(écrit pour prendre date)
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La gauche caviar est incorrigible dans la répétition de ses erreurs. Il faut dire qu'elle ne prend aucun risque: qui demanda jamais à des "philosophes", des chroniqueurs, des journalistes, de rendre des comptes sur les innombrables insanités proférées dans le passé par l'engence? Entendons-nous: sur le plan de la justice formelle, la chute probable de Kadhafi est évidemment une bonne nouvelle. Est ce que pour autant la situation du peuple libyen s'améliorera? Pas si sûr...
Ce qu'écrit Joffrin (grand défenseur de béhachel: toute secte se tient les coudes)
Extrait. Ils ont bonne mine, les prophètes de l'enlisement, les incrédules de la rébellion populaire, les prêcheurs de l'abstention démocratique ! Que n'a-t-on entendu de ces stratèges de l'échec ? Les rebelles ne valaient pas tripette, les aviations occidentales étaient à bout de souffle, la moitié au moins des tribus libyennes soutenaient Khadafi. Cette intervention décidée sur un coup de tête politicien et médiatique débouchait sur un inévitable fiasco. De quelle folie, ajoutait-on, nos dirigeants ont-ils été saisis ? Comment a-t-on pu se laisser entraîner à une décision aussi importante par un philosophe germanopratin, Bernard-Henri Lévy, qui ne cherche qu'émotion narcissique et publicité ? Ainsi, il fallait, au nom du réalisme, laisser écraser les insurgés de Benghazi ; ainsi il fallait, au nom de la froideur géopolitique, laisser en place Khadafi et son régime de corruption sanglante ; ainsi il fallait, au nom de l'éternelle raison des conservateurs, laisser la force l'emporter contre le droit... Eh bien ! Le philosophe courageux a eu raison contre les savants tièdes de la real-politik. Nicolas Sarkozy, dont la politique est par ailleurs si contestable, a senti la logique de la situation mieux que beaucoup de diplomates professionnels et fait preuve d'un réflexe salutaire. Le courage des rebelles libyens, allié à la sage détermination des démocraties, a fini par prévaloir. L'Ubu des sables passe à la trappe. On a raison de croire à la liberté.
Passons sur la conclusion du paragraphe. Oui, la liberté c'est bien, l'oppression c'est mal. Idem pour la santé face à la maladie, l'aisance face à la misère, etc. Quand un type intelligent sort une banalité, c'est qu'il manque d'arguments.
D'abord, ils furent peu nombreux, les prêcheurs de l'abstention démocratique (que Joffrin cite des noms!), s'il exista des personnalités guère suspectes de cynisme, dubitatives devant la méthode.
Est-ce-que tous les révulsés par le m'as-tu-vuisme d'un béhachel qui récidiva dans la mythomanie doivent être catalogués ennemi de la liberté, complices des génocidaires?
La prudence, forcément synonyme d'attentisme criminel? Doit-on rappeler le nombre d'appels à la révolte qui entraînèrent des massacres parce que leurs initiateurs se gardèrent ensuite d'intervenir? (Hongrois en 1956, Kurdes et Chiites irakiens en 1992, Bosniaques, etc.) Il fallait impérativement réunir une coalition conséquente et le travail d'un Juppé fut infiniment plus utile en cela que les gesticulations de béhachel.
D'autant plus que, n'en déplaise à Joffrin, Kadhafi avait des soutiens puissants - et pas que des mercenaires: ils sont peu à soutenir une cause perdue, ne serait-ce que parce qu'ils ne seront pas payés. Sinon, comment expliquer une résistance de cinq mois après un déluge de missiles qui anéantirent l'aviation, les radars, la défense sol-air, les systèmes de communication et malgré l'omni-présence des avions de l'OTAN puis d'hélicoptères? (volant en rase-motte, il faut être docteur en casuistique pour distinguer leur action de celle de troupes au sol... qu'on a fini par envoyer hors mandat de l'ONU: là encore c'est la diplomatie qui obtint l'attentisme des Russes et de la Chine; pas béhachel)
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La suite, maintenant? Le passé éclaire l'avenir et n'incite pas à l'optimisme. Un tyran est sans doute tombé mais la nature a horreur du vide et il faudra observer les prolongements de l'action des Européens, en première ligne. Rappelons la chute récente de Ben Ali, (après qu'une ministre de Sarkozy lui proposa le savoir faire mondialement reconnu de la France en matière de maintien de l'ordre)
Triomphe de la liberté selon Joffrin, assuré de manger chaque jour et de vivre dans un pays sûr. Liberté en Tunisie, qui va de pair avec une explosion de l'immigration de la misère malgré les dangers de la traversée (les morts recensés se comptent par centaines - bien davantage que Ben Ali n'en fit assassiner s'il entaula massivement). Et c'est là que ce situe la contradiction: après sa chute, quelle fut l'action de la gauche caviar pour que cette liberté bénéficie du suivi indispensable? Le Nouvel Observateur a-t-il, par exemple, offert des espaces à l'Office du Tourisme tunisien pour appeler les clients à revenir là où la sécurité était garantie? (à savoir dans 80% des sites). La France, l'Europe, ont-elles multiplié les accords de copération pour maintenir des emplois sur place? A-t-on proposé au nouveau gouvernement un appui distancié pour l'aider effectivement à maintenir l'ordre, cette fois dans le cadre républicain?
Au lieu de ça, rétablissement des clivages habituels avec la même hypocrisie. A droite, déferlement de haine xénophobe envers ces Arabes qu'il faut refouler sans état d'âme: on a l'habitude. A "gauche" on a également l'habitude: cris d'orfraie, appel à l'accueil tous azimuts - facile quand on n'attend pas un hébergement d'urgence, un emploi peu qualifié que ces immigrés sollicitent à tout prix en faisant du coup baisser les salaires, et quand le niveau de la classe des gamins ne baissera pas du fait de l'afflux de non francophones (on est prêt à mourir pour le peuple, en paroles - à vivre avec lui, c'est inconcevable).
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Et la Tunisie était un pays relativement homogène. Rien de tel avec la Libye qui, n'en déplaise à Joffrin, est effectivement un conglomérat de tribus du désert comme d'autres ethnies qui ne s'aiment pas trop - euphémisme. Avant même la victoire, le "CNT" a commencé de s'entre-déchirer. On s'y assassine et il est établi que certaines branches sont en lien étroit avec l'Aqmi, terroristes en guerre contre la France qui ont récupéré nombre d'armes fournies aux rebelles.
Je souhaite de tout coeur me tromper et si c'est le cas, je l'écrirai ici, sans restriction. Mais persiste et signe, si la liberté formelle reviendra peut être en Libye, je prévois des jours terribles pour les Libyens qui seront peut être amenés, d'ici quelques mois, à regretter l'immonde régime de Kadhafi tout comme une proportion grandissante de Tunisiens regrette la férule de Ben Ali (j'ai des contacts là-bas). De même que les Irakiens - Kurdes exceptés - épuisés par les attentats suicides, le marasme économique, la reconstruction qui traîne, se dit que finalement on vivait moins mal sous Saddam - ce qui devait d'ailleurs être le cas de 99,9% des gens pour peu qu'ils ne fassent pas de politique).
Il faudra que nos grand intellos s'en persuadent... surtout qu'ils en bénéficient plus que largement. Hors guerre d'agression où l'union nationale est impérative, la toute première liberté, c'est de pouvoir donner à manger à ses gosses, qu'ils aient un toit, une école, qu'on ne vive pas la peur au ventre quand ils y vont ou qu'ils en reviennent tant la rue est dangereuse. Se contenter des "libertés formelles", ne pas assurer ces contingences vulgaires une fois qu'elles sont rétablies, c'est assurer le retour d'un despotisme.
benjamin borghésio
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