Qui ne cesse de s'accroître par le nombre de gens concernés comme par son intensité.
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C'est la honte de la politique française que ce problème ne soit traité par les grands partis qu'aux marges. Parce que la plupart des très pauvres, des exclus ne votent pas ou plus tellement ils sont désinsérés (s'ils furent un jour citoyens), tant voter est au delà de leurs préocupations. On leur parle du mariage des homos, de la prostitution à légaliser ou non, du cannabis à dépénaliser ou dont il faut sanctionner plus durement la consommation, du budget de la culture à sanctuariser voire augmenter ... et "toute cette sorte de choses". Pas de leur bouffe au quotidien alors qu'ils en sont là.
Que la direction de l'UMP qui sert la bande du Fouquet's se désintéresse de cette évolution dramatique, c'est normal. Elle est dans son rôle (la direction; des gens que cela bouleverse votent à droite). A "gauche" en revanche, on a noté entre autres le récent rapport de Terra Nova, clair dans son cynisme. En substance: cet électorat est perdu, concentrons nous sur les classes moyennes pour gagner les élections.
Le PS, principale force d'opposition, sort de son université d'été. Au delà du discours normal (une opposition est là pour s'opposer et quand l'UMP se scandalise d'être taclée, elle joue la "putain pudibonde"), hors les positionnements tactiques, au delà des banalités, quelles furent les propositions fortes et crédibles pour lutter contre ce qui devait être LA priorité?
Décembre 2006. Nicolas Sarkozy : "Je veux que d'ici à deux ans, plus personne ne soit obligé de dormir sur le trottoir. Parce que le droit à l'hébergement, c'est une obligation humaine".
Paris, juillet 2011. Des centaines de familles sont contraintes de trouver refuge dans les services d'urgence des hôpitaux déjà débordés. Xavier Emmanuelli, fondateur du Samu social, jette l'éponge après 18 ans de service.
Ne reprochons pas cette promesse non tenue à Sarkozy... Parce qu'elle était intenable comme le savent les acteurs de terrain. Car si la question budgétaire est fondamentale, elle n'est qu'une partie du problème. Tout au plus parlera-t-on de démagogie voire d'incompétence (être maire de Neuilly ne prédisposait pas à se colleter à ce problème).
Mais pousser le bouchon jusqu'à réduire de 25% le budget du SAMU social quand le nombre de SDF et de miséreux croît de façon exponentielle au moment où la "réforme" de l'ISF et du bouclier coûtent 2 milliards à l'Etat! Il y a là un cynisme qui confine à la férocité.
Selon l'INSSE, le taux de personnes en dessous du seuil de pauvreté a augmenté de 0,5% pour s'établir à 13,5% de la population en 2009 (il est évident que depuis, la situation s'est aggravée) et on compte 10% de travailleurs pauvres dont beaucoup sont SDF.
2009 est "vraiment la première année pleine où se ressentent les effets de la crise" amorcée en 2008, a commenté Jean-Louis Lhéritier, /... à l'Insee. Pourtant, "malgré la crise, l'évolution du niveau de vie médian est restée positive", a-t-il souligné: la moitié des Français vivait avec moins de 19.080 euros par an (1.590 euros par mois), en hausse de 0,4% par rapport à 2008.
Cette progression est toutefois restée très limitée, après une hausse de 1,7% entre 2007 et 2008 /... Ainsi, si cette dernière a "touché tous les ménages, elle a davantage affecté les plus modestes", a-t-il ajouté, ce qui creuse encore les inégalités.
Analysons ces statistiques et distinguons l'indice général qui correspond à un consommateur virtuel, d'un indice qui reste à établir: celui de la vie quotidienne. Additionnez le loyer, la fiscalité locale, la nourriture, l'énergie et les transports, le téléphone portable devenu indispensable pour tous les travailleurs précaires - soit 95% des dépenses des ménages pauvres - vous obtenez une hausse annuelle de 4 à 6% depuis six ans environ.
Le pouvoir d'achat "moyen" augmente un peu mais comme celui des plus favorisés augmente énormément, celui du bas de l'échelle diminue. Vendredi, Raymond Soubie, ex conseiller social de Sarkozy a reconnu une "contraction" de 2% par an pour cette catégorie, "depuis quelques temps" (C dans l'Air)
Les retraites de base, les minimas sociaux et le SMIC étant calés sur l'indice officiel qui prend en compte les biens manufacturés, les dépenses de loisirs, des services pas indispensables comme les transports aériens, etc. qui le tirent vers le bas, le décalage est patent. Ceux qui peuvent changer de tablette ou d'appareil photo chaque année sont ravis: leur prix baisse constamment. Mais la maman isolé caissière à temps partiel voit exploser ses dépenses alimentaires.
On ne meurt pas encore de faim en France mais ils ne sont plus rares, ces chariots poussés dans les hard discount avec un gros sac de riz, 20 boîtes de sardines en promotion et 60 oeufs. Mangez cinq fruits et légumes par jour, dans ces conditions... Il ne sont pas non plus rares, ces privilégiés relatifs (dont votre serviteur) qui se donnent bonne conscience en faisant un don associatif ou en aidant directement son prochain. Mais là encore, les statistiques sont formelles: les pauvres sont les plus généreux... alors même que celui qui est "assez riche" pour payer l'impôt sur le revenu (50% des contribuables) est subventionné de 66% sur ses dons (comme votre serviteur).
Pour des millions de gens dont des salariés, il faut choisir entre se soigner (hors l'urgence absolue) et nourrir ou vêtir les gosses - et l'hiver il fait rarement plus de 12° dans l'appartement. On se fait arracher une dent malade parce que le tiers payant pour une prothèse est hors d'atteinte, et tant pis si on augmente les facteurs d'exclusion par l'esthétique.
Les associations de solidarité sont formelles. Outre le public habituel des handicapés sociaux, des chômeurs en fin de droit, des titulaires du RSA, des retraités miséreux, on voit désormais se presser aux banques alimentaires des salariés à plein temps, des étudiants, des commerçants, des artisans, des auto-entrepreneurs... dont beaucoup, amer retour des choses dont personne ne se réjouira, n'avaient pas de mots assez durs il y peu, contre les assistés. Les fins de marché avec leurs glaneurs serrent le coeur, tout comme ces employés licenciés pour avoir récupéré une caissette de fruits avariés, voire trois bons de réduction.
Alors parler avec componction de la nourriture bio, des loisirs intelligents, de la culture, etc. à ces gens, c'est marcher sur la tête. Comment, dans ces conditions, imaginer que le discours politique les séduira?
On parle du décalage entre ce discours et les préoccupations "des gens" - ces derniers s'exprimant encore, le plus souvent pour râler (à juste titre) et qu'on feint d'écouter. Quid des vrais exclus, invisibles et muets?
Sur cette question fondamentale, on fera la différence entre le politicien qui suivra ses électeurs et l'homme d'état qui prendra l'intérêt général en compte.
benjamin borghésio
Précision "technique". Un ménage avec deux enfants sort de la pauvreté telle qu'elle est définie quand la totalité de ses revenus dépasse 1900 euros net (environ). S'il n'a pas accès à un logement social, il croupit souvent dans un appartement considéré comme trop insalubre pour qu'il ait droit aux allocations logement... payant un loyer et des dépenses de chauffage astronomiques. Les statistiques ne prennent pas en compte l'hétérogénéité des situations (propriétaire, loyer plus ou moins élevé, lopin de terre et poulailler, etc. idem, les célibataires qui ont des dépenses incompressibles sont défavorisés: vivre seul avec 950 euros quand on n'est pas hébergé à titre gratuit est quasiment impossible)
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