(partie 1)
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Dimanche 13 mars 2011
Comme promis, je commence ici une autopsie de ce "programme", tissu d'inanités s'il en est, en partant non pas de ce qu'on en dit ici ou là mais bel et bien de l'original disponible sur le site officiel du parti.
A partir de la page d'accueil, il n'est pas évident de le trouver, ce programme. Il faut cliquer sur "nos idées" puis sélectionner "le programme" placé après "tract et affiches" (les slogans, ça le fait plus que la réflexion)
Vous trouverez ici même un document du FN, dans son intégralité format pdf:
Comment sortir de l’euro ? Les 12 étapes essentielles
Après une introduction vaseuse qui fait référence à nombre d'économistes sont certains seraient ulcérés d'apprendre que le FN les récupère en extrayant leurs opinions du contexte, nous arrivons à un plan de sortie de l'euro en douze étapes.
En préambule, je précise que moi aussi je considère l'euro, sous sa forme actuelle, comme une calamité. Je pense qu'il n'aurait jamais fallu entrer dans ce machin, qu'il faudrait soit réformer son mode de fonctionnement soit en sortir... Mais le fait est que nous sommes pris dans l'engrenage et cette sortie sera autrement difficile que ce que le fokon yaka du FN promet. En couleur, les propositions in extenso du FN, suivies de commentaires.
Comment sortir de l’euro ?
Les 12 étapes essentielles
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1. Négocier avec les autres pays européens qui souffrent de la monnaie unique une « sortie groupée » de la zone euro et de l’Union Européenne, ensemble et le même jour. Ces pays sont l’Irlande, la Grèce, l’Italie, l’Espagne, le Portugal, la Belgique,…
Retrouver ainsi le groupe des pays européens aux monnaies libres : Suisse, Norvège, Suède, Danemark…
Sauf que la Suisse ne fait pas partie de l'UE (point de détail qui en dit long sur le sérieux des auteurs). Que dans le "groupe des pays européens aux monnaies libres" le FN oublie... la Grande Bretagne. (ça aussi c'est gratiné)
Ensuite, rien ne dit que tous ces pays veulent en sortir! Ou qu'ils le peuvent... la Grèce, par exemple, qui est soumise du fait de la tutelle de facto mise par l'UE pour financer sa faillite va-t-elle se fâcher avec ses principaux bailleurs de fond (Allemagne en particulier) qui n'auraient plus aucune raison de lui prêter de l'argent? Imagine-t-on la Belgique prendre le risque de "sortir de l'euro" alors que Bruxelles est la "capitale de l'Europe" et que c'est à peu près tout ce qui unit encore tant soit peu Wallons et Flamands?
2. Créer un « ministère des Souverainetés », ministère technique transversal chargé de coordonner la restauration de la souveraineté de la France dans tous les domaines (monétaire, budgétaire, commercial, migratoire, militaire, diplomatique, juridique, etc…)
D'accord: ça ne mange pas de pain, ça créera juste un fromage de plus.
3. Préparer la fabrication de la nouvelle monnaie nationale, le Franc pour éviter la rupture des signes monétaires (pénurie de billets de banque). Les imprimeries de Chamalières (comme aujourd’hui) produiront au fur et à mesure, sous contrôle de la Banque de France, des billets (5, 10, 20, 50, 100, 200, 500 Francs) et à moindres coûts. Les chéquiers en € pourront également rester en vigueur par simple substitution de l’Euro en Franc.
Bref on envoie un "signal fort" et de longue durée, parce que constituer le stock et le répartir prendra des semaines voire des mois, en dépensant des sommes considérables pour fabriquer des billets (pas de pièces?) dont on décrète que ça se fera "à moindre coût". Ce coût étant le corollaire de la sécurité, pour éviter les contrefaçons, le FN a-t-il décidé de favoriser les faux monnayeurs? Et l'euro circulant librement dans toute la zone, quid des transferts soit pour acheter des francs à partir de capitaux venus d'ailleurs (ça m'étonnerait) soit au contraire, si inquiétude il y a, pour évacuer massivement le numéraire pendant cette période transitoire?Il est bien connu que toutes les grande manoeuvres monétaires doivent s'opérer dans la discrétion la plus absolue, et qu'il faut frapper d'un coup. Le FN propose la démarche inverse: de donner des mois aux spéculateurs pour s'organiser.
Que fera le FN en cas de ruée vers les guichets, pour se prémunir en plaçant le numéraire ailleurs? Autre "point de détail"... Il est établi (c'est un sandale mais c'est comme ça) que dès le lancement d'une telle opération, les agences de notation destinées à rassurer ou à inquiéter les marchés dégraderont massivement la "note" financière de la France.
De ce fait le poids de notre dette triplera en quelques semaines, voire quelques jours. On perdrait dans l'affaire environ 20% du total du budget national. (je pense même que cette dégradation interviendrait au moment même où Marine le Pen serait donnée gagnante...)
4. Restaurer la Banque de France dans ses prérogatives d’institution monétaire (mais elle conservera son autonomie vis-à-vis de l’Etat !) et dans son rôle de définition de la politique monétaire de la France, en coopération avec le ministère de l’Economie et des Finances ;
Autonomie? Intéressant, ça... avant elle était déjà INDEPENDANTE de même que la BCE est INDEPENDANTE (ce qui est une aberration, j'en conviens, mais c'est ainsi.) Alors comment "conserver" quelque chose qui n'existe plus? Certes le FN peut proposer un statut d'autonomie de la banque de France - encore faudrait-il qu'il ne montrât précis en ce domaine pour lequel l'approximation ne pardonne pas.
5. Abroger la loi du 3 janvier 1973 qui interdit à l’Etat d’emprunter à la Banque de France et qui l’oblige à se financer de façon onéreuse auprès des banques privées et des marchés financiers internationaux;
D'accord, mais si la Banque de France est "autonome", qui garantit qu'elle voudra prêter à l'Etat? Et au fait, avec quoi prêtera-t-elle? La Banque de France, ce sont des réserves d'or, certes, mais pour un montant infime depuis la fin de la parité de l'or et des monnaies! Le reste, c'est ce qu'elle brasse en fonction de la confiance qu'on lui prête, comme n'importe quelle banque... Actuellement le ratio de fonds propres dont elles disposent est inférieur à 8% de ce qu'elles brassent. Donc si l'Etat veut emprunter à la Banque de France, celle-ci devrait d'abord... se financer sur les marchés! Et si la notation de la France est dégradée, la Banque de France ne se financera qu'à des taux prohibitifs... le serpent se mord la queue.
Curieux que la FN, si proche "du peuple", ne pense pas plutôt à généraliser les emprunts nationaux auprès des particuliers, le développement des bons du Trésor, etc. Aurait-il peur de ne pas susciter l'enthousiasme et la confiance des épargnants tricolores, pourtant médailles d'or mondiales du bas de laine familial?
6. Seule, ou avec d’autres pays, la France annonce officiellement qu’elle se dote d’une monnaie nationale, le Franc, et qu’elle quitte en conséquence la zone euro afin de sortir de la crise mortelle qui l’affecte.
Δ Instantanément, l’euro perd le peu de crédibilité institutionnelle qui lui reste.
Sauf que même si c'est à tort, la France a signé des traités qui l'engagent et que si elle les rompt unilatéralement elle s'expose à de dures sanctions, voire à la guerre économique et financière (embargo de facto par établissement de taxes douanières très lourdes frappant nos produits, par exemple).
Le FN "décrète" que l'euro perdra instantanément le peu de crédibilité qui lui reste - sans penser une seconde que c'est plutôt le Franc qui risque de voir la sienne nulle et non advenue dès sa naissance dans l'hypothèse où on suivrait ses modalités de sortie. Parce que les pays que le FN a cités comme susceptibles d'en sortir sont... les plus mal en point et une zone euro réduite au poids-lourd allemand, au Bénelux et à d'autres pays mieux placés que nous risque au contraire de se trouver confortée.
A suivre... mardi 15
Benjamin.
Lire ou relire: Il y a 16 ans, le Brésil sortait enfin de l'hyperinflation
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