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Une chute "conne" tout d'abord, une contadorade (© makhno) qui met l'Alberto au sol. On croit que ce n'est rien ce genre de gamelle, mais quand on se ramasse direct sur le fessier ça fait mal là où on s'assoit ensuite, ça nuit au bon fonctionnement des muscles, et ça se répercute sèchement tout le long de la colonne vertébrale. Enfin, ça rend nerveux pour la suite. A noter que l'Ibère étant au sol, l'écart entre les échappés et le peloton a diminué d'un coup de 50 secondes... Certes ses "collègues" ne se sont pas mis à la planche, mais ils ne lui ont pas spécialement fait de cadeau.
Ce "fait de course" a été vite oublié suite à l'énorme gamelle qui a suivi... Route sinueuse, virages particulièrement traitres (du genre "qui se referme", nous en reparlerons), chaussée humide par ci, sèche par là. On ne ne saura jamais comment c'est arrivé, mais trente gars se ramassent lourdement et deux cadors ne repartiront pas : le grand Vino qui ne refera sans doute plus jamais de compétition (la retraite était prévue en fin de saison) avec un fémur et un bassin pulvérisés (il est héliporté vers la Pitié Salpêtrière), Van den Broeke remis en selle, qui a fait cinq kilomètres dans le cirage avant de s'arrêter : clavicule en miette et traumatisme crânien. Le peloton se retrouve secoué, dans l'attente des infos et les échappés prennent le large, avec une avance qui monte de 3 à 7mn. Fait de course, certes, mais c'est aussi ça la course.
Ensuite, j'avoue ne rien avoir compris aux tergiversations des uns et des autres : qu'est ce que ça va donner quand ils n'auront pas d'oreillettes ! Pourquoi rouler, si on ne le fait pas à fond ? Les OMEGA de Gilbert se sont épuisés à mener un train soutenu, mais pas suffisant pour revenir sur Voeckler : ils maintenaient juste l'écart. Les GARMIN de Hushovd ont pris le relais après, mais trop tard pour inquiéter un Voeckler qui, intelligemment, après une erreur initiale, a cessé de courir après tous les lièvres, le maillot à pois, le paletot, l'étape et n'a fait que le jaune, quasiment en Contre la Montre. Au sprint intermédiaire, Gilbert engrange naturellement pas mal de points, le Cav' et Rojas étant à la ramasse dans les attardés. Hushovd ne devait plus du tout avoir sa tête, parce qu'il est passé sur la ligne derrière deux de ses équipiers, perdant ainsi de précieux points qu'il aurait pu engranger sans sprinter, en leur demandant juste de mettre la flèche sur 50 mètres. On s'acheminait donc vers un scénario logique... Voeckler aurait le paletot, Hoogerland le maillot à pois et Flecha, Sanchez et Casar se friteraient pour la gagne du jour.
C'était compter sans une voiture de France Télévision qui a dépassé l'échappée lancée à 60 km/h en jouant aux quilles, percutant Flecha sur le côté. L'Ibère envoie Hoogerland valser à la même vitesse dans les barbelés, tape dans la roue de Voeckler qui l'a échappé belle et se ramasse lui-même sur la chaussée, manquant de très peu de finir sous la voiture du directeur de course (la chaussée eut été mouillée à cet endroit que c'était le cas). Je veux croire que le conducteur sera déclaré à jamais indésirable sur le Tour sans pour autant pointer à Pôle Emploi, mais c'est un euphémisme que de dire qu'il y a des choses qui ne sont pas convenables.
Arrivée en côte : un Voeckler pourtant cramé tente sa chance mais se fait passer par un Sanchez qui n'avait pas donné un coup de pédale, Casar, carbonisé, ne pouvant que finir à l'agonie à 13 secondes. mais l'essentiel est fait : il prend le maillot !
Rarement, je crois, journée de repos n'aura été espérée et attendue par tant de monde.
Mais je ne peux m'empêcher de m'étonner devant la manière dont les "secours" sont organisés. On sait que le cyclisme est un sport de durs, mais il y a des limites! Vino savait qu'il ne repartirait pas : depuis quand un homme dans un ravin avec un fémur et un bassin en miettes est déplacé autrement que dans une coquille ? On l'a hissé à dos d'hommes, des non secouristes en plus ! L'événement étant télévisé, cela flanque en l'air les innombrables sessions d'informations relatives aux premiers gestes à faire – et surtout à ne pas commettre! – en cas d'accident corporel !
Il y a des médecins d'équipe et un staff qui dépend de l'organisation, avec le pouvoir d'interdire une remontée en selle. On a déjà laissé Boonen faire 60 km en plein cirage avec un traumatisme crânien, distinguant à peine la seule roue arrière de son équipier. Aujourd'hui, on a laissé van den Broeke repartir avec une clavicule pétée, qu'il y avait suspicion d'atteinte aux cervicales et une désorientation manifeste. C'est lui qui a mis pied à terre cinq kilomètres plus loin, mais qu'est ce qui aurait pu survenir pendant ce délai ? Je ne condamne pas, je ne tranche pas, je pose la question. Les médecins sont vraisemblablement bridés par un règlement... eh bien changeons le règlement ! Finalement, un boxeur est bien plus protégé qu'un cycliste...
Et quid d'un directeur sportif qui remet en selle un coureur (le même van den Broeke) qui avait des ambitions pour le podium, mais sans déléguer d'équipier pour le ramener ? Ou on pense qu'il y a une chance pour qu'il joue son rôle et on l'assiste, ou c'est plié et on pense à sa santé ! Est-il aussi normal que Hoogerland et Flecha, pulvérisés par une voiture assassine, aient dû rallier la ligne en comptant seulement l'un sur l'autre alors que dans leurs équipes respectives il y a déjà nombre de types très loin du classement général, qui pouvaient sans problème perdre 15 mn en les abritant, en les encourageant, en leur passant des bidons ?
Un grand bravo quand même et avant tout pour Thomas Voeckler. C'est cela avant tout qu'on retiendra de cette étape.
benjamin.
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