Pourquoi Sarkozy n'a pas perdu les élections ? (2) - Ambiguïtés dans la fachosphère.

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Marine le Pen s'est engagée depuis deux ans dans une opération réalisée quasiment sans erreur: ne pas renier le vieux fond idéologique du front national -  xénophobie, haine de l'Autre surtout s'il est musulman, l'occultation du fond antisémite très présent chez papa, jeu sur la peur irrationnelle, l'excitation de ce que la nature humaine peut susciter comme sentiments les plus vils - mais en habillant le contenu d'un emballage plus séduisant.

Toujours bien

Devenu mal.

Prise de distance avec les dérapages à répétition du patriarche qui rendaient le FN infréquentable pour les partis appelés (parfois abusivement) 'républicains' (et qui s'en désolaient: "mais pourqui nous fait-il ça?"). On peut discuter et envisager des alliances de circonstance avec un parti qui propose de laisser mourir des gens faute de soins juste parce qu'ils sont étrangers, qui veut créer deux catégories de Français: les vrais et les "pas tout à fait" (les binationaux: cela exclurait la première dame, l'épouse du premier ministre, le ministre de la culture entre autres: la liste n'est pas exhaustive).

Mais parler avec un leader qui s'extasie sur "Durafour crématoire", sur les "chambres à gaz qui ne furent qu'un point de détail de l'histoire de la seconde guerre mondiale" (son second de l'époque, Gollnisch, frôlant le négationnisme en la matière), sur "Fabius qui rime avec anus", qui considére que "l'occupation ne fut pas si inhumaine que ça", que "la Gestapo a joué à maintes reprises un rôle pacificateur". ce n'était pas pensable.

Trait tiré sur le programme économique ultralibéral du FN (qu'on se gardait de mettre en exergue: bien malin qui pouvait le lire à l'époque pour le remplacer par un autre, plus social que moi tu meurs, qui n'a que le défaut de susciter l'hilarité mêlée de consternation chez qui que ce soit qui a ne serait ce qu'une once de bon sens. Oubliée, l'origine d'une partie de la fortune familiale avec cette maison de disques (cédée depuis) dont le fond était composé de chants nazis et SS.

 

L'apologie de la ségrégation, la remise en cause de l'AME, de la binationalité, du "cancer de l'assistanat" (quoique... Marine le Pen s'est dite choquée par les propos de Wauquiez), quelques allusions homophobes, l'islamophobie viscérale, ça passe d'autant mieux que sur ces sujets, le discours du FN est rigoureusement le même que celui de la Droite populaire et que cette dernière est désormais la seule qui soit audible au sein de l'UMP: même Fillon qui s'était démarqué relativement courageusement lors du débat sur l'identité nationale la rejoint à propos de la binationalité ... on aimerait savoir ce qu'en pense Pénélope voire leur progéniture, d'ailleurs (le courage chez Fillon est une denrée assez rare pour être souligné).

Quand des députés appartenant de plein droit à un parti "républicain" parlent comme le FN non seulement sans être démentis pas l'Elysée mais en étant directement télécommandés par le Président, actionné par le très droitier limite facho Patrick Buisson (ex journaliste de Minute et qui ne renie rien de ses origines), ce dernier acquiert une vraie légitimité. Plus l'UMP collait au FN pour tenter de lui siphonner ses électeurs, plus ce dernier devenait légitime selon le bon vieil adage qui veut que l'original est toujours préférable à la copie.

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C'était compter sans le retour du vieux facho, de Jean Marie le Pen

Là, il y a deux théories qui s'affrontent, et il est trop tôt pour savoir laquelle est la bonne (encore qu'elles peuvent s'additionner)

- Celle professée par François Mitterrand qui a toujours considéré le Pen comme un potache, sinistre certes mais pas plus que ça, un trublion qui n'eut jamais envie de gouverner - sauf peut être à un poste accessoire: "lui eut-on donné un secrétariat d'état aux anciens combattants, qu'il serait devenu sage" aurait-il dit. Pour lui le Pen était le pendant droitier de ces éternels étudiants attardés, qui serait demeuré à ces années de bringues et de bastons du temps de la Corpo de droit. Cette hypothèse est corroborée par nombre de déçus du FN qui soutiennent que vu le faible écart (déjà!) entre Chirac et lui en 1988, c'est le Pen qui aurait figuré au second tour sans les innombrables dérapages (chambres à gaz, etc.) De ce fait, c'est "le bruit et l'odeur des immigrés" de Chirac (infecte, mais pas du meme niveau) qui a emporté la décision - pour le premier tour du moins. 

- Le syndrome de Volpone. Jean Marie le Pen qui a perturbé la vie politique depuis un quart de siècle a beau aimer sa fille, il a beau l'avoir soutenue à bout de bras pour qu'elle lui succède (et ce ne fut pas évident: une partie de l'appareil n'appréciait pas le côté "fille de", divorcée en concubinage, avocate qui défendit des immigrés - elle ne faisait que respecter son serment -, dératiseuse du parti dont elle éliminait les fachos notoires comme les illuminés, les amoureux de la svastiska, des uniformes bruns, etc.), c'est dur de voir son héritière le dépasser, faire mieux que lui.

D'où les nouveaux "dérapages" instillés régulièrement qui rendront de nouveau le parti infréquentable pour ceux qui franchissaient le pas pour émettre un cri de rage devant les "zélites" qui les trahissent, sans pour autant être décidées à tout avaler.

Un journaliste, qualifié de youpin, se fait expulser et "un peu" tabasser lors d'un rassemblement du FN par un service d'ordre musclé? JM le Pen précise grassement que ça ne se voyait pas sur son nez, qu'il était juif: les efforts de Marine le Pen pour éradiquer le fond antisémite très présent au FN sont remis en cause.

Autre couche, quand la Présidente exclut un ou deux candidats FN pris en flagrant délit d'apologie du nazisme (salut hitlérien filmé, affiche de campagne dont le fond était composé par... une affiche ancienne des jeunesses hitlériennes). JM le Pen fait savoir que la Présidente "en vacances en Asie et mal informée" a sans doute pris une décision inconsidérée. Dans le genre vacherie... 

Le drame de Norvège. JM le Pen fait très fort, en évacuant d'emblée la responsabilité du tueur qualifié de pauvre fou. Les seuls fautifs sont les Norvégiens (petit pays fort sympahique au demeurant) qui n'ont pas pris la mesure des phénomènes migratoires. Bref, les coupables sont les Musulmans quand bourreau comme victimes sont de purs Aryens nordiques. Position intenable, répugnante.

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Que peut faire Marine le Pen contre les foucades de son géniteur?

Rien. Parce que sa légitimité n'est pas encore assise; parce que dans l'appareil la faction Gollnisch, bien plus facho canal historique tient pas mal de monde, parce que la fachosphère est à 90% mille fois plus extémiste que l'image qu'elle veut donner du FN.

Parce qu'il est dur de tuer le père, surtout dans ces milieux a priori légitimistes et que rien ne la prépare dans son parcours, à cela.

Parce que JM le Pen est bien plus qu'un vieux Président d'honneur du FN. C'est lui qui tient les cordons de la bourse (relativement remplie, depuis que le Paquebot a enfin trouvé preneur). Les donations  sont  faites à une association... quand ce n'est pas au Chef lui même. Et cette association est entièrement dans les mains du vieux, qui ne lâche l'oseille que quand il le veut bien, de préférence  sous forme de prêt remboursable sur récupération des subventions obtenues après les élections. Fifille, en théorie maîtresse chez elle, est en réalité sous curatelle.

Et contrairement au PS qui saute sur tout ce qui bouge et qui, au lieu de réfuter calmement les outrances lepénistes, se situe dans le registre du glapissement hystérique, l'UMP joue le coup finement, si ce n'est moralement (mais qui attend une once de moralité de la part des sarkozystes?). Elle se tait, laisse le FN s'enfoncer de lui même. A se demander même si elle ne "tiendrait pas" d'une manière ou d'une autre le Vieux pour qu'il agisse afin que l'étiage de Fifille redevienne acceptable (comme il semble qu'elle tiendrait des gens d'en face, quand on constate à quel point certains soutiens providentiels et miraculeux sont venus à point nommé de la part de personnalités "socialistes").

benjamin