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Parlons de cette ineptie que représente le Charles de Gaulle, qui coûta une somme astronomique (avec d'innombrables dépassements) et des déboires lors de sa conception dont on ne se souvient que de quelques uns (sans compter ceux qui furent classés secret-défense):
- Une passerelle de commandement "aveugle": les vitres commandées, épaisses de 18 cm (protection anti-éclat) étaient opaques.
- Un pont trop court de quelques mètres qui empêchait la manoeuvre des avions radars embarqués. Il fallut ajouter une rustine.
- Une conception du réacteur "à l'économie" qui donne au bâtiment une vitesse de 28 noeuds soit... trois de moins que l'allure standard des flottilles de l'OTAN de fait ralenties quand elles incluent le CDG, ou qui l'obligent à naviguer en formation spécifique sans mutualisation de la bulle protectrice.
- Une erreur de conception dans le profilage des hélices: nous avons été la cible de l'hilarité mondiale quand l'une d'elles a cassé sans préavis au cours d'une sortie de "mise au point" (légendaire sortie d'un Chirac déprimé... "il flotte encore, c'est déjà ça").
- Une autre erreur de conception dans un chemin de transmission (ce n'est jamais qu'une grosse boîte de vitesse, identique sur un porte-avions nucléaire à ce qu'on trouve sur chaque gros bâtiment traditionnel, qu'on sait faire depuis les années trente) qui s'est rompu aussi, avec des mois de réparation à la clé.
La liste n'est pas exhaustive.
Tout cela pour avoir un porte avions disponible, dans le meilleur des cas, sept à huit mois par an (le reste, on procéde à la maintenance courante, aux grandes révisions et au rechargement du combustible)
Les faits sont têtus: compte tenu de nos moyens, deux plateformes à propulsion conventionnelle susceptibles de se relayer et de s'additionner à certains moments étaient plus adaptées que cette planche nucléaire surfacturée, mais techniquement au rabais. La providence fasse que nous n'ayons jamais besoin de projeter de manière impérative, dans l'intervalle "blanc"!
Force de projection dont nombre d'antimilitaristes inconditionnels nient la nécessité, ce qui est légitime. Sauf quand les mêmes réclament des intervention tous azimuts dans le monde entier : si on les écoutait, en plus de la Libye, de l'Afghanistan, de l'Afrique de l'ouest, du Liban, nous interviendrions en Syrie, en Somalie pour des motifs humanitaires, nous croiserions face à la Russie pour protéger le psychopathe Sakaatchvili et ils nous trouveraient d'autres "missions" ici ou là.
Ne nions pas la nécessité de disposer d'une force de projection crédible, ne serait-ce que pour ne pas avoir à s'en servir: "montrer toute sa force pour ne pas avoir à l'exercer". "Crédible". Et c'est là qu'apparait le peu de sérieux du Grand Charles, disponible à temps partiel et de manière très aléatoire.
On le voit avec son retour prochain à Toulon: une campagne aérienne "de santé" (la Libye fut débarrassée au préalable de sa défense anti-aérienne par une salve de Tomahawks: nous ne disposons toujours pas de l'équivalent et de ce fait nos interventions dépendent du bon vouloir des USA, sauf à prendre des risques notoires) et le bâtiment se retrouve indisponible pour des mois.
Imaginons que Dilma Roussef, prise d'un coup de folie**, envahisse la Guyane (sans aucun doute les Légionnaires rééditeront Camerone à Kourou, mais ça ne changera rien à la conclusion). Le Brésil aurait six mois pour la rendre inexpugnable et nous serions impuissants: personne n'imagine sérieusement que nous userions de notre force de frappe sur Rio ou São Paulo.
** hypothèse d'école à laquelle je ne souscris pas une seconde
Autre conséquence d'une intervention comme celle de Libye, présentée comme une promenade de santé destinée à faire tomber un dictateur haï de tous et impuissant, dont il se révèle - c'est paradoxal mais c'est ainsi - qu'il a de nombreux partisans motivés, qu'en face il n'y a pas que des "gentils à aider" mais une myriade de factions qui se combattent autant qu'elles combattent Kadhafi (cf. les assassinats réciproques) qui commettent des crimes de guerre, qui donnent des armes qu'on leur parachute à des terroristes (dont Al Aqmi qui détient des Français en otage et en a exécutés): loin de constituer un entraînement opérationnel, ce genre de guerre obère nos capacités de combat.
Nous avons utilisé en quelques semaines le stock de bombes et de munitions qui permettent un entraînement semestriel** et tout comme le CDG, les avions ont besoin d'une longue révision. De ce fait les équipages (pilotes et rampants) seront au chômage technique et un pilote qui ne vole pas perd très vite ses capacités opérationnelles: il faut apponter régulièrement pour le faire sans anicroche... Si dans quelques mois l'aéronavale doit affronter un vrai adversaire, elle le fera dans de très mauvaises conditions.
** on en arrive à utiliser les munitions d'entraînement en résine, qui détruisent les véhicules par la seule force de la pesanteur; au moins cela épargne en général les victimes collatérales.
En ces temps de disette budgétaire, il faut se poser la question de savoir si la France a les moyens - davantage que l'Allemagne dont l'économie est autrement puissante - de tenir son rôle de membre permanent du conseil de sécurité et d'intervenir tous azimuts.
Vingt heures de "Charles de Gaulle": c'est ce qui manque au SAMU social dont les crédits ont été réduits de 25%
Rappelons que si nous avons fait la première guerre du Golfe, les Allemands, les Japonais, les monarchies pétrolières et d'autres payaient cash. Qui est en première ligne sans assistance financière? Esentiellement La France, la Grande Bretagne, et l'Italie, des pays qui n'ont pas les moyens de leur politique - euphémisme.
A supposer que l'intervention devait s'opérer, n'était-il pas logique de rapatrier en contrepartie nos forces engagées en Afghanistan, pays où économiquement, culturellement, historiquement, stratégiquement nous n'avons rien à faire - sauf voir nos soldats abattus un par un dans une guerre que chacun sait perdue?
Qui trop embrasse mal étreint et la politique de défense de Sarkozy a de sérieux problèmes d'érection.
La politique militaire est à repenser en urgence: nous restons une puissance majeure pour assurer une diplomatie globale (défense de rire: où pesons-nous sérieusement depuis des années? Le Proche-Orient nous considère comment, bien que nous ayons des milliers d'hommes au Liban?) et dans ce cas il faut annoncer sans fard au contribuable qu'il faut payer,
ou nous acceptons le statut, pas infamant, de puissance régionale soucieuse avant tout de défendre ses intérêts (et notre force de frappe est là pour ça).
Il serait bon que dans ce domaine essentiel comme dans d'autres, il y ait débat.
Quelle était la priorité, par exemple, à effort de défense équivalent?
Un "Pentagone à la française" qui rapportera des milliards à Bouygues ou un second porte avions, même conventionnel, pour soulager le Grand Charles?
benjamin borghésio
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