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Au départ, des similitudes: deux pays dotés de très peu de ressources naturelles et qui en conséquence se sont tournés vers les services.
ayant de ce fait développé un système bancaire hypertrophié, essentiellement spéculatif.
Il y a cinq ans encore, la fine fleur de nos winners formés souvent aux frais du contribuable français partait travailler dans les banques irlandaises en crachant sur ce pays foutu plein de losers dont ils étaient originaires (mais sans rompre totalement les amarres: cotiser pour le système social, pas question, mais en bénéficier en cas de pépin, pas question non plus d'y renoncer).
L'Irlande était d'ailleurs LE modèle à suivre. Regardez ce pays dans lequel on ne payait quasiment pas d'impôts (facile: les infrastructures ont été financées pour l'essentiel par l'UE) et surtout quasiment pas d'impôt sur les sociétés, et qui a un budget largement excédentaire, un PIB par habitant en hausse croissante, etc.! Le château fort bâti sans fondations, sur une carrière de sables mouvants.
Puis la crise est survenue, sans préavis. Les banques en cessation de paiement, les Irlandais coincés par leur bulle immobilière géante, et le déficit qui grimpe de manière abyssale, sans préavis jusqu'à atteindre... 32% du PIB
L'Irlande est dans la zone euro, et entend bien y rester. Il faut dire qu'elle n'a pas trop le choix puisqu'elle a décidé de sauver ses banques envers et contre tout - et que pour cela elle doit accepter les oukases tant de Bruxelles que du FMI. D'où une réduction drastique de ses dépenses, une montée exceptionnelle du chômage, une hausse colossale de certains impôts (mais surtout pas celui qui frappe les sociétés, lesquelles se sont pourtant gavées des années durant et qui n'a même pas été réévalué de manière symbolique) Nos "winners" français ont retraversé vite fait bien fait la Manche pour profiter de l'UNEDIC et de la Sécu qu'ils n'ont jamais financés.
L'Irlande est fort mal récompensée de ses efforts accomplis dans la plus belle orthodoxie néo-libérale. Après avoir ingurgité cette pruge drastique imposée sous la pression des toutes puissantes "agences de notation" ces dernières ont abaissé très significativement sa note, constatant logiquement que la récession inévitable rendra le remboursement de la dette encore plus difficile. Pile je gagne; face, tu perds.
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L'Islande, maintenant. C'est à peu près le même processus avec des banques irresponsables qui n'avaient pour objectif que de dégager un maximum de cash, chaque année, pour des investisseurs cupides.
Pourquoi se fatiguer à travailler quand en spéculant on peut ramasser 15 à 20% de rentabilité sur un capital que parfois on ne possède même pas, si on joue à terme? Surtout quand à grands coups de publicité carrément mensongère ou du moins, présentée de manière quelque peu euphorique, on présente ces gains comme inéluctables?
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Seulement le peuple islandais a été autrement réactif... D'abord, il a fichu vite fait et bien fait là la porte les gouvernants qui l'ont fait rêver.
Ensuite il s'est souvenu des fondamentaux du... libéralisme non dévoyé, à savoir considérer qu'il y a une part de risque dans tout investissement et qu'en général, plus les gains sont potentiellement élevés, plus le risque est important - et doit être assumé par celui qui le prend et pas par la collectivité. Une petite moitié du secteur bancaire a été renflouée - mais contre sa nationalisation - l'autre a été abandonnée à son sort. Eh oui, quand on prétend ramasser du 20% par an, on ne peut pas exiger la sécurité offerte par le livret A!
Evidemment, la monnaie islandaise en a pâti... (30% de dévaluation)... ce qui a rendu subitement l'économie islandaise, la vraie, celle qui crée des biens, qui fournit des services non virtuels, extrêmement compétitifs. Les Islandais n'importent plus ces 4x4 monstrueux, qui envahissaient leur capitale, ils logeront de nouveaux dans des maisons de taille normale, mais ils recevront des touristes, ils pourront retrouver leur place dans le secteur hauturier qu'ils avaient abandonné (pas assez rentable en comparaison de la spéculation) comme dans quelques secteurs industriels de pointe, sur certaines "micro-niches" dans lesquelles ils excellent.
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L'économie islandaise a progressé de 1,2 % au troisième trimestre et la reprise devrait se confirmer en 2011. Le pays sort ainsi d’une profonde récession imputable aux “nouveaux vikings”, les dirigeants des banques Landsbanki, Glitnir et Kaupthing, qui ont provoqué l’effondrement du système financier islandais en septembre 2008.
A l’instar de l’Irlande, dont les banques se sont également livrées aux pires excès, l’Islande a vu son PIB reculer d’environ 11 % [en deux ans], mais dans un contexte d’inflation qui entraîne une dévaluation de ses emprunts. L’Irlande, elle, est soumise au régime déflationniste de l’Union monétaire européenne qui alourdit le poids de sa dette.
Le déficit budgétaire islandais atteindra 6,3 % en 2010, avant de laisser place à un excédent. Celui de l’Irlande s’établira à 13 % (32 % avec le renflouement des banques) et ne devrait guère s’améliorer en 2011. La crise n’a pas non plus frappé partout avec une égale brutalité. En Irlande, le taux de chômage atteint 14,1 %, tandis que dans le pays nordique, après un pic de 9,7 %, il est retombé à 7,3 %.
Les Islandais sont sortis de l’ornière, estime le Fonds monétaire international (FMI), en saluant la capacité de leur gouvernement à préserver “le précieux modèle nordique de protection sociale”. “La récession s’est révélée moins profonde que prévu”, constate Mark Flanigan, chef de mission du FMI. L’endettement culminera à 115 % du PIB avant de descendre à 80 % en 2015, tandis que celui de l’Irlande s’aggravera durant les trois prochaines années, jusqu’à 120 %.
(Courrier International)
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C'est à mourir de rire! Le FMI reconnaît que l'Islande, qui a appliqué une politique totalement contraire à ses recommandations habituelles, est néanmoins "sortie de l'ornière"!
Evidemment de bonnes âmes tentent de nous tirer des larmes sur les victimes de la faillite des banques islandaises, qu'il aurait fallu sauver à tout prix. Mais pourquoi peut-on laisser crever des pans entiers de l'industrie européenne au nom d'un processus de sélection darwinienne (la compétitivité insuffisante, la "concurrence libre et non faussée" et toute cette sorte de choses) quand le secteur bancaire serait une sorte de monstre sacré devant lequel chacun devrait se prosterner et qu'il faudrait protéger à tout prix de ses turpitudes?
Une banque, c'est une entreprise. Ou on considère que les entreprises en danger doivent être protégées envers et contre tout - et dans ce cas il ne fallait pas, par exemple, décontingenter les importations chinoises dans le secteur du textile, ce qui a fait perdre 600.000 emplois à la France en trois ans - ou on se place sur le terrain du strict libéralisme et dans cette hypothèse, on laisse une banque mal gérée mourir si elle s'est fourvoyée; ou si on la sauve, on la nationalise pour compenser les fonds engloutis à cet effet. On fait beaucoup moins de cas des employés du secteur secondaire - voire des actionnaires de ces entreprises - que du sort de ceux qui amassent de la thune en spéculant sur du vent.
Benjamin.
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