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Point de départ de la réflexion: un dossier du Monde.fr: Faut-il réduire le recours à l'emprisonnement ?
Dans ce dossier, une contribution du responsable du Syndicat de la Magistrature, d'un député de la majorité qui joue son rôle de Réac obtus, et...
Un édito du Monde (extrait, l'intégralité est dans le dossier) .
[/...], une commission d'enquête parlementaire (majorité UMP) dressait un constat accablant de la situation des prisons françaises : "Une humiliation pour la République", concluait son rapport, resté dans les annales. En juin 2009, à nouveau, le président de la République avait solennellement sonné l'alarme : notre situation pénitentiaire est "une honte pour la République", [/...] Au 1er juillet, en effet, 73 320 personnes étaient placées sous écrou dans notre pays. Le chiffre - en augmentation de 50 % en dix ans - est un record absolu dans l'histoire de la pénitentiaire.
Le nombre de personnes sous écrou ne se confond pas avec celui des détenus ; 18 % des condamnés bénéficient d'un aménagement de peine, comme le bracelet électronique. [/...]
La cause de cette inflation pénitentiaire est simple : on emprisonne chaque jour davantage, et pour les délits de moins en moins graves. A cet égard, la responsabilité de l'actuel pouvoir exécutif, [/...] est lourde. L'empilement de lois alourdissant les peines, la dénonciation incessante du prétendu "laxisme" des juges, la pression constante exercée sur les parquets banalisent de plus en plus l'emprisonnement.
[/...] Les multiples enquêtes sur les magistrats de Nantes n'ont pas donné grand-chose, mais le message est passé. Les mises à exécution de peines d'un an à moins de trois ans ont augmenté de 50 % : dans le doute, les juges envoient désormais les petits délinquants en prison, où la situation était déjà intenable.
Il faut donc relever le courage** du procureur de Dunkerque qui a osé demander, récemment, la suspension des écrous pour les délits les moins graves pendant le mois d'août, avant d'être rappelé à l'ordre par la chancellerie.
"On nous dit que les prisons sont surpeuplées, écrivait Michel Foucault en 1971. Mais si c'était la population qui était suremprisonnée ?" La question est plus pertinente que jamais : il y avait, à l'époque, 29.500 personnes en prison ; elles sont aujourd'hui plus du double.
** Je ne vois pour ma part aucun courage là-dedans: pour cela il aurait fallu ne pas céder quitte à être sanctionné. Tout au plus une ouverture de parapluie destinée à se protéger en cas de vague de suicide faisant scandale, ou de mutineries généralisées. Sur le thème: "je l'avais bien dit"
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Et si, à propos de la politique pénale, on devenait enfin pragmatique? En de domaine, rien n'est pire que l'idéologie, qu'elle soit:
- "angéliste" - façon Jospin qui déclara, condescendant et protégé par ses gardes du corps, à des citoyens qui souffraient au quotidien de l'insécurité: "C'est la société qui est violente!"... on sait ce qui lui en coûta,
- ou "simpliste" : enfermez, enfermez, Dieu reconnaîtra les siens.
Il n'est pas douteux que la société fut toujours violente. A toutes les époques on a tué, violé, torturé des enfants, agressé, volé, etc. La vision d'une ère de paix et d'amour et d'une violence apparue avec la démocratie, le relâchement des moeurs consécutif à mai 1968 voire l'élection de Mitterrand (ça se lit!) est imbécile. Si on tient compte de l'accroissement de la population, la violence diminue même en valeur relative.
Cela dit... ce n'est pas une raison: les citoyens ont des exigences. Ils veulent plus de sécurité comme l'accès à l'emploi, un pouvoir d'achat amélioré, des soins plus accessibles, davantage de confort, moins de pollution, plus de loisirs, etc. On ne voit pas en quoi une caste protégée de l'insécurité (il suffit de voir ou et comment elle vit) leur dénierait ce droit et déciderait pour elle que ces exigences sont illégitimes.
Agiter Foucault à ce sujet, comme Le Monde, est outrageant. Ce type savait ce qu'il faisait: à cette époque, on pouvait écrire à peu près n'importe quoi... si c'était provocateur c'était forcément génial. En outre il se protégeait lui même: des poursuites à son encontre, justifiées et pas pour des délits d'opinion, auraient été interprétées comme une répression de l'Etat totalitaire; de ce fait tous les éléments "progressistes" auraient manifesté et pétitionné.
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Le peuple veut de la fermeté, que délinquants et criminels soient sévèrement sanctionnés et sauf à le dissoudre, on est obligé de l'écouter sur l'essentiel en démocratie - ce qui permet de disqualifier les auteurs d'outrances (comme ces abrutis qui réclament la peine de mort à peu près pour tout).
La question est de savoir si on fait de la fermeté une fin en soi ou si on veille à ce que la sanction protège la société en prévenant les récidives et la contamination. De reposer la sempiternelle question: est-il normal qu'après un séjour en prison, le petit délinquant ressorte souvent endurci et "professionnalisé", que l'illettré sans emploi ressorte illettré et sans perspective d'embauche, que la crasse, l'entassement, la drogue qui circule librement derrière les murs, le caïdat et toute cette sorte de choses font que ceux qui ont conservé conscience et dignité ont tous les risques de s'en voir délestés?
L'enfermement et ses palliatifs sont-il la seule sanction concevable quel que soit le délinquant? Les incarcérations doivent-elles être les mêmes quel que soit le profil du détenu? L'égalitarisme républicain carcéral (tout est relatif) ne coûte-t-il pas finalement plus cher, en termes budgétaires comme sur le plan du gâchis humain?
(suite demain)
benjamin borghésio
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