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Le bénévolat est une théraphie que les gens ont trouvée pour se délivrer de l'ennui dans lequel la société les enferme, et souvent ils viennent nous "aider" pous se faire soigner eux-même !!!
(N., directeur d'un orphelinat situé au Brésil)
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Sur un forum de voyage auquel je participe , il y eut un débat... passionné on va dire, à propos de l'annonce récurrente et aussi nunuche que de coutume.
Bonjour, Je suis une fille de 25 ans. Je souhaiterais faire de "l'humanitaire" au Brésil. Auriez vous..... - des conseils à me donner? - un nom d'organisation? - une ville à privilégier?
La personne parle-t-elle portugais? Connaît-elle déjà le pays? A-t-elle des compétences particulières? Mystère. A-t-elle conscience que le Brésil est certes un pays dans lequel d'énormes disparités sociales existent mais qui émerge, dont le taux de croissance ferait pâlir d'envie n'importe quel Européen et que bien des pays certes moins glamours (sans plages, sans la samba, la caïpirinha et toute cette sorte de choses) ont des besoins autrement criants?
Bref ma pauvre, si tu rédiges tous tes CV ainsi, tu n'es pas prête de trouver un jour du boulot...
Je n'ai pas pu résister (il y avait déjà quelques réponses... contrastées, on va dire) à donner mon opinion en tentant d'argumenter.
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Voilà ma "contribution". (texte très légèrement remanié et corrigé)
A propos de la volonté de faire de l'humanitaire...
Il y a quelques précisions à apporter, d'ordre général tout d'abord, d'ordre plus spécifiquement "brésilien" ensuite.
1/ Beaucoup de gens animés parfois de très bonnes intentions veulent exporter leur... incompétence totale. Êtes-vous logisticien? (c'est très demandé) Médecin habilité à exercer dans le pays? Agent de santé? Technicien de haut niveau dans, par exemple, le génie civil? (etc.)
Non? alors neuf fois sur dix les associations sérieuses et pas véreuses qui oeuvrent sur le terrain n'ont pas besoin de vous, et ne veulent pas de vous. Parce qu'au regard de la plus value ridicule que vous apporterez, le poids (au moins moral) que vous représentez est considérable: il faut vous prendre en charge, vous nourrir, VOUS PROTÉGER, etc. Comme en plus pas mal de public humanitaire & solidaire pète les plombs sur place pour cause de fragilité dès que les vrais problèmes apparaissent, le jeu n'en vaut pas la chandelle.
Intégrer une association humanitaire de bon niveau et qui fait un travail solide, reconnu, pour un coût raisonnable, c'est désormais aussi dur que de trouver un job "normal". Le taux de sélection est le même que dans une entreprise cotée... Si vous ne me croyez pas, contactez les plus connues et tentez votre chance.
Autre chose: si vous partez là bas en ne sachant "pas faire grand chose" et qu'on vous emploie quand même... vous privez un travailleur "local" d'un boulot pour lequel il toucherait un salaire qui, même modeste, lui permettrait de faire vivre sa famille. Sympa, non?
2/ Il y a une flopée de crétins et pire, d'escrocs - je pèse mes mots - qui surfent sur l'humanitaire et la bonne volonté des altruistes en organisant les "séjours solidaires" en partie subventionnés sur fonds publics (je sais, il ne faut pas généraliser)
On paye (fort cher) le droit d'aller "aider" pendant quelques semaines au cours desquelles on est logé dans des conditions indignes pour faire un travail souvent pas très utile (il suffit souvent de retourner sur place quelques années, voire quelques mois après pour voir ce qui en reste...) et là encore, si le travail a une quelconque utilité, il serait bien mieux fait par des gens du coin à la recherche d'un salaire. A quoi cela rime, d'envoyer des lycéens de 17 ans qui n'ont jamais manié une truelle de leur vie, faire de la maçonnerie en Afrique?
Avec le prix des billets aller-retour, des assurances et tout le tintouin, on payerait un manoeuvre ou une femme qui s'occuperait de gosses dans une maison pour enfants abandonnés pendant des années, en les maintenant dans leur environnement, et en leur permettant de conserver une bonne part de leur mode de vie.
Condition indispensable pour plaire aux "humanitaires": des petits yeux brillants de reconnaissance
Pour le Brésil, maintenant.
D'abord, ce n'est plus un pays pauvre; c'est un pays émergent, même s'il demeure très inégalitaire. Sur place il y a les compétences et les gens qui "veulent faire des choses", qui en font, qui parlent la langue, qui connaissent la "mentalité" locale - laquelle varie en outre considérablement selon les états, la psychologie particulière des populations défavorisées. La situation s'y améliore d'année en année même s'il reste énormément à accomplir.
J'ai une carrière d'enseignant derrière moi avec l'essentiel au contact d'enfants "défavorisés" de métropole et de Guyane, et je connais fort bien des familles très "défavorisées" - euphémisme - du Brésil. En plus j'ai exercé longtemps des fonctions de conseil pédagogique et je me débrouille bien en portugais. Il n'empêche... je suis totalement incompétent pour aller m'occuper d'enfants délaissés au Brésil! Sauf peut être pour les débarbouiller ou leur filer des vêtements... Mais là encore on en revient à ce qui est dit ci dessus: voler un emploi à un travailleur brésilien? Si je pense vraiment à eux et pas à moi, je consacrerai l'argent de mon "voyage humanitaire" à un don spécifique à une organisation reconnue fiable (il y en a plus qu'on le croit) qui l'emploiera à bon escient.
Quant aux vélléités "d'humanitaires" sans compétences particulières qui veulent aller "aider", mais juste à Rio ou Bahia, en été, tout frais payés (même s'ils ne vont pas jusqu'à demander un salaire, mais des fois c'est tout juste), avec en plus des exigences de prise en charge de logement voire de transport depuis l'aéroport même et avec des temps de loisirs conséquents et garantis... je préfère ne pas dire ce que j'en pense.
Vous voulez vraiment aider des Brésiliens?
Soit vous le faites par le biais d'une association en qui vous avez confiance et à qui vous faites un don substantiel,
soit vous allez sur place (à vos frais) et vous vous mettez AU SERVICE de gens dont vous appréciez le travail. Ils ont la compétence, la connaissance du terrain.
Et neuf fois sur dix ils vous diront qu'ils ont besoin d'aide matérielle, pas de travail sans doute fait avec bonne volonté mais en toute incompétence. Et s'ils ne vous le disent pas, faites attention de ne pas être utilisé pour remplacer la main d'œuvre locale (dont le salaire, dans le pire des cas, tombe dans des poches véreuses pendant que vous vous échinez)
Faites aussi très attention de faire "collectif"! On ne favorise pas quelques enfants plus que d'autres dans un orphelinat, parce qu'ils ont une bouille plus mignonne (jamais de cadeaux individuels: vous vous faites plaisir mais vous foutez la m... qu'il faudra gérer à votre départ).
Il vaut mieux peut être acheter des moustiquaires manquantes , contribuer à réparer la plomberie des douches plutôt que d'offrir des jouets (si c'est ça qu'on vous a indiqué: je citerai le cas de rigolos qui ont amené des frisbees aux gosses d'un village, frisbees qui ont été ramassés de suite par les mères qui en ont fait... des plats en plastique parce qu'elle manquaient de vaisselle et que c'était fichtrement plus utile qu'un jouet occasionnel; le problème c'est que le prix d'un frisbee, c'était le prix de dix assiettes au marché du coin... bonjour le gaspillage fait par des gringos pleins de bonnes intentions... mais vraiment très cons)
En plus, ne vous étonnez pas si votre démarche suscite la suspicion, surtout quand vous voulez travailler avec des enfants.
Le Brésil est en pleine campagne de lutte contre la pédophilie et trop d'abus y ont été commis pour que des précautions ne soient pas prises, qui paraissent offensantes quand on part avec de bonnes intentions mais qui sont indispensables.
Enfin n'oubliez pas les contraintes administratives. L'humanitaire n'autorise pas à être hors la loi.
Ou vous rentrez avec un visa frontière de tourisme (trois mois) et vous n'avez pas le droit de travailler (et une association tant soit peu sérieuse doit vous déclarer pour se couvrir et vous protéger... hiatus)
Ou pour travailler il vous faut un visa préalable (donné aux gens qui peuvent démontrer que leurs compétences sont indispensables sur place, ou aux investisseurs) C'est votre cas?
Un peu de provocation...
En France, les SAMU sociaux, la croix rouge, etc. manquent de volontaires pour faire les maraudes d'aide aux SDF. Le secours populaire manque de bras, tout comme les associations de ce type de nature confessionnelle.
Des gosses ont besoin de soutien scolaire dans des quartiers déshérités. Idem, des mamies sont désespérément seules dans leur sixième étage sans ascenseur, et faire les courses est une épreuve insurmontable pour elles, sans parler du désert affectif.
D'accord, c'est moins glamour. Aller apprendre aux petits Brésiliens à jouer au football (si! si! ça se fait!) c'est plus sympathique. Mais ça permet de se constituer un panel d'expériences, de se donner une crédibilité, de se tester soi même.
Et de se constituer un CV "humanitaire" non virtuel, d'acquérir des compétences qui aideront à ouvrir ensuite des portes d'associations sérieuses.
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Le débat qui a suivi fut somptueux,
Entre les hystériques de l'humanitaires pour qui il faut avant tout écouter son coeur (sic) et les réalistes.
Parmi ceux que je nomme les réalistes... il y avait le directeur d'un orphelinat basé à Salvador de Bahia.
Je lui ai posé la question (assez sûr de moi quant à la réponse...)
Le problème n'est pas d'attaquer untel ou untel, c'est de mettre le doigt sur l'altruisme mal pensé, l'escroquerie de certains "organisateurs d'humanitaires" et de dire à certains humanitaires potentiels que "faut pas rêver"
En dehors bien sûr de tâches très spécifiques comme l'enseignement de l'anglais à des enfants (dont vous avez parlé) - et encore, quand on est soi-même pédagogue et parfaitement lusophone..
vous qui bossez dans un orphelinat, pouvez-vous confirmer ou infirmer que dans 99 cas sur 100 la bonne volonté (même incontestable) et le volontarisme ne donnent pas la capacité et les compétences pour s'occuper de gamins au Brésil?
Et la réponse est arrivée de suite, implacable, lucide et redoutable de férocité contenue.
Bien sûr que non. Le bénévolat est une théraphie que les gens ont trouvée pour se délivrer de l'ennui dans lequel la société les enferme, et souvent ils viennent nous "aider" pous se faire soigner eux-même !!!
La personne en question avait signalé auparavant (là c'était dans une autre optique) une "bénévole humanitaire" qui s'est proposée à son orphelinat pour donner des cours d'anglais aux gamins contre le logement, mais qui, ayant très vite découvert des charmes des nuits bahianaises, passait ses journées à récupérer vautrée sur son matelas après s'être fait sauter nuit après nuit, et qui a eu le culot de demander une "attestation" en fin de séjour, pour nourrir son CV!)
Pourquoi est-ce que je ressors ce vieux débat?
Parce qu'il est "remonté" récemment par le biais d'une contribution tardive... laquelle est le plus beau cadeau de Noël que j'ai reçu (facile d'ailleurs, c'était le seul... mais il aurait gagné toute compétition). Merci, "Demi-Lune"!
Bonjour Benjamin, je sais que ce post est déjà assez vieux, mais je suis tombé dessus par hasard en cherchant des articles sur l'hypocrisie du "tourisme solidaire".
Appelons les choses par leur vrai nom: ce n'est pas de l'aide humanitaire que font la majorité de ces jeunes sans compétences particulières lorsqu'ils se rendent à l'étranger, il s'agit bien de TOURISME et non de MISSIONS HUMANITAIRES à proprement parler.
Je voulais juste vous dire Benjamin, que j'ai apprécié vos interventions.
Pour m'être inscrite à plusieurs organisme de TOURISME solidaire pour moins de 30 ans, qui reçoivent des subventions gouvernementales, j'ai vite compris que quelque chose n'allait pas.
Je suis allée passée des journées d'entrevues de sélection dans lesquelles des animateurs très arrogants nous obligeaient à faire des activités stupides, et dont je ne crois pas que cela va réellement aider les populations concernées par le voyage. "Inventez une langue imaginaire", "créez une danse tribale à la sauce granolas hippie ethnique", et autres conneries du genre.
À l'époque, j'étais pauvre, je travaillais dans un restaurant et j'avais beaucoup de difficultés à me payer des vêtements, mais je voulais échapper à ma vie de merde quelques mois pour vivre une expérience enrichissante. Bon j'avoue que moi aussi j'avais pas mal plus d'objectifs "touristes" qu'humanitaires. J'ai été choquée de gaspiller une journée de travail non-rénumérée, pour aller m'inventer une "langue imaginaire" dans un organisme con, que je ne nommerai pas. En revenant de là, j'ai raconté ça à mes collègues de travail africains qui ont bien sûr trouvés cela complètement stupide.
Une de nos collègues était justement fille à papa gâtée hippie qui travaillait au resto juste pour se payer des vêtements et des "voyages humanitaires" en Afrique. Et bien, nos collègues africains, elle ne leur parlait presque pas.
Il faut croire qu'en dehors de l'Afrique, les Africains ne l'intéressent pas, parce qu'ils ne sont pas habillés multicolores, ne jouent pas du tam tam ou un truc du genre.
Aussi, je voudrais préciser qu'à la journée de sélection, il y avait des dizaines de filles et seulement un gars dans tout le groupe (Un immigrant indien qui voulait faire un projet dans le pays de ses parents. Et d'ailleurs c'était le seul qui avait l'air humble et sympathique).
Étant moi-même une femme, je suis souvent surprise de la mentalité conformisme de mes consoeurs féminines. Aucunes de ces filles n'avaient l'air de se rendre compte que les activités qu'ils nous font faire sont stupides et que le projet "humanitaire" ne servira à rien. (aller apprendre à des pauvres à faire des sites web pour dénoncer la dictature, la violence contre les femmes et des trucs du genre, comme si personne n'a de compétences basiques en site web et ordis en Afrique et en Amérique du sud?)
Non plutôt que de se rendre compte que ce projet est bidon, elles étaient sages et obéissantes. Parmis leurs motivations pour partir, j'ai compris que tout le monde voulait surtout VOYAGER.
Mais pas voyager dans des hôtels de plages ringardes. Non, elles ne voulaient surtout pas être des vulgaires TOURISTES. Mieux que cela: pourquoi ne pas voyager gratuitement nourris-logés, avec des subventions gouvernementales, payées par l'argent des contribuables? Ça c'est du solidaire monsieur! (J'espère que vous avez compris que j'ironise).
Aussi, j'ai compris que la plupart des filles qui visaient les projets en Afrique, aimaient sortir avec des hommes noirs. J'en ai connus pas mal, de ce genre de filles. Là on entre dans la catégorie du "tourisme sexuel", alors là, on tombe un peu bas. Désolé si j'utilise des mots crûs, mais c'est une réalité que j'ai trop souvent constatée chez plusieurs personnes.
Dans un autre organisme ou je suis allée, le but du projet était "d'éduquer" les africains au safe sex, et leur parler des préservatifs. Sur une feuille, je devais écrire comment je comprenais les enjeux du projet.
Je n'ai jamais pû remettre le formulaire d'inscription, car j'ai bloqué à cette étape du formulaire. Je ne comprenais pas l'utilité du projet et je n'arrivais pas à l'expliquer. Je ne comprenais pas comment moi, femme jeune, blanche, occidentale, j'allais pouvoir faire la morale sur les bienfaits de la capote aux hommes africains.
Je me dis qu'il faut être hypocrite pour s'imaginer être réellement utile à ces gens. Il faut aimer se moquer des gens. Peut-être que j'ai compris cela plus facilement, parce que je viens moi-même d'un milieu défavorisé et que le milieu de la pauvreté et la mentalité qui viens avec, je le connais.
Demi-Lune
Pour conclure, tous mes voeux aux hystériques de l'humanitaire, du tourisme solidaire, "et toute cette sorte de choses", tous mes souhaits de bonheur tout comme, tant que j'y suis, aux déjantés de l'adoption internationale (gardez-bien quand même le ticket de caisse: des fois que le gosse que vous avez acheté ne vous convient pas, vous pourrez peut être le rendre ou l'échanger...)
Touriste solidaire (Afghanistan)
Benjamin.
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