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Les français n'auront gagné qu'une étape cette année... mais c'est la plus belle, l'étape "mythique", celle dont tout le monde rêve.
Pierre Rolland jusque là équipier exemplaire de Voeckler a eu aujourd'hui son bon de sortie, très lucidement accordé par le maillot jaune et le manager, quand il fut avéré que quoiqu'il arrive Thomas n'avait pas les jambes (ce qui est somme toutes normal après la formidable performance réalisée jusque là). Seulement c'est une sacrée responsabilité, d'obtenir un bon de sortie et de laisser son leader, parce que si celui-ci manque au final de très peu ses objectifs et que de son côté on se rate, ça laisse des rancœurs.
Seulement là, Rolland ne s'est pas raté. Excusez du peu, mais rejoindre tous les cadors, suivre Contador et Sanchez dans le final de l'Alpe d'Huez et les sécher pour s'envoler vers la victoire, que rêver de mieux ? On notera que le dernier succès français sur ce lieu mythique fut celui de Bernard Hinault (actuellement chef du protocole sur le Tour) qui a pu saluer son héritier... lequel n'était pas né lors de la victoire du Blaireau.
Pour le reste, on va essayer de faire "ramassé" parce que sinon il faudra trois cents pages. Je vais d'abord dire ce que je pense de la populace, qui se distingue fort bien des masses. Un Voeckler en jaune jouant les Astérix, c'est un demi-dieu porté par tout un peuple. Ensuite il y a les insinuations... pas normal ça. Ensuite un Voeckler pas à la dérive, pas en plein naufrage (parce que pas mal de sacrés cadors aimeraient être sûrs de ne pas concéder plus de 3mn à des Schleck ou Evans dans une étape pareille, il y en a un sacré paquet.
Mais un Voeckler qui perd, même valeureusement, même en se battant mètre par mètre, et ce sont de suite les sifflets, les insultes, les gestes obscènes, qui l'ont fait craquer à un moment quand en plein effort dans l'Alpe il a fait l'honneur à ces bâtards de leur répondre, de les engueuler. Je ne suis pas expert en histoire de l'Antiquité, mais on dit, je crois, que le chemin est bref entre le capitole et la Roche Tarpéienne...
Thomas est redescendu sur terre mais je ne crois pas qu'il ait jamais eu la grosse tête et sa joie en apprenant la victoire de Rolland était sincère. Les connaisseurs du vélo se souviendront pendant des années de cette décade pendant laquelle il nous a fait vibrer, et qu'il fasse 4, 5, 6 ou 7 sur les Champs, au final, ça n'a aucune importance : à ce niveau une place en moins contre une victoire d'étape mythique, ça valait largement le coup.
Un brin en colère, Thomas Voeckler (Europcar) est tout de même revenu sur la victoire de Pierre Rolland vendredi, au terme de la 19e étape du Tour de France entre Modane-Valfréjus et L'Alpe-d'Huez (109,5 km). "J'ai appris que Pierre Rolland a gagné quand j'ai franchi la ligne d'arrivée, a déclaré le désormais ex-maillot jaune devant les caméras de France 2. Je suis super content car il mérite cette victoire. Il m'a aidé tout au long de ce Tour. C'est légitime qu'il gagne. Les mecs m'ont ramené avant le pied de L'Alpe-d'Huez. Merci à Jérôme Pineau et Arnold Jeannesson qui m'ont bien aidé, ce qui n'a pas été le cas de tout le monde. Il faut que les motos de France Télévisions fassent attention dans la montée du Télégraphe, car Alberto Contador avait l'aspiration de la moto. Il est assez fort, il n'a pas besoin de ça pour gagner. Le mérite en revient à Pierre Rolland, le reste, c'est accessoire." Rolland l'a emporté en 3h13'25", tandis que Voeckler a terminé 20e à 3'22" de son coéquipier. Le Français pointe à 2'10" du leader du général, Andy Schleck.
Quand France Télévision est interpellée de cette manière, on aimerait quand même que le média qui a le monopole de la retransmission sur chaine gratuite s'explique...
Un énorme coup de chapeau à un Flecha très chevaleresque qui, sur l'émotion du moment, avait eu des mots très durs et très injustes contre Voeckler parce qu'il ne s'était pas arrêté pour les attendre, le jour où une bagnole l'avait envoyer valser avec Hoogerland dans les barbelés (ce qui n'aurait servi strictement à rien). Parce que quand Contador a lancé sa mine, quand Voeckler a craqué un moment, Flecha a tiré un très long bout dans le Télégraphe pour l'aider à revenir, sans nul doute pour faire la paix. Idem, Jérôme Pineau de la QUICK STEP a donné un gros coup de main à son copain mais néanmoins concurrent, coup de main qui efface le tour de vache d'hier, quand Devenyns a "inexplicablement" aidé Andy Schleck. Les démonstrations d'amitié sur-jouées, lors du départ fictif, de coureurs de la QUICK STEP envers Thomas étaient révélatrices : on ne veut pas la guerre et on ne prend pas le coup d'hier à notre compte ! En revanche la FDJ & COFIDIS ont flingué à mort mais il y avait une raison à ça : le classement potentiel du meilleur jeune.
Autre chose... C'est clair que Voeckler s'est planté, en voulant sauter dans la roue de Contador dès le bas du télégraphe. C'est clair qu'il aurait dû s'en tenir à la stratégie initiale... le bon porte bagage, c'est celui d'Evans (la suite l'a largement démontré). Il serait resté au chaud, il aurait eu ses coéquipiers avec lui donc aurait subi moins d'à coups. Parce que cette montée du Galibier en solitaire derrière – excusez du peu – un Contador en pleine réaction d'orgueil accompagné d'un Schleck, en ne concédant rien ou presque et à un moment en revenant à 24 secondes d'eux, c'est un sacré exploit mais c'est là qu'il a cramé. Pour tout dire, j'avoue que je le voyais à 15mn au sommet de l'Alpe, au (bref) moment où il a fléchi et s'est quasiment arrêté. Seulement c'est si facile de dire ça le cul dans un fauteuil après coup ! (N'est-ce pas Thierry Adam ?). Il aurait fallu des nerfs d'acier pour accepter de se laisser décrocher de plus d'une minute trente quand on voit les mecs dans le lacet juste au dessus !
Chapeau aussi pour le coup machiavélique joué par Schleck Contador (qui pouvait espérer un podium... au final ça semble plie mais on ne pouvait pas le savoir), de le laisser plafonner ainsi à 300 mètres pour le cramer. C'est féroce, mais c'était bien calculé !
Et entrecôte ou pas, jugement en suspens du TAS ou pas, chapeau aussi pour la réaction de guerrier de Contador qui a mené de bout en bout. Ca passe ou ça casse... ça a cassé. Démarrer dès le début du Télégraphe c'était espérer que derrière ça se regarderait un peu (vu son retard conséquent), qu'il pourrait s'envoler et se refaire la cerise au classement général. Avec les jambes qu'il avait aujourd'hui, en faisant le gagne petit et en plaçant sa mine en bas de l'Alpe, il pouvait gagner l'étape presque à coup sûr. Il a préféré tout tenter, il a tout perdu. Panache ! J'ai adoré aussi, alors qu'ils se bagarraient sans concession aucune pour cette victoire et qu'en plus Sanchez jouait le maillot de grimpeur, cet éclat de rire mutuel entre les Ibères, quand Rolland a fait son numéro. Rolland d'ailleurs salué très fraternellement à l'arrivée par un Sanchez qu'on aurait pu croire dépité.
Messieurs les organisateurs du Tour, vous avez la recette pour que la course soit trépidante : des étapes courtes, adaptées au cyclisme moderne. Sur 200 km, désormais, 95 fois sur cent on aura une course de côte dans la montée finale même s'il y a cinq cols sur le parcours. Et mettre quatre difficultés majeures comme vous l'avez fait l'an dernier suivies de 70 km de descente ou de plat, ça ne sert strictement à rien. Sur 120 km avec trois bosses majeures, ça flinguera tout au long.
Demain, étape Contre La Montre de 42 km sur une boucle très exigeante. Selon la logique, Cadel Evans qui a moins d'une minute de retard sur les frangins devrait pouvoir combler le trou, vu ses très grandes qualités de rouleur. Mais en fin de Tour, plus que l'aptitude à cet exercice, c'est la forme qui compte avant tout, et en plus comme on l'a maintes fois écrit (et Voeckler en a apporté la démonstration), un maillot jaune, ça transcende. Absolument rien n'est donc joué, et le podium peut se disputer entre cinq gonzes dont bien malin serait celui qui prédirait à coup sûr l'ordre d'arrivée...
Dans cette note datant de l'année dernière, les Nuls en vélo trouveront toutes les explications sur ce qu'est une étape Contre la Montre.
http://jlhuss.blog.lemonde.fr/2010/07/18/enfarinades-mutuelles/
Et dans cette note, toujours vieille d'un an, le compte rendu du CLM de 2010 qui confirme ce que je dis... Le CLM de fin de Tour est souvent atypique. Cela dit, vu qu'il a fait peu d'efforts depuis une semaine, mon grandissime favori c'est Cancellara, Spartacus pour ses millions d'intimes !
http://jlhuss.blog.lemonde.fr/2010/07/24/la-route-des-vins/
Seul maillot assuré : le grimpeur pour Sanchez, piqué sur le fil à Schleck
benjamin
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