Femme d'Etat? Non : politicienne opportuniste.
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Aubry est intelligente, bosseuse et capable d'avaler des dossiers ardus. Donc quand elle promet une "sortie totale du nucléaire après une réduction impérative de sa part à 50% en quinze ans si elle est élue" sans ajouter: "mais pour cela je n'ai que de la sueur, du sang et des larmes à vous promettre", elle se moque du monde. Cavalant après son concurrent pour les primaires, elle tente un coup pour que les sympathisants verts votent pour elle aux primaires. Rien de plus. Sur ce dossier, Royal étalait une incompétence rare (note précédente) et Aubry fait preuve d'une démagogie éhontée.
Nous n'avons pas à juger la position allemande, résultante d'une forte pression de l'opinion: charbonnier est maître chez lui et justement, les charbonniers seront à la fête puisque l'exploitation de la lignite - le summum des dégats environnementaux et de la pollution atmosphérique, sauf à lutter contre cette dernière en engageant des investissements monstrueux* - est remise en selle, de même que l'acquisition de dizaines de centrales à gaz (entre charbon, lignite et gaz... bravo pour les rejets de C02 considérés par les écolos sérieux comme le mal absolu).
Un point positif toutefois dans le programme allemand: un énorme plan d'économies d'énergie, pour respecter l'adage de simple bon sens qui veut que l'énergie la moins chère et la moins polluante est celle qu'on ne consomme pas (concept de Négawatt).
* en piégeant le CO2 selon des techniques d'une part controversées, d'autre part à mettre au point.
Les Allemands ont un effort bien moindre à fournir que nous devrions le faire: la part du nucléaire dans leur production d'électricité est d'environ 1/4 quand chez nous elle est de 3/4. Sortir rapidement du nucléaire tout comme produire 25% d'électricité autrement en 15 ans, ça veut dire créer de très nombreuses unités de production d'énergie (même si on intègre un plan inouï d'économies... ce qu'Aubry ne détaille pas) en un délai ridicule - tout en entreprenant le démantèlement des dizaines de centrales existantes (ou on le fait relativement vite et la dépense sera pharamineuse ou on attend en les maintenant sous surveillance et ça coûtera très cher en plus de conserver le danger supposé, des décennies durant. Pile je perds, face tu gagnes).
Il faut cesser d'enfumer les Français. Une sortie du nucléaire à court terme - l'exemple allemand le démontre - aurait des conséquences difficiles à surmonter si rien n'est impossible.
- Un renchérissement colossal du coût de l'électricité. Il suffit de voir à quel prix on l'achète aux producteurs d'énergies dites renouvelables pour comprendre que notre facture fera un bond énorme. les Allemands s'y préparent et pourtant leur électricité est déjà plus chère que la nôtre.
- Les énergies dites renouvelables - pour l'essentiel vent et force de l'eau (cours d'eau, marées) sont par nature intermittentes. Il faudra donc prévoir des moyens de pallier aux carences (ce que les Allemands ont intégré) en achetant de nombreuses centrales à flamme (gaz pour l'essentiel). Très gros investissement, et ensuite accroissement du déficit déjà considérable de notre balance commerciale - sauf à exploiter le gaz de schiste dont chacun s'accorde pour dire que c'est une saloperie absolue: l'appel d'air en sa faveur sera irrésistible et le relatif consensus gauche-droite qui permet de s'y opposer volera en éclat.
- Tout le monde ou presque est en faveur de ces énergies... sauf quand c'est chez lui. Il est impossible d'installer des éoliennes sans que ça pétitionne à tout va, chaque projet de barrage déclenche une levée de boucliers et même les panneaux solaires, on n'en veut pas là où ils seraient les plus efficaces parce qu'ils dénatureraient l'environnement urbain. Ensuite la multiplication des points de production, leur connexion au réseau nécessiteront un développement filaire ahurissant et onéreux.
- Quelle est la cohérence quand on soutient d'un côté la recherche visant au développement de la voiture électrique (consensus là-dessus) et qu'en parallèle on se prépare à un rationnement de facto et un renchérissement sans précédent de l'électricité?
A l'instar des Verts qui surfent sur la peur d'une manière obscène (après Fukushima, on avait l'impression que Duflot sablait quotidiennement le champagne), Aubry évoque le danger du nucléaire sans le mettre en perspective. Personne ne niera que le risque nul n'existe pas et qu'après Three Mille Island, Tchernobyl et Fukushima, une autre catastrophe surviendra un jour - que nous espérons le plus tardif possible, avec un impact limité par l'accroissement des mesures de protection.Tout comme un des grands barrages de montagne français peut céder, tuant des centaines de milliers de personnes.
Mais quid du danger lié à la pollution provoquée par gaz, hydrocarbures et charbon qui tue bien davantage que le nucléaire ne tuera jamais? A São-Paulo, l'espérance de vie des habitants est réduite de six ans au moins à cause de cette pollution et si la Chine était un pays démocratique et transparent, nul doute qu'on apprendrait que c'est pire à Pékin ou Shangai - et que dire de Mexico, Lagos et Nairobi? A-t-on idée des conditions de vie dans le Golfe de Guinée? Croit-on sérieusement que les mineurs des grands pays exportateurs (Chine au premier rang) vivent dignement, sûrement, avec une santé préservée? Nous sommes là dans le domaine de l'irrationnel comme quand on se focalise des mois durant sur une catastrophe aérienne qui a tué 227 personnes en oubliant que c'est peu ou prou le nombre de gens qui perdent la vie chaque jour sur les routes de l'UE.
Le débat sur une éventuelle sortie anticipée du nucléaire doit avoir lieu: c'est une exigence démocratique. Mais pour qu'il soit démocratique, justement, il faut être intellectuellement honnête. En l'état actuel des connaissances, les seuls moyens de substitution à la disposition de l'humanité sont:
- un recours massif aux énergies alternatives, mais dans ce cas on doit poser sur la table le renchérissement considérable des coûts, l'aspect relativement aléatoire de l'approvisionnement, l'acceptation d'une modification considérable de notre cadre de vie
et/ou...
- le recours au gaz et au charbon par développement de centrales thermiques de fond et de pointe, avec pour corollaire un accroissement de la dépendance vis-à-vis de l'étranger, de la pollution tant sur les lieux de production d'électricité que sur les lieux d'extraction (déportation égoïste des nuisances vers le tiers-monde et les pays émergents)
et dans chaque cas (comme d'ailleurs dans la situation présente:
en engageant avant tout un ambitieux programme de réduction de la dépense énergétique. Là encore c'est mal engagé parce que dès qu'on évoque une mesure concrète c'est une levée de bouclier immédiate. Se priver de climatiseurs? impossible (on se demande bien comment on faisait il y a vingt ans). Adopter des ampoules à basse consommation? Inacceptable (en invoquant de supposés dangers pour la santé) Trier ses déchets, "Ils" nous emm... avec leurs conneries!
Il n'est question ni de droite, ni de gauche. Tout dirigeant qui s'affranchit de ces précautions oratoires n'est qu'un démagogue. Si le peuple français veut s'affranchir du nucléaire, il en a le droit souverain. Mais sans qu'on l'enfume, qu'on lui fasse miroiter un avenir radieux pour orienter sa décision.
benjamin borghésio
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