Le "paradoxe Stéphane Hessel"

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Cet auteur né en 1917 et dont le parcours est plus qu'estimable,  a récemment défrayé l'actualité à la suite du succès incroyable de son "essai" quand même un peu limité, car un écrit de 14 pages, aussi denses soient-elles, ça ne mène quand même pas au firmament même s'il est fichtrement sympathique de voir un vieux Monsieur au passé prestigieux capable de révolte... Cette révolte fût-elle paradoxale comme on le verra.

Stephane Hessel est d'origine juive, "racialement" s'entend selon la doctrine nazie, puisque sa famille d'origine sémite mais convertie très tôt faisait partie de la grande bourgeoisie allemande (de toute manière, ses origines, on s'en moque: ce qui compte c'est le parcours de l'homme, ses diverses prises de position)  Elle émigra en France en 1925 (Stéphane avait 8 ans) et s'assimila très vite. Il obtint le Baccalauréat dès l'âge de 15 ans, et fut naturalisé en  1937 avant d'intégrer l'Ecole Normale Supérieure en 1939, l'année de son mariage.

Prisonnier évadé, il rejoint de Gaulle et est incorporé dans les FFL.

Il est capturé par les nazis au cours d'une mission de renseignement menée pour le compte du BCRA, torturé puis déporté à Büchenwald où il survivra dans des conditions atroces après avoir vu la plupart de ses compagnons d'armes pendus, et avoir été lui même sauvé à la suite d'un incroyable concours de solidarité, de hasard et de circonstances.  Avant sa Libération tout à la fin de la guerre, déplacé dans divers camp dont celui de l'horreur absolue: Dora, il échappera par miracle trois fois à la pendaison. De quoi vous marquer pour une vie, euphémisme.

La potence de Buchenwald - dessin d'un déporté survivant.

Dans l'après guerre il se consacre à la diplomatie, et contribue de manière notable à la formalisation du programme du Conseil National de la Résistance (CNR) tout comme à la Déclaration Universelle des Droits de l'Homme.

Il n'abandonnera jamais le combat pour ce qu'il croit être juste, en particulier en s'indignant contre certains aspects de la politique d'Israël (sans jamais nier le droit à l'existence de ce pays), ce qui lui vaut une haine inextinguible de la part de nombreux mouvements militants juifs qui le considèrent comme un traitre à la cause sioniste, du fait de ses origines.

Des critiques sans complaisance de la Françafrique (entre autres) sous divers gouvernements de la V^e République lui valent également diverses inimitiés.

Quelque peu oublié, Stephane Hessel revient récemment au sommet de la scène par la grâce du succès totalement inattendu de son essai: "Indignez-vous! Pour une insurrection pacifique", qui se vend à plus d'un million d'exemplaires en moins d'un mois, fin 2010.

Seulement on ne peut s'empêcher, quelle que soit la sympathie qu'inspire Stéphane Hessel, de s'étonner devant des contradictions apparentes entre ce cri de rage (un peu surranné: si le programme du CNR n'a en rien perdu de son actualité au moment même où ses acquis sont quotidiennement remis en question, il gagnerait à être réactualisé quant à sa formulation), et le soutien  inattendu et quasiment inconditionnel apporté à la candidature putative de Dominique Strauss-Kahn... lequel au sein du FMI fait appliquer avec le plus grand zèle des politiques qui sont aux antipodes même des préconisations progressistes du CNR qui avait porté nombre de conquêtes sociales éminentes alors même que l'état de la France, après la guerre, était certainement plus pitoyable qu'il ne l'est de nos jours après une crise financière, aussi grave fût-elle! Captation de vieillard par les conformistes de la "néo-social-démocratie"? La question mérite d'être posée. 

Voilà en tout cas ce qu'en dit Alain Vidal, sur le site du Comité Valmy.

Stéphane Hessel, je suis indigné par votre soutien au directeur général du FMI

Très récemment, Stéphane Hessel défraie bien involontairement la chronique. Il devait participer à une conférence donnée à l'école normale supérieure et il en est empêché sous la pression intolérable du CRIF (conseil représentatif des institutions juives de France), sous le prétexte que deux pages (sur quatorze) de son essai "Indignez vous" sont consacrées au conflit israélo-palestinien, et condamnent sans équivoque l'attitude d'Israël vis à vis de Gaza, en particulier au cours de l'opération Plomb durci et du blocus implacable imposé à ce camp à ciel ouvert. Pages certes discutables pour certains...

Mais au nom de quoi ce vieil homme qui a plus qu'honoré sa patrie et qui a plus que payé de sa personne se voit privé de parole, quand les mêmes, au nom de la liberté d'expression, vont défendre une crapule d'aussi peu d'envergure que Zemmour?

Et tolérera-t-on encore longtemps que le CRIF censé représenter les Juifs de France se mêle d'influencer la politique étrangère de notre pays, menée au nom de tous ses citoyens? Je n'ose imaginer les beuglements, les vociférations, si le Conseil consultatif des institutions musulmanes mis sur pied à grand-peine par Sarkozy prétendait dicter telle ou telle décision vis à vis de l'Arabie Saoudite, prétendait exiger le retrait des troupes françaises en Afghanistan, ou je ne sais quoi de ce genre.

Le CRIF n'existait pas sous de Gaulle, je crois. Mais quand le représentant du Consistoire a voulu, une fois, parler d'Israël, le Général lui a coupé sèchement la parole:

- Monsieur le Rabbin, si vous avez à me parler des Juifs de France, ma porte vous sera toujours ouverte; pour m'entretenir des rapports de la France avec l'état d'israël, l'Ambassadeur de ce pays est en fonction pour cela.

Bien que guère abonné aux communiqués sur commande, je ne peux qu'approuver la parution de celui qui suit, publié par MEDIAPART.

Suite à l'annulation, sur ordre du CRIF et du gouvernement, de la rencontre avec Stéphane Hessel à l'ENS, rendez-vous mardi 18 janvier à 18h30  pour un grand rassemblement contre la censure et pour le respect des libertés démocratiques.

Place du Panthéon, devant l'édifice où sont inhumés les grands hommes de la république, dont notamment Rousseau et Voltaire.

Nul n'a le droit d'interdire aux citoyens de notre pays de dénoncer l'impunité des violations israéliennes du droit international et la collusion de notre gouvernement avec la droite extrême au pouvoir en Israël!

... Regrettant toutefois la formulation du dernier paragraphe qui diminue l'aspect consensuel que revêtaient les deux précédents.

Benjamin.