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L'encadrement "militaire" des jeunes délinquants
Nicolas Sarkozy a visiblement évolué sur la question de l'encadrement militaire des mineurs délinquants. "Le gouvernement va reprendre cette proposition" (du rapport du député UMP Eric Ciotti) qui doit "permettre que les auteurs de délits puissent accomplir, pendant quelques mois, un service citoyen dans le cadre d'un établissement d'insertion de la défense", a déclaré ce 13 septembre le chef de l'Etat en visite dans le nouveau centre pénitentiaire de Réau (Seine-et-Marne)
Que disait Sarkozy (à juste titre) en 2007?
"Je suis parfois un peu étonné des propositions qu'elle fait. Si l'avenir des jeunes c'est d'être pris en mains par l'armée, pourquoi pas. Mais je ne le pense pas", avait-il estimé. Et d'ajouter: "Si on pense que la solution aux problèmes c'est de tenir des propos aussi incompétents, c'est son choix." (Source: l'Express).
On a assez dit tout le mal qu'on pensait de l'emploi abusif du mot "populisme" pour se permettre d'affirmer qu'on en a ici un exemple éclatant, que ce soit de la part de Royal qui se rengorge qu'on lui donne raison a posteriori - alors que ce n'était pas ce qu'elle énonçait à l'époque: elle parlait d'encadrement de type militaire, ce qui n'est pas la même chose - ou de Sarkozy qui reprend sans vergogne une idée qu'il combattit à juste titre avant de l'annexer parce qu'il la croit dans l'air du temps. (à gauche: le peuple tel que l'imaginent les populistes)
Le populisme, c'est reprendre à son compte des solutions simplistes qu'on sait inadaptées, parce qu'on s'imagine qu'elles plairont au peuple... quand on écoute ses réactions à l'emporte pièce. Or il y a un abîme entre ce que dit Mimile Duduche accoudé au bistrot devant son pastis en attendant les résultats du Rapido et Emile Dupont quand il est juré d'Assises (par exemple).
Il est évident que nombre de délinquants mineurs (et jeunes majeurs) ont besoin de retrouver voire de découvrir un cadre de vie structuré, avec des repères et une discipline: pour certains, ceux que Chevènement appelait à juste titre les sauvageons*, ils n'en ont jamais connus.
Soyez-sûrs que ceux qui nient l'évidence veillent à ce que leur progéniture évolue dans un tel cadre. Mais cette mission est du domaine de l'éducateur qui n'a pas vocation à être "permissif" - et l'armée est tout sauf adaptée à cette mission pour laquelle en plus elle n'est pas demandeuse, loin de là: le soldat est désormais un technicien qualifié et même la Légion opère une sélection stricte quand auparavant elle ramassait ceux qui se présentaient sans trop s'appesantir sur leur passé.
Faire du cadre militaire le substitut de l'éducation est à peu près aussi crétin qu'envoyer des Agrégés de Lettres crapahuter en Afghanistan.
Penchons-nous sur l'histoire en évacuant les poncifs. Ils existèrent, ces lieux d'encadrement militaire où on était envoyé pour faire son service dès lors qu'on avait fait une broutille dans sa jeunesse (je dis bien une broutille, sauf pour qui avait des relations): c'étaient les "bat's d'Afs" qui constituèrent parmi les survivants (parce que la mortalité y était conséquente) le plus grand vivier gisement de truands chevronnés, de maquereaux et de criminels. Toutes les grandes figures du banditisme français de l'époque sont passées par là: Boucheseiche, Attias, Guérini (pas ceux-là, quoique...), Pierrot le Fou, Charrère dit papillon, Spirito etc. sans compter les centaines de bras et demi-sels à leur services.
On n'attendait même pas l'âge de la conscription. L'idyllique Belle-Île recela des décennies durant une structure quasi concentrationnaire pour adolescents soumis, sous couvert de "discipline" au sadisme des codétenus et des gardiens soit psychopathes soit, pour la plupart, simplement incompétents et/ou indifférents. Là encore, on a constitué un vivier de criminels et de détraqués.
Alors si c'est cela qu'on veut pour notre société, dans le but d'un avantage électoral supposé à court terme, qu'on le dise. Mais qu'on ne prétende pas que ça règlera le vrai problème de la délinquance juvénile. Il est quand même dommage qu'entre l'angélisme bobo qui nie cette réalité (ce public n'est que très rarement victime des méfaits engendrés) et ces démagogues qui suent la haine et la bêtise, il soit quasiment impossible de faire entendre la voix de la raison.
* Littré. Arbre venu spontanément, dans les bois, dans les haies, de pepins ou de noyaux de fruits sauvages ; les rameaux en sont presque toujours armés d'épines, et les fruits ont trop d'âpreté pour être bons à manger.
Citation: Ce n'est pas qu'il y ait aucune de ces bonnes et nouvelles espèces qui ne soit originairement issue d'un sauvageon , BUFF. , 7e ép. nat. Oeuv. t. XII, p. 359Citation: Cultivés, protégés par vos secours propices, Ces jeunes sauvageons croîtront sous vos auspices , DELILLE , Hom. des ch. Var. et add. ch. IFig.Citation: Vous condamnez cette proposition-ci : l'homme d'esprit sait que les hommes sont ce qu'ils doivent être, que toute haine contre eux est injuste, qu'un sot porte des sottises comme un sauvageon porte des fruits amers ; ah ! sauvageons de l'école, vous persécutez un homme parce qu'il ne vous hait pas , VOLT. , Dict. phil. Homme.Sens 2 - Terme de jardinage. Tout arbre qui n'a pas été greffé, et qui peut servir de sujet pour la greffe.
Citation: J'avais un arbuste inutile Qui languissait dans mon canton, Un beau jardinier de la ville Vient de greffer mon sauvageon , VOLT. , Lett. en vers et en prose, 148
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