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(Les deux premiers épisodes ici et là)
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Retour en arrière pour noter que lors de l'épisode des rénovateurs, élégamment surnommés les douze salopards (en référence au célèbre film) par les chiraquiens , quand il s'est agi de signer en bas du manifeste, Fillon s'est élégamment défaussé. Séguiniste il est et il le fait savoir. Mais de là à prendre le risque de brûler ses vaisseaux, il y a une marge que le jeune homme bien élevé se garde de franchir. Magnanime, Seguin ne lui en tient pas rigueur.
Les "rénovateurs" de la droite
Opportunité de signaler un ouvrage très intéressant: une biographie de Chirac qui s'arrête peu ou prou au début du septennat de Sarkozy, mais l'essentiel y est: sévère quand il le faut, amusée quand elle le mérite, et fourmillant d'informations captivantes : CHIRAC - Les combats d'une vie (éditions de l'archipel, environ 18 euros) Elle contient un livre dans le livre, sorte de biographie de Philippe Seguin, personnage d'une foncière honnêteté intellectuelle doublée d'un caractère de cochon qui confinait à la pathologie.
Cet épisode parmi d'autres des rapports de Chirac avec un des hommes qui, envers et contre tout, fut un de ses plus fidèles et en tout cas ne le combatit qu'au grand jour et seulement sur les principes est relaté point par point. Combat qui fut mené sans coup bas, d'une tout autre nature que la lutte sans merci entre les Orléanistes balladuriens et les chiraquiens plus républicains.
Bien entendu, comme souvent en politique, c'est le fidèle qui fut tué. Seguin, juste coupable d'avoir grommelé que le Rassemblement ne devait pas être seulement une machine de guerre au service 'du Grand' lors de ses diverses campagnes électorales mais également et surtout un instrument destiné à porter des valeurs fut pulvérisé, quand les traitres de 1995 furent réhabilités...
1992 - L'épisode du traité de Maastricht - Fillon derrière Seguin.
C'est à ce moment que le mouvement vers plus d'intégration que les Européistes bêlants veulent irréversible et sans retour possible poussa à l'adoption du Traité de Maastricht. François Mitterrand, européen dans l'âme comme beaucoup des politiques qui connurent la guerre, poussa à cette intégration que Kohl souhaitait également.
Seulement les résistances étaient grandes (pour des motifs différents) que ce soit en Allemagne ou en France - ces deux pays constituant le couple moteur de l'Europe: la Grande Bretagne qui n'a jamais été et ne sera jamais que le cheval de Troie du libéralisme et du libre-échangisme anglo-saxon s'est mise en dehors du jeu dès le début et l'Allemagne, marquée par le poids de son histoire, privilégiait par dessus tout la lutte contre l'inflation, au détriment de la santé économique.
On peut relire le Traité de Maastricht, et constater que les "Cassandre" avaient raison. Tout ce qui va dans le sens de l'orthodoxie financière et le la suprématie d'instances technocratiques indépendantes est indiqué à l'indicatif. Tout ce qui fut arraché péniblement, qui allait dans le sens de plus d'intégration sociale (pour que la règle du jeu soit peu ou prou la même entre pays dans lesquels la compétition commerciale est censée régner sans limites) est rédigé au conditionnel (Nous lutterons contre... nous sanctionnerons... opposés à nous nous efforcerons d'obtenir des convergences... nous tenterons d'unir...).
En clair, en cas de ratification l'orthodoxie s'appuierait sur un traité qui aurait valeur de tables sacrées de la Loi, les tenants du volontarisme social devant compter très illusoirement sur des négociations dont le résultat était connu d'avance, puisque selon les sujets traités la règle de l'unanimité prévalait, sur d'autres celles de la majorité qualifiée.
Hors du Traité, aucune chance de modifier quoique ce soit. (C'est hors sujet pour ce qui nous préoccupe, mais le couple Jospin-Chirac a aggravé les choses en laissant, lors de la signature du Traité de Nice de 2001, diminuer grandement le poids de la France dans les diverses institutions, à commencer par le Parlement européen)
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François Mitterrand commit à cet égard sa plus grande erreur. Pour l'essentiel, dirigeants comme militants socialistes firent les godillots, avec plus ou moins de bonne volonté. A peu près seul, JP Chevènement fit campagne contre la ratification puis après une critique sévère de la dérive gestionnaire des socialistes ainsi que de l'orthodoxie financière dans laquelle se complaisait un Bérégovoy complètement phagocyté par la tecnostructure des finances, il quitta le PS en 1993 pour transformer le Mouvement des Citoyens (fondé en 1992) en parti politique dont il prit la présidence. Par esprit de discipline, par espoir (illusoire) de changer le PS de l'intérieur, la gauche de ce parti avala des anacondas et demeura en son sein. Tout au plus certains de ses membres s'abstinrent de faire campagne active.
Dans l'erreur mais pas félon, François Mitterrand organisa une campagne référendaire convenable. Les OUISTES de la droite orléaniste comme de la "nouvelle gauche" se déchainèrent en faveur du succès à Maastricht (c'est l'époque où le nouvel Observateur y consacrait les 3/4 de sa pagination) mais les partisans du NON ne furent pas diabolisés comme en 2005. L'opposition était certes transcourante, allant depuis l'extrême droite qui agissait par prurit raciste et xénophobe comme de coutume, jusu'à la gauche non libérale ou... de bon sens.
C'est là que nous retouvons notre "héros", François Fillon, et quand on connaît la suite de son parcours, son attitude en 1992 ne manque pas de sel.
Pendant six mois, il ne lâche pas Philippe Seguin et mène une campagne effrénée contre la ratification du traité de Maastricht. À l'Assemblée nationale, il déclare vouloir "l’Europe, mais debout" dans le cadre d'une "confédération des nations".
Pour lui - et on ne saurait que donner raison au Fillon de 1992 - l’établissement d'une monnaie unique avant l’attribution d'institutions politiques à l’Europe et surtout l'absence de politique économique et sociale commune sont à la fois des forfaitures et des absurdités.
Mitterrand joue le jeu et bien qu'affaibli par la maladie, il débat face à face avec Philippe Seguin qui gagne ainsi ses galons d'homme d'état. Mais la diabolisation des NONISTES est trop forte (Chirac lui-même s'est résigné à soutenir le OUI), et on s'interroge à bon droit sur la manière dont le scrutin fut organisé dans les DOM/TOM (il n'y eut certes pas fraude, mais désinformation flagrante et appel très opportun des partis indépendantistes, autonomistes et de gauche à ne pas se mêler d'un scrutin qui ne nous concerne pas. En échange, de nombreux tracas judiciaires ont été occultés... (l'auteur de ce billet peut attester qu'il était difficile de voter en Guyane, et que les gens qui désiraient le faire passaient devant une haie de gens qui prenaient les noms. Pas de quoi l'intimider mais il n'en était pas de même, pour la myriade de contractuels liés à leur potentat local)
Que dans ces conditions le oui n'ait obtenu que 51,05 % est un demi miracle. Surtout que pour tout ce qui touche la construction européenne, un "OUI'" obtenu de justesse est acquis, quand un NON n'est jamais que provisoire: ou bien on fait revoter les peuples jusqu'à ce que lassés, ils obtempèrent, ou bien, par un artifice qui confine à la forfaiture, on se moque de leur colonté souveraine (Traité de Lisbonne)
Pour conclure, ces 49% pour le NON à Maastricht constituent une victoire morale pour Seguin et, dans une moindre mesure, pour Fillon. Ce dernier a gagné là sa notoriété.
Nous verrons dans le prochain épisode ce qu'il en fit.
benjamin
à suivre
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