Air France-KLM
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"Rassurer les Marchés"?
Comment calmer des paranoïaques en plein délire? Nous avons vu récemment comment "les marchés" pouvaient, au nom de je ne sais quel engouement, sur-valoriser un vendeur de vent comme facebook (prévisions: 100 milliards de dollars de capitalisation)
Là, autre démonstration a contrario. (source challenge.fr)
L’action Air France-KLM a terminé la séance de ce mardi 23 août à 5,976 euros (-2,02%). /... Si on regarde son parcours boursier depuis le 1er janvier, le plongeon est spectaculaire : - 51,6%.
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Une capitalisation de 1,79 milliard d'euros
Mais après la crise de 2008, le géant allemand avait vu à nouveau – comme Air France KLM - son titre dégringoler à un cours qui, pour le moment, reste inférieur à celui atteint ce mardi (10,68 euros). Du coup, le différentiel de capitalisation entre les deux géants européens a tendance à s’accroître. La valeur en bourse de Lufthansa reste tout juste inférieure à 5 milliards d’euros alors qu’Air France-Klm ne pèse plus que 1,79 milliard d’euros. A titre de comparaison, le prix catalogue de sept A380 équivaut à peu de choses près à cette somme.
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Il est normal que l'action dévisse. En période de crise, moins de gens partent en vacances et ceux qui le font évitent les destinations lointaines et coûteuses. Quant aux entreprises tentées de serrer les coûts, elles sous-classent fréquemment leurs salariés: les habitués de la Première se retrouvent en classe Affaires, les "Affaires" vont en "Eco" et d'autres troquent l'avion pour le train... et on requiert davantage à la visio-conférence. En outre le fret diminue du fait de la diminution des échanges.
Quant aux coûts... ils sont peu compressibles. Une compagnie aérienne emploie surtout un personnel qualifié et adapté à ses besoins, dont il n'est pas facile de se séparer car il manquerait cruellement en cas de reprise (il y a une myriade de bons pilotes disponibles; des pilotes francophones, beaucoup moins et de toute manière il faut des mois pour les qualifier sur les appareils et selon les procédures de chaque compagnie). Vendre une partie de la flotte? A qui, puisque le secteur est globalement en crise et que les compagnies n'achètent guère que des avions neufs qui assureront des coûts substantiellement moindres?
Le prix du kérosène collé aux cours du pétrole? Certes en période de crise il diminue, mais la dépense est déconnectée de la consommation. Soucieuses à juste titre d'avoir de la visibilité, les compagnies achètent à terme à un prix donné. C'est ainsi qu'en deux ans Air-France a gagné près d'un milliard d'euros avant, la troisième année, de perdre la moitié de cette somme. Les "Marchés" n'ont retenu que les pertes pour dévaloriser le titre; les gains ne l'avaient aucunement favorisé.
Imaginons le pire, la faillite, pas à exclure totalement, encore que si la Suisse a largué SWISSAIR et les USA la TWA, ces compagnies n'avaient pas la valeur symbolique d'Air-France, pionnière mondiale. Et la France a conservé une tradition fort heureuse de soutien à ses fleurons, qui leur permet de supporter les mauvaises passes.
Dans ce cas, on liquide les actifs. Or Air France possède en propre les A380 dont la valeur équivaut à sa capitalisation actuelle! A380, qui bien que ne sortant pas de la chaine, valent plus cher que des neufs. En effet, le délai d'acquisition est tel que des compagnies préféreront acheter un appareil récent que patienter deux ou trois ans (surtout que l'A380 est économivore). Notons qu'à côté de ces trois mastodontes, Air-France-KLM possède plus de 370 avions en excellent état et dont la plupart ne sont pas démodés. Que bien qu'elle ait allégé son parc immobilier, il lui reste des fleurons dont le siège de Roissy, des immeubles dans les beaux quartiers de Paris, aux Pays-bas, etc. Ajoutons la possession de segments de ligne très disputés vers des destinations émergentes comme le Brésil ou l'Orient, un savoir-faire reconnu, et il est plus qu'évident que les actifs OBJECTIFS sont infiniment plus élevés que l'estimation "des Marchés". Ajoutez à cela le facteur immatériel (le logo, le nom presque centenaire, le savoir-faire, la clientèle d'habitués, etc.) et il est évident que cette compagnie - peu endettée - est sous évaluée de façon grotesque.
Il y aurait certes le plan social à financer - mais une grande partie du personnel est "hors-sol" et de ce fait pas protégée comme les collègues français. En outre, la politique passée fit tailler les coûts sans état d'âme et une grande partie du métier est désormais dévolue à la sous traitance.
Qu'on fasse monter jusqu'au ciel des groupes sans utilité réelle, sans vraie valeur au moment même où on fait descendre en enfer des entités qui ont des biens propres considérables en plus d'un marché concret (même s'il y a des difficultés conjoncturelles), c'est de la crétinerie pure et simple. Mais c'est, au XXIe siècle, cette crétinerie qui gouverne le monde.
benjamin borghésio
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