Analyser, relativiser et combattre.
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Analyser, parce que tout n'est pas harcèlement.
Une situation même quelque peu "rude" qui n'est pas appelée à se reproduire, à générer une angoisse continue ne relève pas davantage du harcèlement en milieu scolaire que dans le monde du travail. Se prendre une bonne avoinée par son supérieur hiérarchique, se faire eng... par un collègue, si ça n'a pas de lendemain, ce n'est jamais agréable mais ce n'est pas du harcèlement qui, souvent, se définit plutôt par une multitude de petits coups d'épingles répétés qui favorisent un climat épouvantable. Il en est de même dans une école, un collège, un lycée: rien de commun avec une baston isolée (ce qui ne veut pas dire qu'il ne doit pas y avoir de sanction à la clé) et des situations de harcèlement qui génèrent des comportements affreusement anxiogènes - et sont souvent à l'origine de vies gâchées: scolarité manquée, troubles de la relation avec autrui, etc.
Relativiser.
La vie ce n'est pas le royaume des bisounours et dès l'école, il faut savoir qu'on sera confronté parfois à l'injustice, à la violence, à des agressions. Tout est question de mesure, que ce soit dans le fait en soi ou dans sa répétition (déjà évoquée).
Non, dans un chahut de vestiaire, une mise à l'air faite par un groupe de jeunes cons sur une victime choisie en général pour son côté coincé, ce n'est pas une agression sexuelle majeure (sauf si la victime a été élevée dans cet esprit, dans la terreur permanente de ce genre de faits). Mais si le même acte est répété à chaque séance d'EPS, surtout quand c'est toujours la même victime expiatoire), s'il entraîne des moqueries à répétition (les SMS qui transmettent "l'information" à grande vitesse et partout!) alors oui, il y a harcèlement destructeur. Notez que si je me refuse à parler de harcèlement dans la première des situations, je la considère néanmoins comme une voix de fait à sanctionner sévèrement comme toutes les voies de fait.
Combattre.
En ne niant pas l'évidence et cela vaut tant pour les camarades qu'il faut sensibiliser, que pour les parents souvent sourds et aveugles ou les enseignants qui se cantonnent dans une carapace d'indifférence, parfois parce qu'ils ont déjà tellement à gérer leur propre souffrance - étant eux mêmes harcelés - qu'ils sont inaccessibles à celle des autres, parfois aussi parce qu'ils... s'en moquent tout simplement. "Je suis là pour dispenser un enseignement, pas pour me préoccuper des élèves". Or une telle attitude relève ni plus ni moins de la non assistance à personne en danger. On ne demande pas au professeur de faire autre chose qu'enseigner. On demande à l'adulte de signaler quand un enfant ou un adolescent est en danger, ce qui est le devoir de tout adulte, quitte à laisser faire ceux dont c'est la tâche, mais qui doivent être informés. Sans se réfugier derrière "le manque de moyens", le "s'il y avait plus de surveillants", etc.
Un professeur qui laisse complaisamment, pour avoir la paix, un gamin un peu rondouillard se faire appeler en permanence Gras Double par ses camarades est un salaud: non seulement il ne joue pas son rôle mais par son attitude, il valide le comportement des agresseurs, le légitime. Et que dire, quand il participe par démagogie ou connerie insondable?
Ce gamin harcelédepuis une éternité dans son collège australien a pété les plombs et aurait pu blesser gravement son bourreau du moment tant sa réaction fut incontrôlée... Bourreau dont on a su ensuite que son propre physique le rendait victime de harcèlement! (la "crevette" lancée contre le "bouboule" avec comme par hasard un portable qui trainait...) En conclusion, les autorités incapables de faire régner un minimum de civilité ont su punir le coupable de violence physique.
Pour les parents, c'est délicat. Mais s'ils doivent accepter que leur progéniture ne leur dira jamais tout (rien de pire que des parents collants, surtout à l'adolescence), ils doivent lui avoir inculqué qu'ils seront toujours à l'écoute à défaut de solliciter les confidences. Et quand ils les reçoivent, ils doivent les évaluer à l'aune non de leur futilité apparente, mais de la manière dont les "petits malheurs" sont perçus. Rien de plus destructeur que la minimisation d'une détresse enfantine, même quand on croit agir pour son bien, pour l'endurcir.
Enfin pour les élèves eux-mêmes, il faut plus que quelques leçons de morale. Il faut donner des cas concrets, de ces gosses qui se sont suicidé ou ont tenté de le faire, de ces vies gâchées, et surtout de leur responsabilité potentielle, pas seulement morale mais aussi pénale quand des enquêtes bien menées permettent de retracer les SMS, de retrouver les fautifs. Il faut parvenir à faire briser cette omerta ravageuse!
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C'était il y a six ans. Elève de quatrième d'un collège très calme de la banlieue de Rouen, Sébastien bégayait un peu. Ce fut assez pour tout déclencher. Au début de l'année, alertés par des moqueries d'adolescents au téléphone, ses parents en parlent au professeur principal. Chacun croit l'affaire close. Par la suite, aucun incident n'est signalé. "Sébastien ne disait rien", rapporte sa mère, Monique Teriac. Mais un jour de mars, le collégien prend un appel sur la ligne fixe du domicile. La communication dure trois minutes, puis il remonte dans sa chambre… et se pend.
Ses parents n'ont alors aucune idée de ce qui a pu se passer, jusqu'à la découverte sur le blog de leur fils d'un message laissé après le drame par un élève. Ils comprennent que Sébastien était persécuté. Une plainte est déposée, d'abord classée sans suite, mais l'enquête révèle peu à peu l'ampleur de ce que le jeune garçon avait subi. Finalement, plusieurs de ses tourmenteurs sont reconnus coupables par un tribunal pour enfants. Les violences physiques n'étaient pas les pires.
"On voulait le pousser à bout", dit sa mère, qui rapporte l'exemple de courriels orduriers envoyés à son fils lors d'un cours de technologie. "Des profs, assure-t-elle, étaient au courant, ils n'ont pas bougé. Si nous avions su, nous aurions pu le changer de collège." Les parents ont attaqué l'Etat devant le tribunal administratif. L'audience a eu lieu le 14 avril, le jugement est en délibéré. "C'est pour que d'autres ne subissent pas la même chose que nous agissons." (le monde.fr)
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De ce drame je retiens une chose: le classement initial de la plainte. Heureusement, des sanctions que j'espère du nivau de la gravité des faits ont finalement été prises. Parce que les harceleurs sont sans doute des petits cons très méchants, mais pas des psychopathes. Et ces sanctions leur permettront de se reconstruire, de ne pas porter seuls le poids de cette afferuse culpabilité. Quant aux professeurs...
benjamin
Lire ou relire: bizutages, brimades, humiliations, ça continue. (lien)
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