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Devant l'évidence, la langue de bois qui promettait à court terme l'Avenir Radieux de la Sortie de Crise devient intenable: le système marche sur la tête et ne saurait produire de croissance - seul moyen de combler les déficits: or un point de croissance génèrerait des milliards de rentrées fiscales sans toucher aux taux de prélèvements). Dans le scepticisme, le gouvernement établit ses prévisions à 2% en 2011, puis 2.25% en 2012 et bâtit ainsi toutes ses hypothèses budgétaires.
Le premier trimestre permit de plastronner: +0.9%! Interdit de relativiser: on était un traitre bon à fusiller mais pourtant les analyses attentives des données de l'INSEE permettaient de douter: ce résultat vint essentiellement de la reconstitution du stock des entreprises (cette opération ne se répète pas à l'infini) et par la consommation intérieure... dans un climat particulier: celle-ci était fortement soutenue par des mesures fiscales (exemple: prime à la casse des véhicules anciens qui arrivait à expiration: il y eut effet d'aubaine pour en profiter).
Pour le second trimestre, l'adage : même les paranoïaques ont des ennemis s'est trouvé vérifié. Quand les oiseaux de mauvais augures stigmatisés annonçaient +0.2%, on atteignit finalement... 0%. Stocks des entreprises stable, consommation plafonnant à +0.6% (grâce au rebond de +1.2% de juin qui s'explique par les soldes: s'il faut vendre avec une marge nulle pour dégager du chiffre, l'économie ne se porte pas bien - euphémisme).
L'indice de confiance des ménages demeure au niveau des nappes phréatiques: historiquement bas. Or une consommation soutenue génère des milliards de rentrée de TVA (l'impôt qui rapporte le plus). Dès le second trimestre, les entrepreneurs tablèrent sur une récession vraisemblable due au tour de vis fiscal à venir, qui ne veut pas dire son nom. Comme on tergiverse avant de dire qui sera frappé et pour quel montant, on génère crainte et attentisme: cela fait presque un an qu'on parle de revenir sur certains avantages liés aux "investissements dans les DOM/TOM" qui coûtent des milliards et ne sont que des effets d'aubaine, sans annoncer sur quelle assiette et pour quel montant; de ce fait, ils sont en berne et le BTP comme les transports se portent au plus mal.
Idem, indice de confiance des industriels historiquement bas. Moins d'activité, c'est moins d'investissements, moins de bénéfices, et donc moins d'impôt sur les sociétés en plus de l'impact sur la TVA. Moins d'embauche (sauf en intérim), donc des comptes sociaux dégradés (moins de cotisations qui rentrent, plus d'indemnités à verser). Même les entreprises qui ont des capitaux ne les investissent que rarement: pourquoi faire quand l'appareil de production suffit à fournir une consommation atone et que des jours noirs sont prévisibles - surtout quand la crise bancaire génère des inquiétudes sur leur soutien dans le cas où il faudrait pallier un imprévu?
Le commerce extérieur? Le déficit se creuse d'année en année: on en est à 70 milliards annuels (à noter qu'il y a dix ans, les 35 heures qui ne furent pas une mesure judicieuse, euphémisme, existaient déjà et pourtant le commerce extérieur était équilibré. Le pouvoir UMP est passé par là, qui céda avec veulerie aux oukases de l'OMC)
L'immobilier? Ventes des promoteurs en berne (-21% sur deux ans) et cela entraîne la diminution des droits de mutation. La baisse de l'offre fait exploser les prix et de moins en moins de ménages accèdent à la propriété: forte demande de logements sociaux ou intermédiaires, que les organismes publics sont incapables d'offrir.
Les banques? On paye très cher les PDG pour conserver leurs compétences. Les dirigeants compétents les ont engagées à hauteur de 107 milliards en Espagne et en Italie, en plus d'être englués en Grèce (déjà trois milliards de pertes). Dans ces conditions elle sont contraintes d'écoper et de provisionner pour les pertes prévisibles. Un bon paquet d'impôt sur les bénéfices espéré de ce côté disparaîtra (si en plus il ne faudra pas dégager des milliards pour soutenir le secteur)
Le contexte économique international? Passons sur la crise américaine. Mais notre voisin, la vertueuse Allemagne qui sut faire des réformes courageuses qui porteront leurs fruits (traduction: payer des gens un euro de l'heure, multiplier le nombre de SDF dans un pays où c'était un phénomène presque inconnu, etc.) notre premier client et premier fournisseur, subit aussi une croissance nulle au second trimestre. Normal: les Teutons, seconds exportateurs mondiaux, vendent les 2/3 de leurs produits dans l'UE - ce qui met en exergue les pieds d'argile du colosse: si les pays qu'elle méprise tant cessent d'acheter, elle crèvera avec eux d'autant plus qu'elle a des problèmes structurels graves dont le moindre n'est pas une natalité catastrophique et un grand nombre de femmes au foyer: il y a peu d'actifs pour faire vivre la population.
Le premier communiqué de Lagarde, directrice du FMI? Elle somme les états européens de résoudre la quadrature du cercle en veillant à ne pas casser la croissance en résorbant les déficits. Que dire devant cette ineptie, puisque le système économique qu'elle a toujours prôné tenait pour postulat qur des comptes jugés sains étaient la condition même de la croissance?
Nous en revenons à la même conclusion: le système marche sur la tête et on ne voit pas d'issue à long terme: il ne peut fonctionner (en boitant) que quand la confiance règne. Or de confiance il n'y a plus.
benjamin borghésio
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