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Camopi est une commune amérindienne (ethnies wayãpi et teko) située en Guyane, sur le fleuve Oyapock
(frontière guyano-brésilienne)
L'actualité récente a mis un "coup de projecteur" sur les populations amérindiennes à la suite d'un certain nombre de suicides dont celui d'un collégien - triste évènement que rien ne laissait présager - ainsi que celui d'un habitant de Camopi placé en cellule de dégrisement par les gendarmes après avoir été interpellé pour violences conjugales.
Pour ma part et désormais relativement éloigné de la Guyane, je ne suis plus à même d'évaluer la situation locale (j'ai travaillé à Camopi) mais je doute fortement que ces drames soient une "nouveauté": on en parlait déjà dans les années 80 et 90 et les statistiques, pour sinistres qu'elles soient, ne portent pas sur des quantités assez significatives pour être révélatrices.
Suicide dans une cellule de la gendarmerie de Camopi (lien France-Guyane)
L'entretien que le maire de Camopi, René Monnerville, a accordé au journal France-Guyane est éclairante. René Monnerville fait partie de la "jeune génération", celle qui a reçu une certaine instruction qui en fait quelqu'un de moins "manipulable" que ses prédécesseurs.
Maire de la commune depuis les dernières élections, son point de vue dont on peut penser qu'il est le reflet d'une bonne partie de la population va plus qu'à l'encontre de ces ethnologues (ou pseudo ethnologues) qui tiennent à maintenir les populations dites premières dans une sorte de vivarium qu'ils pourraient observer en développant leurs fantasmes. Du développement, il en veut, il le revendique pour ses administrés!
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Il convient de signaler que Camopi est une création artificielle (comme Zidok, Maripasoula, Grand-Santi et Papaïchton), imposée dans les années 50 par le préfet Vignon et visant à regrouper les Amérindiens à des fins de rationnalité administrative.
En plus le site retenu à l'époque par "gentils blancs y en a savoir quoi bon pour sauvages" est lamentable: inondable pour la partie proche du fleuve et cela plusieurs fois par an, il impose de vivre loin de celui ci, sur le "plateau".
Et sur la rive, nul banc de rocher ne permet d'accéder aisément à l'eau pour se laver, faire sa vaisselle et sa lessive: on remonte immanquablement couvert de boue.
On a à l'origine "offert" des carbets préfabriqués et installés par une entreprise (on devine à quel point, malgré un petit effort dans la conception, ils sont peu adaptés au mode de vie traditionnel) pour installer les familles, qui ont de ce fait intégré l'idée que le domicile était un dû, qu'on n'avait pas à fournir d'effort pour l'acquérir soit en le bâtissant (mode traditionnel) soit en l'achetant soit en le louant.
La sédentarisation était inéluctable puisqu'elle correspondait à un désir très légitime de demeurer près d'un poste de santé, d'une école et de divers services.
Elle n'en a pas moins bouleversé profondément les habitudes de populations jusque là semi-nomades, sans que cette mutation n'ait été intelligemment accompagnée.
Le point de vue de René Monnerville, relevé par France Guyane.
J'extrais de cet entretien:
Il faut « essayer de limiter et diminuer la consommation d'alcool. C'est notre responsabilité à nous tous, plaide le maire René Monerville. Dimanche soir, des enfants de 6 ans étaient encore à un cachiri** à 23 heures. Ce n'est pas normal! C'est la responsabilité des parents! »
Le médecin signale aussi que « les blessures sont de plus en plus graves. Les deux (dernières interventions en) hélicoptères, en janvier, c'était pour des gens blessés suite à l'ivresse. C'était grave au point d'aller à l'hôpital de Cayenne, passer deux fois au bloc opératoire à cause d'un coup de couteau... Quand les enfants sont blessés et les parents trop saouls pour s'en occuper, c'est grave! L'alcool comme le rhum peut faire développer des maladies et gêner le développement des mineurs. »
** pour en savoir plus sur les cachiris, lire ou relire la note : le paradoxe de la civilisation du manioc (lien)
Pour dire enfin... Bravo! (si les actes suivent les paroles). Parce qu'il y a peu de temps encore, émettre de timides objections contre de telles habitudes, c'était à coup sûr se voir accuser d'organiser le génocide culturel des Amérindiens en tuant leurs traditions Mais quand c'est énoncé par l'un d'eux, un représentant élu en plus... on se sent conforté, a posteriori
Demain, je reviendrai sur la partie concernant la zone règlementée depuis 1972 (en expliquant de quoi il s'agit et quels sont les enjeux), et les graves défaillances de l'état qui devrait protéger avant tout, ainsi que ses contradictions ubuesques.
Benjamin
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