Bienheureuse politique à la fois xénophobe, ultrasécuritaire et néo-libérale...
Comment une politique d'abandon d'un service public de qualité, couplée à une répression imbécile et à des impératifs budgétaires à courte vue aboutit à des désastres sanitaires, humains, et au bout du compte, financiers.
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Une vingtaine de cas de tuberculose ont été dépistés cet été, y compris sur des enfants, dans le quartier pauvre du Chêne-Pointu à Clichy-sous-Bois (Seine-Saint-Denis), a annoncé mercredi l'agence régionale de santé (ARS) d'Ile-de-France.
Une trentaine d'infections tuberculiniques latentes ont également été découvertes, lors d'un dépistage organisé au cours de l'été. Un nouveau dépistage à plus grande échelle va être organisé dans le quartier entre le 28 septembre et le 14 octobre, selon l'ARS.
L'ensemble des habitants du quartier pourront faire ce dépistage, "gratuit" et "mené sur la base du volontariat", écrit l'ARS dans un communiqué. "La tuberculose se soigne aisément avec des antibiotiques adaptés", précise-t-elle.
La tuberculose est une maladie contagieuse, qui reste potentiellement grave, rappelle l'ARS. "Pour avoir des cas de tuberculose, il faut des contacts étroits et répétés, dans des milieux familiaux ou fermés, comme les écoles", a expliqué à l'AFP le Dr Laurent Chambaud, directeur de la santé publique à l'ARS d'Ile-de-France. "C'est aussi lié à des conditions sociales et d'habitat dégradées, c'est un marqueur de pauvreté sociale", a-t-il ajouté.
En 2009, il y a eu en France 5 276 cas déclarés de tuberculose. Les régions Ile-de-France (principalement la Seine-Saint-Denis et Paris) et Guyane sont les plus touchées. (source lemonde.fr)
Ajoutons que des cas de tuberculose sont également recensés dans les Hauts-deSeine, département le plus riche de france et en principe moins peuplé d'étrangers fraîchement débarqués que Paris.
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Quel rapport avec la politique néo-libérale?
Il y avait un truc qui s'appelait la médecine scolaire. Les enfants passaient une visite chaque année qui comprenait entre autre un test de dépistage contre la tuberculose (les personnes d'un certain âge se souviennnent de la cuti). Maladies contagieuses comme handicaps étaient régulièrement détectés (j'en sais quelque chose: c'est un médecin scolaire qui a découvert que j'étais malentendant; jusqu'à 12 ans, j'étais seulement un sale gosse toujours dans la Lune qui méritait des baffes parce qu'il n'écoutait pas; et un de mes copains a été sauvé d'une leucémie parce que ce médecin a eu de gros doutes... non, la "croissance" se suffisait pas à expliquer son état de fatigue permanent, comme le supposait le médecin de famille)
C'était ringard, cette médecine scolaire et en plus ça ne plaisait pas aux médecins de ville qui sont des prescripteurs d'opinion suffisament fort pour terroriser les politiques. Alors les "socialistes" comme la droite dure l'ont progressivement éradiquée. Salaires ridiculement bas (1.700 euros en début de carrière pour un médecin de plein exercice*) qui découragent les vocations, postes supprimés lors des départs, absence de recrutement, etc. Pour tout le Neuf-Cube, département le plus pauvre de l'hexagone qui en plus compte une grande proportion d'immigrés venus de pays où la politique de santé n'existe tout simplement pas, cent postes de médecins scolaires dont la moitié ne sont pas pourvus. De ce fait les certificats d'aptitude demandés avant une incription scolaire passent à la trappe ou sont rédigés par un médecin de ville:
- Docteur, c'est pour un certificat pour l'école.
- D'accord, son âge, son nom? (trente secondes de griffonnage)... Voilà, ça fait 22 euros (ou la carte vitale si le patient est à la CMU) Au revoir, personne suivante!
* (il faut dire qu'à côté de quelques vrais "militants" on a pas mal des gens, à ce prix, qui sont là parce qu'ils ne pourraient être ailleurs ou qui ne cherchent que des horaire stables et des journées pas trop remplies)
Accessoirement, les visites médicales dans le cadre scolaire permettaient de détecter - et donc de prévenir par dissuasion - des broutilles comme l'excision ou l'infibulation des gamines. On agite ces crimes contre l'enfance pour exalter la xénophobie, mais on se garde bien de les combattre.
En parallèle, fermeture des dispensaires de ville et on rappellera la première décision de l'ineffable Mattéi, nommé à la tête de la Croix Rouge Française en récompense de ses brillants états de service comme ministre de la Santé, lorsqu'il n'a pas jugé bon d'interrompre ses vacances pendant la canicule qui tua des milliers de personnes; qui s'est justifié a posteriori en expliquant que de toutes façon elle seraient pour la plupart mortes peu de temps après (pourtant lui comme son parti militent contre l'euthanasie... curieuse contradiction): le Sieur Mattéi, pour des raisons de rentabilité, a fermé ses dispensaires en banlieue; pas parce qu'ils perdaient de l'argent, mais parce qu'ils n'en rapportaient pas suffisamment.
En Guyane, c'est encore mieux: pour 80.000 enfants et jeunes scolarisés, il y a un seul médecin scolaire qui de ce fait est cantonné dans son bureau de Cayenne pour effectuer des tâches administratives. Les dispensaires de l'intérieur recevant chaque matin des dizaines de malades atteints de paludisme, de dengue, de gastro-entérites sévères avec forte déshydratation, les médecins submergés refusent de perdre leur temps avec les visites de prévention et même ce certificat purement virtuel d'aptitude et de non contagion n'est de facto plus distribué. Là encore, ce n'est pas un hasard si la tuberculose est endémique tout comme le SIDA voire des maladies vénériennes "traditionnelles" chez des adolescents mineurs... Sans compter des cas de lèpre ou de leishmaniose (le dépistage systématique de ces graves maladies qui permettait de détecter des dizaines de cas infantiles chaque année a été supprimé réccemment)
Pendant ce temps au Brésil (pour comparer), la bolsa familial donne une très modeste allocation aux familles sous condition de ressources, de fréquentation scolaire normale et de suivi de la santé des enfants dont les parents reçoivent chaque année un bon pour une visite gratuite et attentive dans un dispensaire. La tuberculose ne cesse de reculer et le SIDA est dépisté très tôt: les trithérapies fournies immédiatement limitent de ce fait sa propagation tout en donnant sa chance au malade. Enfin, la couverture vaccinale contre la fièvre jaune est meilleure à Belém (ville pauvre d'un état pauvre et rès désorganisé de la fédération brésilienne) qu'en Guyane française...
Quel rapport avec la politique xénophobe et ultra-sécuritaire?
Il est simple... La politique du chiffre, des quotas à atteindre à tout prix pousse les policiers à multiplier les contrôles dans tous les lieux susceptibles de recevoir des étrangers en situation irrégulière. De ce fait ces derniers ont peur d'aller se faire soigner ou de se rapprocher des instances de prévention (cass des prostituées raflées près des associations comme le Nid qui fournissent des conseils et des préservatifs). Je peux citer le témoignage d'un médecin éberlué par un magnifique cas de lèpre faciale sur un homme croisé dans la rue, qui lui suggérera d'aller se faire soigner d'urgence pour s'entendre répondre qu'il avait peur d'aller à l'hôpital.
Est-il excessif de suggérer qu'on fasse des lieux de soin une sorte de sanctuaire - un peu comme on pratiquait au Moyen-Âge avec les édifices religieux, dont les hospices? Non par humanité (ce serait trop demander de la part de certains politiciens) mais par souci de la contagion et pour des impératifs budgétaires? Quand vous restreignez l'accès aux soins par le biais de la limitation de l'AME voire de la CMU, la mauvaise toux qui passera tout seul (voire, espère-t-on, avec un sirop acheté sans ordonnance) peut se révéler une saloperie de tuberculose qui contaminera une vingtaine de personnes avant d'être enfin détectée. Et qui, comme elle se sera aggravée, sera de toute manière beaucoup plus chère à soigner.
benjamin borghésio
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