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Cette note est composée à partir des commentaires de ce billet.
Ce qui est sûr c'est qu'un "petit Français de sang mêlé" pas né à Neuilly mais à Saint-Georges de l'Oyapock, est stressé quand "l'étranger" est désigné comme bouc émissaire. Français par mon père et mon lieu de naissance mais un peu... typé, je le ressens chaque jour. Dans le regard de policiers, par certaines réflexions qui se veulent distanciées ou "pleines d'humour" mais qui sont autant de pointes qui vous picotent - quand ce n'est pas (rarement) des remarques carrément xénophobes, ou des propos dégoulinants de paternalisme, etc.
Quand je vois qu'un parti de gouvernement suit Le FN à la trace quand il ne le précède pas, je m'inquiète et pourtant la politique, je m'en moquais. Je suis de plus en plus content d'avoir conservé malgré ma citoyenneté française des racines fortes au Brésil ainsi qu'une implantation possible là-bas si le climat devient invivable ici, et ça en prend le chemin. Jamais je n'ai été aussi heureux d'être "double national" alors qu'il y a quatre ans, je n'y pensais jamais - au point de ne pas être en règle dans ma situation administrative au Brésil.
Je ne me réjouis pas de quitter éventuellement ma patrie: rien n'est décidé! Je ne le ferai que si cela devient nécessaire: disposer de cette option pas seulement virtuelle, me rassure vu le contexte du moment, dont j'espère qu'il évoluera. Parce que je suis quadrilingue, parce que mes aptitudes me permettraient de trouver un emploi valorisant plus facilement qu'ici: les Brésiliens ont peu d'attrait pour les carrières scientifiques et techniques auxquelles je me destine. Enfin la famille de ma mère me donnerait une "assise", un "point de chute" dès mon arrivée.
Aimer aussi le Brésil, ce n'est pas moins aimer la France: quand je suis amoureux, je n'aime pas moins ma mère pour ça et cette exigence de certains Français (pas tous), de vouloir l'exclusive sans payer de retour est insupportable. Enfin, quitter un pays parce que l'ambiance devient invivable est moins infamant que le faire pour ne pas payer les impôts de solidarité qu'on lui doit (si j'allais au Brésil, j'en paierais plus qu'en France)
Mais la principale raison, c'est que j'ai vécu mon enfance dans des conditions telles qu'on ne m'avait jamais ramené à ma condition de "pas tout à fait français". Et je veux que mes enfants à venir vivent comme moi... ça n'en prend pas le chemin.
Si ça continue, la France aura payé pour former un étudiant qualifié. Pour le soigner quand il a été malade, quand il a été accidenté. Et au moment de bénéficier du retour sur investissement, il partira. Et au Brésil, il ne dira rien contre la France (on ne crache pas sur ce qu'on a aimé) mais il ne chantera certainement pas ses louanges même si elle demeure sa patrie!
Seulement des centaines de milliers de Français d'origine étrangère n'ont pas ma chance. Ils n'ont plus de solution de repli. B. a raison, de parler des libertés formelles qui ne sont pas des libertés. J'ai (entre autres) deux camarades, (franco-tunisien, franco-croate). L'un comme l'autre ont effectivement "le libre choix" d'aller dans un pays qu'ils ne connaissent pas. Pour y faire quoi, surtout quand le second ne parle pas la langue locale et qu'en plus la sécurité physique de ses parents n'y serait pas assurée, séquelles de la guerre yougoslave? Vendre des légumes sur un marché ou porter des valises dans un hôtel de la côte dalmate pour un salaire de misère alors qu'on a une éducation supérieure de qualité?
D'accord, il y a des étrangers, des double-nationaux qui manquent à leurs devoirs, Mais quand on stigmatise l'ensemble, on génère de l'agressivité.
A propos des contrôles de police. Je ne pleure pas sur mon sort, surtout qu'en général ils sont polis (je devrais remercier? C'est un minimum, non?). Mais je serais blond aux yeux bleus, je ne serais pas bloqué un quart d'heure, une fois par semaine, devant des passants pour l'épluchage méticuleux de mes documents et souvent une palpation corporelle (en public, c'est très humiliant)
Je ne suis pas suffisamment naïf pour dénier aux policiers le droit de sélectionner. Je conteste leurs critères! La couleur de peau n'est en aucun cas révélatrice, alors que l'allure générale peut l'être, de même que les horaires, la nature de ce qu'on transporte, etc.
On casserait un peu moins les pieds à des gens comme moi pour être un peu plus "universel" que sans doute l'adjudant Chanal (le tueur en série de Mourmelon) serait tombé plus tôt, de même qu'Emile Louis, Marc Dutroux,(belge, mais si européen d'allure) Michel Fourniret, j'en passe et des meilleures, auraient été mis hors d'état de nuire plus tôt) Et a contrario est-ce que ces contrôles sélectifs ont empêché Youssouf Fofana et ses complices de nuire? [[Merci à Benjamin pour ces recherches: je ne suis pas expert en tueurs]]
Ce que m'en a dit un camarade dont le père est capitaine de police, c'est que je suis sans doute victime du fait que je débarque dans une gare moins "connotée" que la Gare du Nord. Comme les policiers ne doivent plus traquer le malfaiteur mais pour l'essentiel remplir des quotas (nombre de PV, nombre de contrôles, nombre de sorties, etc. - ils s'en plaignent), ça tombe plus souvent sur moi que si je venais d’Aubervilliers (surtout aux heures où je passe: il y a peu de wesh-wesh)
Ce n'est pas le plus grave. J'ai beau prendre au moins deux douches par jour, ne pas être trop moche, et être vêtu correctement, il arrive que quand je prends un siège dans le train, mon voisin se lève, quitte à voyager debout: ça fait mal... quand bien même je fais attention à ne montrer ni déception ni fureur. Pareil quand je cède ma place à une personne âgée (on m'a élevé comme ça) et qu'elle la refuse.
Et si vous êtes "bronzé", vous avez beau n'avoir manqué la mention "très bien" à votre baccalauréat que de quatre points, quand vous intégrez une Prépa, on s'inquiète: "est ce qu'il ne va pas faire 'baisser le niveau'? " (forcément, un métèque, boursier en plus ! Amusant de constater que plus tard ce sont les mêmes qui demandent des éclaircissements sur ce que j'ai saisi en deux minutes: ils me retardent et je n'en fais pas une maladie). Ou pire, la situation opposée encore plus vexante quand on vient vous voir avec des yeux dégoulinants de bonté sirupeuse: "si vous avez des difficultés, "mon petit" (texto!) n'hésitez pas à m'en parler!" (là, j'avoue que j'ai franchi la limite de l'insolence).
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