Ou le soi-disant pouvoir "des gens"
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Elle est séduisante, cette idée de démocratie participative, de pouvoir rendu aux citoyens qui débattraient avant de décider de tout dans la concorde et la fraternité. En réalité, ce n'est qu'un grossier artifice, une arnaque intellectuelle.
La démocratie participative, c'est la vaseline avant de... mais au final, le résultat est le même.
Il n'est de démocratie que représentative, fondée sur des choix de projets et de personnes pour les porter, responsables de leur mise en oeuvre et jugées a posteriori sur leur bilan et leur aptitude à poursuivre ou non dans l'exercice de leurs fonctions à l'expiration de leur mandat.
La démocratie participative, c’est d'abord et avant tout le pouvoir des forts en gueule, de ceux qui manient la rhétorique et la dialectique avec brio et qui s'imposent face aux autres, moins bien armés en ces domaines. C'est utiliser des armes dont l'opposant est démuni: des nervis qui useraient de leur force voire de leurs armes? C'est à juste titre considéré comme un moyen totalitaire aux antipodes du débat démocratique. Mais utiliser la force du verbe pour retourner une assemblée, parfois en faisant rire aux dépens des contradicteurs, en les humiliant? C'est du sain débat, paraît-il.
La démocratie participative est aussi un moyen de diluer la prise de responsabilité en présentant ce que les dirigeants ont acté par avance avec l'habillage d'une simili concertation, ou en s'abstenant d'assumer des choix difficiles. Le politicien suit les masses, quand l'homme d'état tente de les entraîner.
Elle joue également un rôle d'exutoire: favoriser la mobilisation des groupies autour du Gourou. C'est ainsi que fonctionnèrent les sectes locales "désir d’avenir" de 2007 qui "travaillaient" de manière compulsive avant de "remonter les propositions" quelque part, là-haut. Les groupes D.A. ont grenouillé deux mois durant avant que "la candidate" présente un catalogue émanant soi-disant de ces échanges, sans dire quelles furent les méthodes de synthèse pour tirer la quintessence de ces débats éclatés, sans préciser si elle était en cohérence avec le programme du parti dont elle avait sollicité l'investiture.
C’était également le fonctionnement des PC staliniens: une parole libre dans les cellules, toute objection même iconoclaste y étant encouragée. Mais la transmission de cette parole ne pouvait s'opérer que vers le haut, vers la direction qui faisait ce qu’elle voulait des propositions de la base. Une transmission horizontale, pour coordonner diverses cellules, exposait à l’accusation de fractionnisme qui valait excommunication.
La démocratie représentative fondée sur un projet et (parfois) un bilan limite la dictature de l'émotion, les décisions hâtives après des événements traumatisants. Pour adopter une mesure, le filtre des consultations informelles ou institutionnelles, le "portage" de la proposition par l'exécutif ou une part conséquente du législatif, le vote par un Parlement bicamériste (même si on déplore la forfaiture que constitue le mode d'élection des sénateurs), le contrôle a posteriori de la constitutionnalité des lois, tout cela concourt à limiter les aberrations (sans les exclure: la responsabilité humaine existera toujours, fort heureusement) .
A l'opposé, dans les situations de crise, seul un pouvoir vraiment décisionnel sera apte à conduire les opérations: imagine-t-on, en cas de déclenchement du plan "risque majeur" quand une catastrophe déstructure la société dans ses fondements, un préfet voire un ministre discutaillant à l'infini devant une assemblée ou des jurys citoyens avant de définir l'urgence (selon des plans préétablis) et prendre dans l'intérêt général des mesures forcément impopulaires telles que le confinement ou l'évacuation massive de populations, un couvre-feu voire l'application d'une législation d'exception (état d'urgence) pour limiter les risques de pillage et d'agression - à condition évidemment que les modalités aient été définies auparavant? Il sera temps, après, d'exiger du pouvoir qu'il rende des comptes et de le sanctionner en cas de manquement.
La soi-disant démocratie directe et participative est également la dictature des majorités qui écrasent telle ou telle minorité au gré des intérêts du moment. La zone industrielle n'est pas implantée là où tous les indicateurs (commodités d'accès, prix du foncier, etc.) le commandent, mais là où elle dérangera le moins de gens qui ont la tchatche (voir plus haut, la dictature de la rhétorique). Idem pour les orientations budgétaires, chacun tirant la couverture à soi quand un pouvoir représentatif aura la capacité de dégager l'intérêt général même si ce dernier est décalé par rapport aux attentes du moment (sans pour autant que ce pouvoir ne soit autiste: les droits de grève, de pétition et de manifestation sont des indicateurs précieux qui permettent aux démocrates de discerner quand ils vont trop vite, trop loin, trop fort et on peut fort bien imaginer le renforcement du poids de ces indicateurs). En fin de mandat le pouvoir sera jugé sur l'ensemble de son oeuvre et sur le projet rénové qu'il portera.
La démocratie représentative tempère les égoïsme locaux ou de classe - je pense en particulier au syndrome pas dans mon jardin qui fait accepter les nuisances pour peu que d'autres en subissent les conséquences.
La lutte contre la prospection des gaz de schiste fut un cas d'école - qui a bien tourné. Au départ, une myriade de groupes fondés sur le refus de la fracturation hydraulique "chez nous". Il a fallu des semaines - mais on y est arrivé - avant qu'une forme d'union lutte pour un refus de cette saloperie sur l'ensemble du territoire (rappel: le combat n'est pas gagné). On évoquera à titre de contre-exemple ces "écolos" qui militent activement en faveur des énergies dites renouvelables tout en bataillant ferme contre les projets d'éoliennes - pour peu qu'elles soient dans leur champ de vision: là encore, la rhétorique offre des ressources insoupçonnées: on ne parle que d'intérêt général et vous n'entendrez jamais: "ces trucs devant chez moi, ça fera baisser la valeur de ma fermette". Intérêt général, oui pourvu que d'autres en assument les conséquences...
benjamin borghésio
PS. Suite à une erreur de programmation, un brouillon de cette note a été publié. Je présente toutes mes excuses.
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