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Rosace de la cathédrale de Meaux
La Brie, contrairement aux idées reçues et malgré les apports considérables de populations venues d'ailleurs, a conservé une forte identité. Nous n'évoquerons pas le détail de sa riche histoire. Signalons le patois qui surprend (à moins de cent kimomètres de la capitale!) dans des villages où parfois l'enseignant fraîchement débarqué a des surprises, que ce soit devant l'accent traînant des élèves ou certaines des expressions employées. "J'ai eu la chifarme" signifie qu'on a manqué l'école à cause d'un mauvais rhume; "Va y avoir une raouste"... il va pleuvoir (fort); "je suis ahouillé" pour "être fatigué"; "y'a une tognée dehors"... ça se bagarre, etc.
En dehors de l'image véhiculée de la campagne détruite sur le plateau briard comme dans la Beauce par la culture du tryptique blé-maïs-betterave avec remembrements massifs, emploi de pesticides et d'engrais chimiques à la tonne, il existe des coins de paradis, essentiellement dans les vallées: à certains endroits et bien que près de Paris, on est vraiment dans la France profonde. Sans compter nos immenses forêts giboyeuses (les sociétés de chasse seine-et-marnaises sont les plus cotées de France - domaines des grands châteaux nationaux exceptés)
Ne comptez pas sur moi pour vous révéler ces endroits: le paradis, ça se mérite et des révélations en ce domaine stimulent spéculation immobilière et invasion des bobos rurbains - qui sont à un village ce qu'un nuage de criquets est à une plantation africaine quand on compare les ravages provoqués par leur apparition.
Evoquons quelques aspects de la gastronomie locale en commençant par la moutarde qui ne saurait être que de Meaux (désolé pour les Dijonnais... C'est Brillat-Savarin qui le dit; je ne fais que plussoyer)
La Moutarde de Meaux se différencie de celle de Dijon par l'utilisation du vinaigre dans sa fabrication. Rustique, elle est faite à partir de graines broyées ou entières. Même si on la considère habituellement comme une Moutarde forte, cette préparation l'adoucit: elle accompagne les saveurs initiales sans se substituer à elles.
Elle est reconnaissable dans son pot en grès et grâce à son cachet de cire rouge. Idéale pour relever des viandes froides ou des plats tels que le Pot-au-Feu, elle donnera à votre mayonnaise le croquant des graines de moutarde entières. On l'emploie avec bonheur pour des préparations originales comme les Maquereaux à la Meldoise, ce qui permet de découvrir la richesse et les variations possibles autour de ce produit magnifique.
Les beignets à la moutarde de Meaux (lien vers keldelice)
Continuons avec les fromages de Brie - en commençant par le plus somptueux: celui de Meaux, à consommer fait à coeur sans être trop faisandé. Un échelon au dessous, nous avons celui de Melun, plus crémeux et moins goûteux. Déclinons les variétés de Nangis, la Ferté-Gaucher, Provins, etc. Signalons que le vrai Coulommiers a quasiment disparu, vaincu par les infâmes pâtes industrielles qui ont larronné son identité.
Finissons avec le Brie noir, un Brie de Meaux desséché, affiné longtemps (jusqu'à dix-huit mois), devenu marron au goût évidemment plus fort. Autrefois, le brie excédentaire se consommait ainsi et on en trouve sur les marchés locaux où il revient en force. C'était un plat de pauvre qui servait pour le casse-croûte des journaliers (quand ils avaient encore assez de dents...) De nos jours, on le déguste souvent en accompagnement de l'apéritif, la croûte ayant été grattée et la portion coupée en petits cubes, ou comme constituant de la salade briarde.
Accompagnement: un blanc moelleux (le Sauternes, ça le fait) ou un champagne demi-sec - voire un crémant (un bon crémant est meilleur qu'un mauvais champagne).
Ou bien pourquoi pas? Un bon cidre parce que nous en produisons encore, de manière artisanale, et du rudement bon! On conseillera aux irréductibles de l'association "fromage - vin rouge" un vin qui tient le choc, le palais étant déjà très accaparé par la saveur du fromage.
La salade briarde. Parlons-en sans intégrisme. Comme tous les plats composés, on y met... ce qu'on a et pour peu que les ingrédients viennent de la région, on peut y mettre des tas de choses.
Pour ma part, à la base: de petites pommes de terre fermes cuites en robe des champs puis épluchées et coupées en rondelles
Quelques feuilles de salade vertes de saison - l'idéal étant les pissenlits quand on en a dégotés (attention à la proximité des champs de grande culture: à cause des épandages massifs de saloperie, il vaut mieux éviter de consommer la végétation qui pousse aux alentours). Des tomates quand c'est la saison, pelées et épépinées. Un oeuf mollet par personne. Des quartiers de pommes (fruits), des noix (eh oui, nous avons de nombreux vergers!). des lardons frits au préalable et de ce fait dégraissés (1/3 fumés, 2/3 maigres) et surtout, en abondance, des dés de brie noir bien dur.
Sauce à base d'huile de noix, de vinaigre de cidre ou de jus de citron, de moutarde de Meaux (peu: l'assaisonnement réhausse le goût, il ne se substitue pas aux ingrédients sauf quand ces derniers sont de la m...), de persil plat, de ciboulette, déchalottes et d'un peu d'ail. Sel, poivre mélangé (pour ma part: poivre noir, poivre blanc, baies rouges, moulé grossièrement)
Les fermes briardes, souvent fortifiées et bâties autour d'une cour centrale.
Beaux éléments du patrimoine architectural local.
Les maisons briardes, caractérisées par des toits à deux pentes et tuiles plates sans débord sur pignon, les débords sur façade étant masqués pour éviter que trop d'oiseaux ne viennent nicher. Matériau habituellement utilisé: moellons noyés dans du plâtre, ou blocs de calcaire quand on en trouve aux alentoures (les carrières de pierres innombrables sont à l'origine de ces légendes sur les souterrains qui allaient de tel château à tel autre - en général distants de dizaines de kilomètres... rumeurs contre lesquelles toute discussion sensée est impossible
benjamin
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