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Ce fut une des promesses de campagne de Sarkozy et elle est loin de se réaliser: le nombre de familles accédant à la propriété ne croît actuellement que de 0,2 à 0,3% par an - soit plutôt moins que lors des années précédentes.
Et on aurait parfois tendance à dire: tant mieux, quand on examine la situation de près.
Tout d'abord, notons qu'il y a déjà 58% des ménages propriétaires en France contre 43% en Allemagne, pays économiquement comparable dans lequel le prix des logements est mieux régulé et qui comprend moins de mal logés voire de non logés.
La proprété? «C’est une sécurité en cas de chômage», «une garantie de niveau de vie au moment de la retraite» et «un capital à transmettre aux enfants», avait énoncé Sarkozy en décembre 2007.
Nous n'avons pas de raison de douter de sa bonne foi "sur ce coup là" - mais dans les faits, c'est souvent faux.
1 - Parce qu'il y a une véritable pression sociale qui s'exerce en ce sens, amplifiée par la carence en logements sociaux et en logements "intermédiaires" dont les loyers permettraient à la fois de se loger pour un prix accessible et à des sociétés ou organismes bailleurs de s'y retrouver financièrement.
2 - Parce que du fait de cette aspiration croissante, les prix de l'immobilier ont grimpé de manière déraisonnable et de ce fait, nombre d'accédants se voient contraints à des sacrifices intolérables. La règle des 33% d'endettement devient la norme, alors que cela constituait le maximum réel toléré il y a deux ou trois décennies
3 - Parce que les durées des emprunts deviennent déraisonnables et de ce fait les "accidents de la vie" ont statistiquement plus de risques de se produire pendant cette période (chômage, maladie, décès d'un conjoint, séparation qui impose une vente relativement rapide - donc rarement effectuée dans de bonnes conditions)
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4 - Parce que les classes modestes ou moyennes se rabattent sur des logements de qualité médiocre et donc, plus tard, ils sont astreints à des dépenses de rénovation considérables ajoutées aux charges de chauffage élevées. En outre les logements dont le prix reste accessible sont situés de plus en plus loin des centre villes - d'où les dépenses de transport croissantes et une qualité de vie dégradée par la durée de ceux-ci.
On parle souvent des locataires de HLM qui vivent dans des conditions indignes; on oublie le sort affreux réservé à des "petits copropriétaires" qui survivent dans des "résidences" peuplées d'une grande part de gens devenus insolvables ne payant de ce fait plus de charges, ce qui condamne l'ensemble à subir une "bidonvillisation" caractérisée. C'est le cas des fameuses "cités" de Clichy sous Bois dans lequelles des gens ont payé pendant vingt ans pour habiter actuellement un appartement estimé à 15.000 euros de nos jours (valeur d'indemnisation en cas de relogement plus ou moins forcé pour cause d'insalubrité)
5 - Parce que l'ancien locataire qui ne payait "que" la taxe d'habitation (souvent déjà plus que conséquente) doit payer en plus les impôts fonciers qu'il sous-estime le plus souvent, et que cela lui fait faire un bond quantitatif considérable.
6 - Parce que des mutations économiques imprévues (désindus- trialisation, fermeture d'une caserne, d'un hôpital, etc.) en abaissant la demande locale de logements, réduit la valeur de ceux-ci à presque rien.
S'il faut partir, le capital péniblement constitué sur place ne vaut plus rien. Certes cela fonctionne plus souvent "dans l'autre sens" mais une telle moins value peut mettre des gens modestes en faillite. Or la propriété est trop souvent présentée comme une "sécurité absolue"
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De ce qui précède, on conclura que si la propriété n'est pas à bannir, elle n'est en aucun cas la panacée.
Attirés par ce mirage, beaucoup de nos concitoyens ont renoncé pendant 20 ou 30 ans à des dépenses culturelles ou de loisirs quand ce n'est pas à se nourrir décemment.
Ils ont souvent perdu des milliers d'heures dans des transports abominables, se sont retrouvés dans l'impossibilité de soutenir leurs enfants pendant leurs études supérieures pour arriver, à la retraite, avec un logement trop cher eu égard à leurs besoins.
Le problème du logement ne vient pas du manque de ménages propriétaires. Il vient du manque de logements disponibles à un prix acceptable. Et cette situation perdurera tant qu'on ne fera confiance qu'au sacro saint "marché" pour réguler l'offre et la demande.
Il faut planifier, construire davantage de logements sociaux ainsi que des logements intermédiaires construits et gérés par les organismes qui non seulement ne perdraient pas d'argent sur ces logements mais en gagneraient même - ce qui permettrait d'entrer dans un cercle vertueux (plus de constructions, meilleur entretien).
Ainsi, la hausse indécente et malsaine de l'immobilier se tasserait (doublement des prix en huit ans!) et de ce fait, les accédants à la propriété par conviction réelle (et non par obligation de facto) pourraient acheter à meilleur compte des produits de meilleure qualité.
benjamin
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