à fabriquer le camembert EN Normandie avec du lait DE Normandie (des petits malins utilisent encore la dénomination "camembert fabriqué EN Normandie" mais dans ce cas si la fabrication voire la finalisation du produit - emballage, conditionnement - sont effectuées dans la région, elle peut l'être avec des laits de toute provenance, pasteurisés, microfiltrés ou préchauffés), et en repectant la tradition.
Ajoutons que depuis juin 1996, le Camembert de Normandie bénéficie de l'AOP, Appellation d'Origine Protégée, signe officiel européen de qualité.
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Cela lui permet de bénéficier d'une protection juridique sur l'ensemble des pays de l'UE.
Depuis le 1er mai 2009, le logo européen AOP ou la mention littérale "Appellation d'Origine Protégée", est obligatoire sur les emballages des produits bénéficiant du logo AOC français et qui ont rejoint la famille des AOP européennes.
Un camembert AOC de Normandie doit être fabriqué avec du lait cru local, dont les vaches productrices reçoivent une alimentation contrôlée. Il doit être "moulé à la louche" et être présenté impérativement dans une boîte en bois.
Quelques exemples de fromages qui ne laissent pas de place au doute.
(La liste de ces vrais camemberts n'est pas exhaustive)
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Et c'est là que nous tombons sur une scandaleuse arnaque
Pendant plus de 120 ans, le camembert Lepetit fut le symbole de l'excellence, du vrai camembert de Normandie. Les inconditionnels (qui avaient les moyens) n'en achetaient guère d'autres, et dans des familles plus modestes mais qui savaient manger, on faisait parfois un sacrifice financier conséquent, sûrs de déguster un produit de qualité quitte à le payer cher.
Ancienne présentation, avec l'AOC clairement indiquée
La maison Lepetit, en plus de fabriquer un excellent produit, avait innové en matière de "réclame" quasiment ses origines, en participant largement à l'organisation de la très populaire course cycliste Paris-Camembert. Dans le pays d'Auge, berceau du vrai camembert normand, elle faisait vivre un très grand nombre de petits producteurs laitiers ainsi que des dizaines d'ouvrières.
Fin de la belle aventure avec le rachat de la marque par lactalis, qui a entrepris de fabriquer sous le même nom une pâte industrielle, en conservant la réputation d'origine. Tout d'abord, tentative d'utilisation de lait "microfiltré" et "préchauffé", en pratiquant un lobbying effréné pour conserver le label AOC qui parle encore à des consommateurs. Révolte des vrais producteurs, appuyés par Périco Légasse qui, dans ses chroniques alimentaires délicieusement imprécatrices a soulevé le lièvre et a empêché le hold-up sur la dite AOC.
Lactalis, alors, très cyniquement, a laissé tomber.
Fermeture de l'usine historique Lepetit de Saint-Maclou pour regrouper la production de diverses "marques" et, récemment, sans changer le "look" de l'emballage (qui donne à penser à un regard non exercé que le fromage a conservé ses traditions), passage au lait pasteurisé!
Le camembert Lepetit, malgré les apparences (il faut bien savoir lire les étiquettes), malgré l'ouverture s'un site internet délicieusement rétro mais dont la présentation omet les sujets qui fâchent, malgré le prix élevé qui évoque plutôt le fromage d'exception que la vague pâte industrielle actuelle, tente toujours de surfer dans la cour des grands (et y demeurera peut être si on le laisse faire sur le plan du chiffre d'affaire, mais certainement pas sur le plan de la qualité)
Il faut retourner la boîte et lire une très petite étiquette pour savoir qu'on a affaire à un "camembert" au lait pasteurisé! Pire que les contrats d'assurance... pour lesquels on sait que ce sont les caractères minuscules qui évoquent l'essentiel.
Les arguments invoqués sont évidemment le désir de "satisfaire le consommateur". Certes, quand on achète un camembert AOC, on n'est jamais sûr de tomber sur le produit qui a atteint le degré de maturité précis de ses rêves - si on est à peu près certain de manger quand même "du bon" (C'est la glorieuse incertitude de la gastronomie, tout comme de l'oenologie: on n'est jamais assuré de ce qui se cache derrière le bouchon)
Permettez au Meldois d'adoption que je suis devenu, de signaler que si vous supportez mal cette incertitude, vous pouvez tenter le brie de Meaux (AOC!) qui, vendu à la découpe, vous permet d'apprécier à loisir l'état de la pâte avant d'acheter. Il n'est de brie que de Meaux (tout comme il n'est de moutarde que de Meaux) et vous serez averti (je suggère un Sauternes pour l'accompagner. Assortiment qui peut sembler surprenant au vu des traditions, mais que vous ne regretterez pas)
Mais en tout état de cause, soutenez les vrais producteurs de fromages! Achetez des AOC ou si vous n'avez pas le budget pour en faire un acte systématique, ne vous faites pas plumer par des présentations trompeuses, rabattez vous sur les fromages qui ne vous induisent pas sciemment en erreur.
Un site qui donne pas mal d'informations sur les camemberts
Benjamin
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