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(Flammarion, de 9,50 euros à 10 euros selon les fournisseurs)
J'ai pris tout mon temps - et deux lectures - avant de me décider à rédiger un billet sur ce livre qui est un succès éditorial remarquable... et c'est chose peu courante en politique (en plus Mélenchon écrit lui même ses livres ce qui est encore plus rare dans le milieu) et qui a un contenu auquel je souscris globalement, à quelques réserves près.
J'avancerai une critique, tout d'abord, sur la forme. Le titre est mal choisi, car il ne reflète pas le contenu du livre d'une part, et donne d'autre part prise à des accusations de "populisme". Bref comme pour tout ce qui n'est pas UMP-PS-Verts, l'Inquisition des bien-pensants est lancée, prenant des formes particulièrement immondes (cf l'affaire du dessin de Plantu) ou de pseudo arguments tels que ceux de Renaud Revel, ce genre d'infect journaleux (à ne pas confondre avec un journaliste) qui prétend décider à la place du peuple de qui, ou non, est digne de participer au débat politique et sous quelles formes.
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« Mélenchon, qui n‘existe que par la grâce de ceux qui ont la bêtise de l’inviter, est tout ce qui rend la politique détestable: un nauséeux mélange de poujadisme rampant et de démagogie poisseuse. Les journalistes, qui ne cessent de se plaindre de l’appauvrissement du discours politique à la télévision et de la difficulté qu’ils ont à monter des débats de bonne tenue, s’honoreraient à faire un sérieux tri. » Du "journalisme" de la belle époque... On ne citera pas de nom!
En réalité le : "qu'ils s'en aillent tous" est mal choisi car quand on lit le bouquin, on découvre que dans le "tous", il n'inclut que des catégories très particulières, bien déterminées, et avec des arguments pertinents. En plus il n'est pas question de les expulser, mais tout simplement de... ne pas les retenir.
Celle, par exemple, de ces grands patrons dont le salaire est justifié par les risques qu'ils prennent (lesquels?) et qui s'augmentent de 30% l'année même où les résultats de leur entreprise chutent dans les mêmes proportions, voire davantage. Franchement, si Lagardère, Dassault, Henri Proglio, Daniel Bouton, Carlos Ghosn ou Alain Minc quittaient le pays faute de ne pas toucher quelques millions d'euros chaque année, (quand ce ne sont pas quelques dizaines de millions), la France ne s'en remettrait-elle véritablement pas? Que ces traders dont on nous a promis une réforme du mode de rémunération, et qui sont encore plus gavés qu'auparavant pour ne brasser que de l'argent virtuel et fabriquer de la fausse valeur, que ces potentats divers, dont le monde se passerait fort bien restent, est-ce indispensable?
Sur le fond maintenant. Nous avons une série de propositions fort concrètes et que je juge pour ma part très raisonnables, parfaitement insérables dans un débat démocratique.
L'argent ? Depuis 2004, le nombre de personnes gagnant plus de 100 000 euros par an a cru de 28%, et les revenus des patrons du CAC 40 ont été multipliés par 8 depuis 2000, rapporte-t-il. Mais plus il y a de riches, plus il y a de pauvres, 8 millions, dont un million de nouveaux entre 2004 et 2007 (et depuis 2007, ça ne s'est pas arrangé)
Là où le représentant du PG surprend, c'est qu'il ne se contente pas de vilipender les patrons sans distinction.
Il veut un salaire maximum relativement confortable, 350 000 euros. Bien sûr, dans une soirée du Siècle, c'est un salaire minable. Mais Ségolène Royal proposait 90 000 euros dans les années 1990. Et surtout, le salaire moyen d'un patron de PME de 50 à 100 salariés n'est que de 110 000 euros.
Bref, imposer à 100% tous les revenus au dessus de 350 000 euros ne frapperait que ... 15 000 personnes. Qu'est-ce qu'on attend et que risque-t-on à part voir nos grandes entreprises dirigées par des gens plus modestes mais souvent plus compétents ? (Louis Gallois n'est pas, et de loin, le pire de nos grands patrons et il ne serait pas touché par cette mesure)
Après l'argent, l'Europe. Et là, on est en pleine autocritique! Oui, pendant 25 ans, il a cru au fédéralisme européen. Oui il a cru que l'Europe (à l'époque des quinze) permettrait de résister à la mondialisation néolibérale et à l'hégémonie des Etats Unis. Il reconnait aujourd'hui son erreur : « Dans son nouvel âge, le capitalisme ne s'intègre plus qu'en démantelant toutes les régulations. Et d'abord celles que les citoyens avec leurs lois, leurs alternances politiques, peuvent décider. Nous avons nous-même lâché le monstre dans notre cour! »
Les institutions européennes? l'architecture du Traité de Lisbonne : « des institutions plus fortes et plus visibles ? Mauvaise blague. Il y a désormais trois têtes de l'exécutif au lieu de deux,ce qui était déjà beaucoup compte tenu de leur nocivité respective. Premièrement, le Président du Conseil des gouvernements, qui continue à changer tous les six mois. Vient ensuite le président permanent, qui change tous les deux ans. Enfin le Président de la Commission installée pour la durée de l'Assemblée européenne, soit six ans !»
« Ça suffit comme ça ! Je dis adieu à mon fédéralisme puisqu'il est sans objet. (...) Je ne m'engage plus que sur des objectifs concrets, immédiats, liés à la refondation républicaine et sociale de mon pays. »
Le souverainisme, cet objet politique tant haï par nos élites, qu'elles assimilent abusivement à un nationalisme régressif, a recruté un nouveau partisan à gauche...
Une phrase clé, pour réclamer enfin un "productivisme écologique"
« Votre jean parcourt ainsi 40 000 kilomètres en moyenne avant d'arriver dans votre magasin ou sur vos fesses. Pour quelle utilité collective ? Aucune ! Les emplois dans l'industrie textile française ont disparu. Les travailleurs turcs ou philippins sont exploités comme des bêtes et vous payez vos vêtements aussi cher. »
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Mes points de désaccord, maintenant, parce qu'il y en a quand même. Et n'étant pas militant du Parti de Gauche, je ne me sens aucun devoir de réserve.
Ecologie.
Méluche, tu déconnes quand tu cavales après les bobos verts en souhaitant toi aussi sortir du nucléaire, surtout que tu avances de très mauvais arguments.
La géothermie, énergie de substitution? Je ne sais pas quel crétin t'a balancé de telles sornettes, mais on est dans la mauvaise blague, là. Une catastrophe, une seule, qui serait pire que toutes celles que nous avons connues? Demande donc à toutes les familles de mineurs ce qu'elles pensent de la silicose, et comme tu le dis toi même, la catastrophe récente du Golfe du Mexique, c'est le pendant de Tchernobyl. Ensuite, compte (en centaines de milliers) les victimes potentielles d'une rupture du barrage de Tignes...
Tu nous dis que le nucléaire ne nous assure "que" 70 à 80 ans de répit? Mais c'est énorme! Compte tenu de l'accélération du temps scientifique, il est certain que dans ce laps de temps l'humanité aura trouvé une solution pérenne...
Qui, en 1950, imaginait sérieusement la France de 2011? 70 ans? On ne lui demande pas davantage, au nucléaire!
La Chine, et les nouveaux rapports que nous devons entretenir avec elle.
Ceux qui te lisent depuis des années savent de quoi tu parles, et te comprennent. Mais là tu as dû "contracter", faire court, et ça te sera balancé dans la figure tant il sera facile de caricaturer tes propos.
Tes propos sur l'Amérique latine (ça je connais).
Quand tu mets dans le même sac Morales et Correa d'une part, Chavez de l'autre, tu déconnes grave. Le Chavez d'il y a quelques années n'a plus grand chose à voir avec celui de maintenant, qu'il est difficile de défendre (même si les causes de son évolution sont très largement exogènes: la doctrine Monroe n'est pas morte).
Et pourquoi si peu d'attention portée à l'expérience brésilienne?
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Je conclus en signalant que le PS a déclaré une guerre ouverte au Parti de gauche, ainsi, par ricochet, qu'au Front de gauche. Leur attitude, en particulier dans le Val de Marne où ces tristes sires veulent vous piquer un département qui a toujours été (bien) dirigé par le PCF, et ses alliés en présentant des candidats "concurrents" partout contre vous est révélatrice.
Ma devise, c'est "toute la gueule pour une dent". Ces gens-là, en plus de trahir les intérêts de ceux qu'ils sont censés défendre, multiplient les ignominies, les bassesses et j'espère que tes camarades ne se laisseront pas prendre au piège de la fausse unité. Partout où un socialiste qui n'aura pas eu un comportement impeccable avant les élections aura besoin de vous au second tour pour se faire réélire, abstention! Leur honneur devrait d'ailleurs leur commander de refuser des voix de populistes, pire que le Pen, ont même ajouté certain. C'est sur cette fermeté au moment d'élections somme toutes pas déterminantes, que je vous jugerai, toi et ton parti.
Benjamin. (article en partie inspiré d'une chronique de Philippe Cohen)
Une autre chronique de lecture (format pdf)
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