(Cette note est très largement inspirée d'un commentaire que j'ai déposé chez A(c)Tu)
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Voilà un point de vue quelque peu divergent que d'aucuns qualifieront de simpliste. Parce que les tenants du libéralisme financiarisé adorent complexifier les choses pour mieux asséner leurs postulats, leurs dogmes: "c’est plus compliqué que ça mon vieux, vous n’y comprenez rien, laissez parler les gens sérieux".
Ces gens sérieux sont recrutés soit chez les lib’s qui s’assument comme tels soit dans la ‘social démocratie raisonnable, celle qui sait de quoi elle parle’ et qui fait le sale boulot des autres. On fait comme les médecins de Molière, on abuse d’un métalangage abscons pour faire savant, et ça masque l’ignorance ou l’incapacité à résoudre le problème sans changer de ‘dogme’
Comme avant Pasteur les "savants qui savaient de quoi ils parlaient" soutenaient que les germes étaient la conséquence des infections et non leur cause (et défense de les contredire, Pasteur en sut quelque chose qui batailla toute sa vie contre l’obscurantisme de l’époque) ils nous assènent en plus leur postulat:
"pour sortir de la crise il faut réduire les déficits"… alors que les déficits sont la conséquence de la crise!
Bien sûr, il vaut mieux être riche et bien portant que pauvre et malade.
Bien sûr il vaudrait mieux avoir un budget en équilibre qu’en déséquilibre.
Il vaut mieux être prêteur qu’emprunteur (quoique… 40% de la dette américaine est en possession de la Chine et ce sont de ce fait les USA qui tiennent les Chinois par les c… Ils commencent à rembourser… en faisant tourner la planche à billets).
Parmi les pays les plus dans la mouise en 2011, il y a l’Espagne citée dans le monde économique traditionnel comme un modèle il y a quelques années, pour ses budgets en excédent: ceux qui l’encensaient à l'époque sont devenus amnésiques. Il y en avait qui me contredisaient sur un ton sentencieux en sautant comme des cabris en criant Espagne! Espagne! Espagne! pour vanter la bonne gauche, celle qu'on adore à droite.
De nos jours les mêmes balancent des appréciations sentencieuses sur cette prospérité bâtie sur du sable. On se marre (jaune en pensant aux Espagnols): on aurait aimé qu’ils nous fassent des prévisions avant, plutôt que des analyses après.
L’économiste lambda, c’est celui qui vous explique doctement après la catastrophe pourquoi telle ou telle crise s’est produite. Jamais celui qui vous l’annonce avant (sauf si c’est un ‘populisse passéiste’ qui remet en cause le système).
Bien sûr qu’on ne peut pas vivre en permanence dans le déficit, qu’il faudra en sortir un jour.
Mais la question, comme celle de la dette, c’est de remettre en perspective.
1/ Quelle est la part de la dette quand on la compare non pas au PIB, mais au patrimoine total du pays, qu’il soit public ou privé? Elle est ridicule et si en plus on n’avait pas privatisé à tout va, elle serait encore plus faible.
La capitalisation boursière de TOTAL, c’est de 90 à 100 milliards d’euros… et 10 milliards de dividendes annuels qui vont à 70% dans des poches d’actionnaires étrangers ; en plus TOTAL, tout à fait légalement, ne paye pas d’impôts en France. Merci la droite, merci le PS, d’avoir bradé ce patrimoine qu’en plus vous n’avez pas affecté au remboursement de la dette, mais aux dépenses courantes.
Doit-on parler des autoroutes bradées par ce grand voyou de Villepin, un patrimoine payé par les Français à travers leurs impôts et les péages, qui rapportait 7% par an malgré des prix de péage acceptables, et dont le produit a été affecté officiellement (c’est à peu près impossible à vérifier) pour moitié au remboursement de la dette, pour moitié aux dépenses courantes ? Villepin a soldé un capital qui rapportait 7% pour rembourser la moitié d’une dette qui coûtait 3% par an, et en plus il est allé claquer l’autre moitié en cadeaux électoraux ! (capital qui doit bien rapporter du 8 ou 9% de nos jours vu l'explosion du prix des péages, et la diminution des frais de maintenance au détriment de la sécurité et du maintien de l'outil de travail)
Un chef d’entreprise qui gèrerait comme ça, on le mettrait au placard et un particulier, on le placerait sous curatelle.
2/ Quel rapport y-a-t-il entre une dette fondés sur des investissements à long terme, destinés à rapporter, à structurer et une dette liée à des dépenses de fonctionnement ? Quel ménage est le plus dans la mouise? Celui qui a une dette équivalente à 10 ans de son revenu parce qu’il achète un bien immobilier conséquent, ou celui qui n’a "que" 2 ans de ce revenu de dette, mais tous en crédits à la consommation ?
Or le moins que l’on puisse dire, c’est que si bien entendu il manque encore des choses, notre territoire, comparé à celui de 95% des pays, est aménagé. Il y a pour 99,9% des élèves une place à l’école, on a encore des hôpitaux (à ce rythme ça va changer: Sarkozy s’en occupe au profit de la Générale de Santé, par exemple), nos routes sont en bon état (on doit même avoir 400% du nombre de ronds-points nécessaires). Nos armées quoique poussives eu égard à ce qu’on leur demande sont autrement dissuasives (ne serait ce que par la force de frappe) que celle de l’Italie, de l’Allemagne et de bien d’autres pays au PIB égal ou supérieur, etc.
La dette publique brésilienne est inférieure en proportion que la dette française France et est pour l’essentiel "intérieure", rapatriée. Seulement il manque 2 millions de classes dans les écoles (on y fait les 3×5 dans des locaux immondes, sauf dans les boîtes privées très chères). Les routes sont dans un état effrayant, les aéroports saturés, les ports dans un état alarmant et comme il n’y a pas de chemin de fer, le coût du transport par camions est un élément de basse rentabilité. Des zones entières sont en sous-électrification voire pas électifiées. 60% des gens n’ont pas de raccordement à l’égout et 30% pas d’accès à l’eau potable au robinet. Faute de logements sociaux, le tiers des Brésiliens vivent dans une favela. D’accord d’année en année ça s’arrange, mais vous échangeriez les situations respectives pour avoir "moins de dette"?
3/ Nous sommes depuis 40 ans en situation de déficit (il n’est pas anodin en outre de constater que les "pics" correspondent peu ou prou aux moments des plus grandes recettes liées aux privatisations, quand de l’argent frais, du capital, rentrait).
Qui pense sérieusement que dans ces conditions, il est vital de revenir sous la barre des 3% en 2013 plutôt que 2014 voire 2016, surtout sachant que les deux premières hypothèses ont une crédibilité nulle? Trouver 6% de PIB en 18 à 24 mois, c’est soit augmenter taxes et impôts de façon telle que le malade mourra guéri par overdose de la potion, ou qu’il mourra d’inanition puisqu’on s’abstiendra de le nourrir.
Un plan de sortie en dix ans, avec effectivement plus de rigueur (mais à condition – et là c’est essentiel - qu’elle s’applique d’abord et avant tout à ceux qui peuvent la supporter*) c’est crédible. D'abord, présenter des lois de finance fondées sur des taux de croissance de 2,5% quand chacun sait que 1.5% ce serait déjà beau et que la récession est probable, c’est se foutre du monde.
* Liliane Bettencourt a cette année un taux d’imposition de 4% de ses revenus imposables… déjà très inférieurs à ses revenus réels. Merci pour elle.
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Et surtout revenir à une chose essentielle : le volontarisme politique. La politique ne se décrète pas plus à la corbeille que chez les gnomes de Francfort, ou chez Moodys.
benjamin.
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