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Rappelons que l'avion est le moyen de transport le plus sûr et que nul autre n'est davantage "sous tutelle" après un retour d'incident. Que malgré une rumeur persistante, les Airbus n'ont statistiquement pas plus d'accidents que les Boeing et que les enquêtes conduites par l'organisme du pays "victime" sont scrutées à la loupe dans le monde entier (si un Airbus d'une compagnie américaine se crashe aux USA, ce n'est pas le BEA qui investiguera mais les autorités fédérales de même que si Air-France perd un Boeing, c'est ce BEA qui aura une responsabilité majeure dans les investigations. Basta avec les théories complotistes)
Il n'empêche: cette enquête est un désastre d'abord parce qu'en terme de communication elle fut conduite avec une incompétence rare, ensuite parce que les parties (Airbus, Air-France, les syndicats de pilote - surtout le SNPL) ne jouent pas le jeu pour des raisons médiocres.
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Un incident récent - celui là sans conséquence grave - sur la liaison Paris- Caracas, le 21 juillet, donne de nouveaux éléments. (source la depeche.fr qui reprend un article du Figaro). L'avion a également traversé une zone de turbulences sévères qui l'a mis en difficulté. Le Bureau d'enquêtes et d'analyses (BEA) a ouvert une enquête.
Le scénario serait comparable à celui de l'AF 447 cette fois-ci sans victime, hormis deux blessés légers parmi le personnel navigant commercial. Selon le rapport d'incident, l'Airbus A 340 d'Air France volait à son niveau de croisière de 35.000 pieds, comme l'AF 447 et a traversé une "zone de turbulences sévères." L'avion a subi une forte variation de vent et s'est retrouvé en survitesse, ce qui a déclenché l'alarme overspeed . Le pilote automatique s'est déconnecté, comme sur l'AF 447, l'avion a pris une altitude inconsidérée de manière brutale et a perdu sa vitesse en se retrouvant à 205 nœuds (369 km/h).
"L'AF 447 a décroché à 202 nœuds, explique un pilote d'Air France. Notre appareil était donc à 3 nœuds (5,4 km/h) du décrochage." Et donc probablement de la catastrophe.
[[commentaire outrancier: si chaque décrochage entraînait une catastrophe, des avions pleuvraient chaque jour... surtout qu'à 35.000 pieds avec des données fiables, un décrochage se rattrape aisément]].
Cette fois, l'avion restera dans son domaine de vol bien qu'il ait évolué 71 nœuds (127 km/h) sous la vitesse minimale recommandée. Cet incident aidera à savoir s'il y a :
- un problème sur l'Airbus,
- ou s'il y a un problème de formation des équipages au pilotage manuel à haute altitude.
L'enquête s'attachera à comprendre pourquoi le pilote automatique s'est déconnecté, seul ou à la demande de l'équipage, et pourquoi l'appareil a pris autant d'altitude. Pour les pilotes d'Air France interrogés par Le Figaro, "le fait qu'un avion se mette à monter tout seul est un vrai problème pour Airbus". Hier, un porte-parole de la compagnie a assuré que « "l'accident de l'AF447 et cet incident constituent des événements de nature différente". il est déjà établi qu'il n'y eut cette fois aucun défaut des sondes de vitesse et que l'avion n'a pas évolué en mode dégradé. Toute la différence avec le Rio-Paris.
Les questions identiques à celles qui entourent le crash de l'A330 d'Air France de juin 2009 :
- pourquoi le pilotage automatique s'est désengagé ?
- Pourquoi l'Airbus a-t-il pris cette altitude ?
- Comment sont interprétées les alarmes d'Airbus en zone de turbulences ?
L'accident du vol Rio-Paris reste inexpliqué. Le givrage des sondes Thales mesurant la vitesse est une défaillance établie mais les enquêteurs ont toujours dit qu'elle ne pouvait expliquer à elle seule l'accident [[un accident aérien est presque toujours la conséquence d'un enchaînement de circonstances dont en principe il existe une solution pour chacune]]. Le BEA a également pointé une série de défaillances des pilotes. Air France a critiqué la fiabilité de l'alarme de décrochage de l'Airbus. Le BEA avait alors jugé "prématurée" une recommandation sur le fonctionnement de cette alarme.
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Ces articles sensationnalistes sont pernicieux, par la nature des (fausses) questions posées.
1 - Il est normal qu'un pilotage automatique se désengage en cas de situation anormale - ou alors on supprime les équipages et on procède à des vols automatisés! En revanche, l'état des commandes au moment de la déconnexion peut poser problème: il semble que sur Airbus on passe en poussée maximale - ce qui cabre l'avion, lui fait prendre une altitude pouvant le mener en zone de non portance quand sur Boeing l'appareil conserve sa vitesse initiale. Il y a peut être là un point à revoir: soit changer le modus operandi, soit conditionner les pilotes à la situation pour que leur premier réflexe soit de confirmer ou infirmer la poussée.
2 - Un décrochage n'est en rien une situation tragique, surtout à très haute altitude quand on a le temps et la marge pour récupérer une portance... quand du moins on a des indications fiables, ce qui manqua en partie aux pilotes d'AF447 qui en outre semblent avoir mal interprété les données parcellaires.
3 - Il y a une focalisation sur ces "zones de turbulence" habituelles dès qu'on s'approche de l'Equateur. La plupart du temps, l'équipage les contourne; il arrive qu'il choisisse après réflexion d'en traverser une - les indications des radars météo donnent des degrés de sévérité probables - et parfois, face à un "mur", il faut s'y résoudre. C'est pourquoi la consigne "attachez vos ceintures" est à suivre à la lettre même si 98 fois sur 100, on a l'impression qu'elle est dispensée abusivement. Et quand le commandant suggère aux hôtesses de s'harnacher, c'est que ça va vraiment secouer. Mais un long-courrier c'est solide, et ça encaisse ces secousses (plus que des passagers qui remplissent les sacs à dégueulis autant par appréhension statistiquement non justifiée que par inconfort). Les vols polaires offrent d'autres contraintes de même que les vols continentaux et pourtant les avions restent en l'air...
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Pour revenir à AF447.
La communication sur l'enquête fut à peu près ce qu'il y eut de pire, après un effort exceptionnel pour récupérer les boîtes noires. On pouvait choisir la discrétion jusqu'à remise d'un rapport substantiel ou la communication au fil du temps. Pour s'être situé dans l'intervalle, on a donné l'impression de cacher des éléments, d'où le développement de théories conspirationnistes. Les bandes sonores ont été tronquées - ce qui est normal: on a retiré les passages attentatoires à la dignité humaine pour ne conserver que les éléments strictement techniques: les pilotes sont des êtres humains qui se sont vus mourir, ce qui ne les empêcha pas d'être "techniques" de bout en bout s'ils commirent peut être des erreurs qui expliquent partiellement le drame. Mais faute d'explication, on a favorisé la thèse "censure".
Chacun y est allé de son corporatisme.
Air-France aurait sans doute pu changer les sondes pitot Thales, signalées comme génératrices d'incident (elles givraient facilement): Air-Caraïbes dont les zincs traversent également la ZIC avait procédé à cette opération.Lla compagnie s'est obstinée des semaines durant à nier l'évidence alors même que la défaillance de ces sondes n'est qu'une partie mineure du problème.
Airbus s'est arc-bouté sur une position rigide alors que sans être dramatiques, des incidents demandaient soit une modification soit une circulaire d'avertissement: l'alarme de décrochage se déclenchait de façon tellement intempestive que des équipages en arrivaient à ne pas en tenir compte. Il est possible sans qu'on en soit certain que les pilotes d'AF447 n'ait pas perçu dès le début de l'incident qu'il y avait bel et bien décrochage.
Les syndicats de pilote (surtout le SNPL qui boycotte l'enquête) posèrent comme postulat que l'équipage n'avait pu commettre d'erreurs. Or il y en eut une, de la part du commandant. Un vol Rio-Paris dure 11h et comporte habituellement trois phases qui requièrent une attention soutenue: décollage, traversée de la ZIC avec ses zones de turbulences et approche finale. Qu'il ait choisi sciemment de passer dans une perturbation que les autres appareils ont évitée, puis d'aller se reposer à ce moment interpelle (son temps de repos est obligatoire. Encore peut-il décider du moment et même si les autres pilotes sont compétents, pourquoi choisir celui-ci? sinon on remet en cause la notion même de commandement). Enfin, sans que cela soit certain, il semble que l'équipage confronté à une situation effrayante - la perte des données fiables - ait compris trop tardivement la réalité du décrochage.
Il y eut des centaines de morts, et des passagers montent dans ces avions - tout comme des équipages. Il est indispensable que les trois parties se remettent autour de la table. Et il faudra aussi vraisemblablement modifier le modus operandi du BEA.
benjamin borghésio (note mise en ligne après relecture pas un PNT)
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