ou la supposée hydre inflationniste
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Ce billet fait suite à la note précédente :
L'obsession monomaniaque de JC Trichet (1)
Dans laquelle, pour l'essentiel, nous avons rappelé le "rôle" de la Banque centrale européenne (BCE) organisme technocratique totalement indépendant des pouvoirs démocratiquement désignés, dont la finalité est de lutter contre la hausse des prix (pan pan cul cul, augmentation des taux d'intérêts si elle dépasse 2% par an dans la zone euro, donc contraction de l'économie, réduction de l'investissement, chômage accru, etc.)
D'abord, nous évacuerons rapidement les "arguments" de ceux qui souhaiteraient caricaturer le débat. Personne n'est en faveur d'une "giga-inflation" comparable à celle que connurent les Allemands pendant la République de Weimar, quand on trainait une brouette de billets pour faire ses achats quotidiens.
Personne non plus n'est pour une "hyperinfation" telle que l'a connue le Brésil avant que Cardoso (FHC) n'en vienne à bout en 1994... au prix d'une saignée drastique du pouvoir d'achat des plus faibles. De 2.500% on est tombé à environ 20% en quelques mois, ce qui relève du miracle.
Personne n'est même pour une inflation semblable à celle que "le meilleur économiste de France" de l'époque, Raymond Barre, fut incapable de juguler.
Durant ses divers ministères - entre 1976 et 1981 - elle a évolué entre 14 et 17% par an malgré des mesures d'un autoritarisme et d'un dirigisme incroyables si on les analyse à l'aune de notre époque: contrôle des prix et des salaires (des salaires surtout), action encore très volontariste de l'état dans de nombreux domaines pour protéger notre économie nationale, injonctions données à la Banque de France, etc.
Mélenchon proposerait de revenir à ces pratiques, qu'on le comparerait à Kim Il Jong! (à noter toutefois que le taux de l'usure était à l'époque fixé à 27% environ, ce qui mettait les taux d'intérêts réels dans une fourchette comprise entre 10 et 13% par an; de nos jours, les "crédits renouvelables" imposent des taux réels de plus de 20% aux ménages les plus démunis, en général, alors même que l'informatisation a considérablement diminué les frais généraux des banques prêteuses qui n'ont plus à traiter le chèque mensuel que l'emprunteur envoyait - ou pas - chaque mois)
Mais nous sommes actuellement dans une situation de guerre économique sauvage, au cours de laquelle aucune "convention humanitaire" n'est respectée.
Sans même s'en cacher, les planches à billets tournent au maximum de leur capacité aux USA, lesquels fabriquent (c'est ça exactement, le mécanisme de l'inflation) de la monnaie de singe (pardon pour les singes) qui ne correspond absolument pas à une quelconque création de valeur, cela pour diminuer la valeur du dollar (qui est également la monnaie de référence mondiale, au nom d'un privilège outrecuidant) afin de renforcer leur compétitivité et de diminuer quelque peu le poids exorbitant d'une dette dont il est évident, quand on la compare à leur PIB, qu'ils seront dans l'incapacité de rembourser.
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A noter que la FED est "autonome" et pas "indépendante" comme notre BCE (ça change beaucoup de choses) et qu'elle a bien d'autres missions que de lutter "pour la stabilité des prix": entre autres elle doit bel et bien contribuer à veiller aux intérêts économiques "supérieurs" de la nation américaine.
Les Chinois, pas fous, ont depuis toujours un Yuan artificiellement bas, de manière à renforcer une compétitivité déjà bien aidée par l'absence quasi totale de normes sociales et environnementales et le peu de cas qu'ils font, entre autres, du respect de la propriété intellectuelle.
Certes ils cherchent; certes ils trouvent... Mais pas seulement: pourquoi dépenser des milliards souvent à fonds perdus quand en espionnant, en achetant des cerveaux, en copiant, en utilisant les arcanes de la contrefaçon massive, on peut arriver à de meilleurs résultats?
Ca ne leur suffit pas. Non seulement ils restent sourds à toutes les demandes de réévaluation, même modérée du Yuan, mais en ce moment ils veillent à ce que la parité avec le dollar en baisse soit maintenue.
Ils n'y a guère que nous, crétins d'Européens, à nous vautrer dans le respect des Grands Principes néo-libéraux et de la Parole Donnée lors de la signature des accords.
Comment voulez-vous dans ces conditions que notre économie s'en sorte? Imaginons un chef d'entreprise travaillant pour exporter, qui va s'arracher la peau pour gagner 5 ou 10% de productivité (en général en grande partie au détriment de ses salariés dont certains seront virés, d'autres contraints à des cadences ou des rythmes de travail plus durs et de toute manière soumis à la précarité - pour pouvoir "dégraisser" facilement - et à la "modération salariale"... là on est dans le domaine de la litote). Il est content, il va être en position de soumissionner dans des conditions plus favorables.
Là dessus, vlan! l'euro "gagne" 15% de valeur (plus exactement le dollar/yuan perdent cette valeur) et parce que "le retour de la montée des prix menace", papa Trichet, pour faire bonne mesure, augmente le taux de base de la BCE!
D'un coup la compétitivité a reculé, et les facilités de trésorerie tout comme l'éventualité d'emprunter pour investir coûtent beaucoup plus cher!
Il va quand même bien un jour qu'on cesse de nous raconter ces boniments sur "l'autre politique qui n'est pas possible" (c'est posé comme un postulat, mais absolument pas démontré comme un théorème) Oui, sans céder à la tentation albanaise (les gens pragmatiques qui appellent à un minimum de protection... contre des gens qui se protègent fort bien, y compris par des moyens illégaux sont des "émules d'Henver Hodja") on doit jouer de notre arme monétaire comme de toute autre arme quand nous sommes en guerre.
Eh oui, une inflation "raisonnable" (j'ai bien parlé d'INFLATION et pas de "hausse des prix": inflation = création artificielle de monnaie légèrement supérieure à la création de valeur, influant tant sur les prix que sur les revenus) aboutirait à une dévaluation "raisonnable" de l'euro, et de facto au rétablissement de notre compétitivité. Est-ce-que l'on mourrait, de subir une hausse des prix de 6% au lieu de 3,5 (officiellement: 2,2) si les salaires grimpaient d'autant? faut-il rappeler que c'est une inflation de cet ordre qui a permis à des millions de Français d'acheter leur résidence principale sans trop d'efforts, le poids des traites diminuant progressivement avec les ans?
Guerre économique inévitable, nous assène-t-on, quand on évoque cette possibilité. Et alors? Quand d'avance on annonce que ce qu'on désire par dessus tout, c'est la paix, on est sûr d'avoir la guerre, et de la subir dans des conditions défavorables.
Dire qu'on s'y résignera mais que dans cette hypothèse on fera tout pour la gagner, en faisant ce qu'en terme de stratégie on nomme gesticulation (on montre nos armes en cours de déploiement, afin de prouver à l'ennemi qu'on ne bluffe pas) c'est incontestablement se mettre en meilleure position.
Aux USA, on commence à voir cela. En Europe, quiconque se risquerait à une telle campagne serait taxé, au minimum, de xénophobie imbécile. Et croyez-vous qu'il soit facile d'importer en Chine?
Mais c'est impossible, parce que les traités européens nous l'interdisent! Entend-on aussi. Et alors? Ce qu'un traité a fait, un autre peut de défaire et peut-on pour une fois comparer le nombre incroyable d'exceptions, de dérogations, d'avantages obtenus par les Rosbifs pourtant entrés dans la CEE bien après les autres? (et après avoir tout fait, pendant longtemps, pour la torpiller). Cela leur serait-il réservé?
C'est le "crime" de Pompidou, que d'avoir laissé ce Cheval de Troie entrer dans la communauté et je ne doute pas un seul instant que même en retraite, s'il avait été en vie, de Gaulle serait sorti de Colombey pour rugir à cette perspective.
Les Brit's ne voulaient qu'une chose: que la CEE soit juste une vaste zone de libre échange; ils l'ont obtenue, ouvrant de ce fait la porte aux importations de toute la zone anglo-saxone à l'époque, comme aux pays avec lesquels ils avaient une relation spéciale. Et ils ont de ce fait tué par anticipation toute possibilité d'harmonisation sociale "vers le haut"
Qui peut croire un seul instant que la France - qui aurait des alliés, en plus - ne pourrait pas obtenir des renégociations structurelles sur la base du Veto, de la politique temporaire de la chaise vide tout comme Thatcher obtint des milliards en braillant mille fois son fameux: "I want my money back"? (accord financier qui perdure 25 ans après: la Grande Bretagne continue de toucher son "chèque" alors que les "raisons" initiales qui le "justifiaient" sont toutes obsolètes. Cet "accord coûte chaque année 4 milliards d'euros à la seule France)
Benjamin.
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