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Avis que je ne partage que très partiellement. Mais puisque l'infect Wauquiez peut répandre à loisir son fumier (lien vers note précédente), autant donner la parole à l'initiateur du RSA, dans le cadre - rappelons-le - d'un gouvernement Sarkozy.
Monstrueux gâchis
Quitte à affronter les quolibets, je vous livre quelques réflexions personnelles sur ce que je retiens de ces quatre jours de folie à propos du RSA. je prends cette précaution, car je pressens certaines réactions inévitables ce ceux qui diront que tout cela était écrit d'avance, qu'il aurait fallu être aveugle pour ne pas le prévoir, qu'il y toujours du calcul cynique dans la politique et qu'il faut être bien naïf pour croire pouvoir faire une politique de lutte contre la pauvreté dans le contexte politique de ces dernièrs années. J'ai le sentiment d'un monstrueux gâchis, pour plusieurs raisons
La première, c'est que l'on fait un contre-sens en voulant à nouveau opposer le travail et la solidarité.
Il y a dans ce pays autant de personnes pauvres qui travaillent que de personnes pauvres sans travail. Et il y a parmi elles de nombreuses personnes qui alternent les périodes de travail et les périodes d'inactivité. C'est la réalité de la fragme ntation du travail, de la précarité, de nombreuses trajectoires personneles. Opposer les uns aux autres est absurde, malsain, faux. Le revenu de solidarité active a pour philosophie de s'adresser aux uns et aux autres, à a fois en ne laissant tomber personne, en faisant en sorte que celui qui travaille quelques heures à plus que celui qui ne travaille pas, celui qui a travaille a mi-temps plus que celui qui ne travaille que quelques heures, celui qui travaille à plein temps plus que celui qui travaille à temps partiel et que les aléas subis (moins d'heures, fin de CDD, fin de droits) soient atténués par un complément de revenu. C'est terriblement difficile à mettre en oeuvre, nous le savons, parce qu'il faut un système ajusté à la complexité des trajectoires personnelles, extraordinairement irrégulières, et qui pour autant puisse couvrir des millions de personnes. C'est pour cela que jusque la création du RSA, les ajustements du RMI n'avaient pu être que très partiels. Un maintien d'une partie du RMI pendant quelques mois, une prime au bout du quatrième mois d'activité et qu'il fallait tout réorganiser.
Certains diront qu'il suffirait d'augmenter les salaires, d'interdire le temps partiel, de transformer tous les CDD en CDI et qu'il n'y aurait plus besoin de complément de revenus. Mais, malheureusement, une augmentation du coût du travail se traduit par une augmentation du chômage des personnes non qualifiées et les dernières augmentations du SMIC ont aussi correspondu à des périodes où le nombre de travailleurs pauvres augmentait, On ne peut pas tout régler par les salaires. Il faut que les plus riches paient des impôts et il faut que les salariés modestes bénéficient de la solidarité, de ce qu'on appelle un impôt négatif. Il ne s'agit pas d'assistanat, il s'agit de solidarité.
Nier cela, c'est nier la réalité et c'est laisser les plus précaires à l'abandon. Ce sont ces personnages du livre de Florence Aubenas, notamment ou ceux dont on a lu les portraits dans les journaux ces derniers jours, qui ne peuvent boucler les fins de mois tout en travaillant. Le RSA doit les accompagner, les soutenir financièrement. C'est la moindre des choses.
Ce serait un terrible gâchis que de revenir en arrière en séparant artificiellement ceux qui ne travaillent pas et ceux qui travaillent, comme si c'était deux populations différentes. Tout est fait pour les opposer, il faut au contraire tout faire pour aider les uns et les autres, en ayant en tête que ce sont souvent les mêmes qui passent d'une situation à l'autre.
Deuxième point. Quel gâchis nocif que de pousser à la caricature politique. Il se trouve que la droite et la gauche peuvent se retrouver sur le RSA.
Non seulement, ils peuvent se retrouver, mais ils doivent se retrouver. Les personnes les plus vulnérables ont besoin d'un peu de stabilité dans les règles qui les concernent. Ils n'ont pas à être l'otage des joutes politiques, des rivalités, des alternances et encore moins des rivalités personnelles. le RSA s'applique dans des départements de gauche et des départements de droite. Dire que la gauche se complairait dans l'assistanat est aussi con que de penser que la droite jouirait de la pauvreté. Et ceux qui dans chaque camp, veulent faire croire cela jouent un jeu dangereaux qui se retourne contre les pauvres. Certes, on a vu ces derniers jours des personnalités de droite qui jouent à cela, mais ne leur faisons pas l'honneur de penser qu'elles les représentent toutes et de rentrer dans leur jeu. La gauche a, je l'ai toujours pensé, eu tort de ne pas voter le RSA en pratiquant une "abstention positive" pour reprendre ses termes et la droite aurait parfaitement tort de se renier maintenant de l'avoir voté.
Troisième point: deux catégories de personnes peuvent se sentir humiliées, bafouées par ce qui s'est dit ces derniers jours.
D'abord, tous ceux qui essaient de sortir de la pauvreté, qui frappent en vain aux portes de l'emploi, qui ont vu leur contrat aidé non renouvelé, qui prennent les quelques heures de travail qui passent. C'est évident. mais aussi celles et ceux qui acquittent la "taxe RSA" sur les revenus du capital, instaurée avec le RSA. Je me souviens de leur réactions négatives. Combien m'ont interpellé "j'ai économisé toute ma vie en travaillant pour m'acheter un studio que je loue pour compléter ma maigre retraite et vous me prélevez 1,1% pour le RSA". Aujourd'hui, on leur dit que le RSA, c'est une entourloupe, ils doivent l'avoir saumâtre. Or, cette taxe elle est allée intégralement vers ceux qui travaillaient déjà avec des revenus faibles. Avec le RSA, on n'a pas augmenté d'un centime les dépenses vers ceux qui n'ont aucune activité. On me l'a suffisamment reproché pour que je le sache... quel manque de respect que de leur dire aujourd'hui des contre-vérités troublantes et quel effet boomerang cela paut provoquer chez elle.
Quatrième point. La crise que nous traversons depuis la fin 2008 n'est pas une crise d'un excès de solidarité.
Ce ne sont pas les travailleurs pauvres qui en sont responsables, ni ceux qui ne trouvent pas de boulot. Beaucoup ont payé cher le prix de la crise. On veut leur faire payer une deuxième fois. D'autres ont bien tiré les marrons du feu, on repris leurs habitudes, ont vu la crise glisser sur eux comme l'eau sur les plumes du canard. Faire croire le contraire aujourd'hui, c'est du "révisionnisme social" ou du "révisionnisme économique".
Cinquième point. La politique est aujourd'hui déstabilisés par une forte montée de l'extrême droite. il faut la combattre. Il faut en combattre les racines, pas la renforcer.
Le leader du parti d'extrême droite a pris ses distances avec les propos outranciers tenus sur le RSA. Ce parti a pu savourer le cadeau extraordinaire qui vient de lui être fait. Il peut se réjouir de s'être fait doubler sur sa droite (un exploit) et ne s'est pas privé de l'avoir fait remarquer. C'est un cadeau gratuit, parce qu'on pouvait au contraire expliquer aux électeurs de ce parti, que certains défauts du RMI avaient été corrigés et mettre à bas certains de leurs arguments favoris au lieu de les légitimer. Les dégâts peuvent être considérables, durables, terrifiants.
Je n'arrive pas à me résoudre à ce que des tactiques et des ambitions personnelles et des jeux partisans ou intra-partisans, fassent tant de gâchis, tant de dégats. J'ai trouvé des signes encourageants à voir les organisations syndicales, les associations, de nombreux resposnables politiques, des journalistes, mais aussi des individus qui ont témoigné sur les ondes, dans les journaux, sur les blogs, réagir en se démarquant de leurs positions traditionnelles. Il ne faut pas se déchirer sur le RSA. il ne faut pas "cliver" sur la pauvreté. Il ne faut pas jouer avec la misère. Il ne faut pas pas être cynique.
Il faut poursuivre le combat pour améliorer le RSA, trouver des positions d'accord. Il faudrait aujourd'hui que des parlementaires de droite et de gauche travaillent ensemble à préparer la deuxième étape du RSA, celle que j'appelais de mes voeux dès le mois de juin dernier dans un livre (secrets de fabrication). Qu'ils travaillent avec les associations et les partenaires sociaux, pour trouver des positions communes sur les améliorations à apporter. J'en appelle à leur sens des responsabilités. C'est ensemble qu'ils doivent faire la guerre à la pauvreté.
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