_____________________________
Sur le fond.
Faut-il se battre pied à pied pour conserver une position déjà perdue de facto? La défense du AAA français s'apparente à la situation de juin 1940, quand nous résistions encore héroïquement sur la ligne Maginot alors que la Wehrmacht passait la Loire. Le récent lapsus de S&P qui annonçait la dégradation est révélateur. Ou la version officielle - un communiqué envoyé par erreur - est exacte et dans ce cas on se demande pourquoi il était pré-rédigé s'il n'est pas d'actualité, ou elle est fausse et le barnum qui en résulta montre la fragilité de la position française.
La nécessité invoquée de conserver ce Graal de la finance pour continuer d'emprunter à un prix raisonnable est démentie par les faits: nous payons déjà nos emprunts deux fois plus cher que les Allemands - et le différentiel ne fait que s'accroître (a contrario la dégradation des USA n'a pas renchéri le coût de leur dette!). Bref, "les marchés" se moquent de la note: ils ont jugé par eux mêmes.
Sur le strict plan de l'orthodoxie, ils ont raison. La condescendance manifestée par la France vis à vis de l'Italie est hors de propos. Certes l'Italie est davantage endettée que nous (120% de son PIB) mais...
- Les Italiens - comme les Allemands - n'ont pas les énormes charges militaires imposées par le titre de membre permanent au conseil de sécurité. En outre, la France est un des pays les plus gaspilleurs en ce domaine si on en juge par des programmes aussi absurdes que le Rafale. Ce facteur compte facilement pour 1,5 à 2% de part de PIB, et il faudra s'interroger sur la pertinence de cette propension à la Grandeur.
- La majeure partie de la dette publique italienne est aux mains... des foyers Italiens. De ce fait elle est moins liée que la notre à l'hystérie financière. La croissance de celle-ci est très limitée (quasiment stable même) alors que la notre a explosé au cours des dix dernières années - et à un rythme inégalé sous le quinquennat Sarkozy.
- L'industrie italienne a conservé des fleurons quand la notre, faute de soutien public et par l'incompétence de notre patronat n'est plus que l'ombre de ce qu'elle était. De ce fait la balance commerciale est dans un moins mauvais état que la notre quand, comme pour la France, la balance des paiements limite le déficit (l'Italie est également un pays à très grande vocation touristique... L'Allemagne perd des dizaines de milliards d'euros par l'exode de leurs citoyens prenant leurs vacances à l'étranger).
- Le budget primaire (sans la charge de la dette) est en équilibre; le notre est déficitaire.
- Si d'aventure (rêvons...) un gouvernement italien parvenait à intégrer l'économie souterraine et à faire payer à chacun les impôts et taxes dues, à éradiquer les mafias, c'est au bas mot cent à cent cinquante milliards d'euros qui abonderaient les caisses publiques sans besoin de nouveaux impôts. En France il y a une évaporation consistante et scandaleuse, mais pas de ce niveau.
Dans ces conditions, voir la France faire preuve de condescendance vis-à-vis de l'Italie et se poser en garante d'un surréaliste FESF destiné à lui venir en aide à hauteur de dizaines voire de centaines de milliards d'euros porterait à l'hilarité si le sujet prêtait à rire (si des spéculateurs ou des actionnaires gagnent moins que prévu, ce n'est pas grave. Mais savoir que ce sont les retraités, les salariés, les travailleurs indépendants, les chômeurs, les exclus qui règleront la note au nom des "sacrifices" et des "nécessaires réformes", cela interpelle)
Sur la forme.
L'action et le discours du pouvoir sont pathétiques et ne donnent pas le change une seconde. Sarkozy a fait le choix de l'orthodoxie monétaire et nous la joue du sang, de la sueur et des larmes - en foi de quoi il agit d'une manière qui le décrédibilise totalement.
Déjà, par la présentation successive de ses ajustements budgétaires mensongers, sur une base surréaliste. Un point de départ fondé sur une croissance de 2% quand les plus optimistes espérent 1%. Un collectif basé sur une croissance ramenée à 1% quand toute personne quelque peu sérieuse signerait de suite pour une garantie de 0% (pas de récession, alors qu'elle est vraisemblable). Ajoutons à cela le besoin irrépressible de donner toujours plus de gages à ses mandants avec par exemple la disparition subreptice de la taxe sur les nuitées dans les hôtels de luxe au moment où on augmente la TVA sur des produits de consommation courante. Le message est "fort" et pour emporter l'adhésion d'un peuple, on fait mieux que de favoriser systématiquement les mieux lotis à chaque fois qu'on lui demande plus de sacrifices.
Les rodomontades perpétuelles qui feront de Sarkozy un Berlusconi dont les gens sérieux ricaneront face aux caméras du monde entier (chacun son tour). Lors du dernier G20, nous avons ainsi reçu une liste réactualisée (et abondée) des paradis fiscaux que notre leader maximo avait présentés en 2008 comme éradiqués. Nous avons appris que la taxe sur les transactions financières était sur les rails, (cette taxe qui faisait ricaner Sarkozy et Lagarde qui la trouvaient inopportune en 2008). En foi de quoi le G20 n'a accouché que d'une vague résolution qui indique l'intérêt de soulever cette question, ce qui, en matière diplomatique, signifie: "cause toujours". Compte tenu du veto anglais, irlandais et du congrès américain, cette taxe ne verra pas le jour sauf peut être sous une forme assez édulcorée pour être inopérante. Idem, les gesticulations à usage interne vis-à-vis des salariés qui se mettent en arrêt maladie associées au refus obstiné de lutter contre les vraies fraudes et évasions fiscales ne trompe personne (il est vrai que quand le trésorier de l'UMP quête des fonds en Suisse, c'est révélateur)
La répétition mensongère de la promesse de ne pas augmenter les impôts. Par le non relèvement des tranches de l'IRPP, ce dernier augmentera bel et bien de 2 à 6% par an selon les catégories et d'aucuns qui n'y étaient pas assujettis le deviendront. Idem, quand on rabote des niches fiscales, au bout du compte le contribuable paye davantage. Entendons-nous: il n'est pas illégitime de demander à qui en a les moyens de contribuer à une entreprise de redressement national (si c'était fait de manière équitable, ce qui n'est pas le cas), mais c'est à la fois malhonnête et imbécile de nier cette augmentation.
Les trémolos de Pécresse et Compagnie, qui appellent quasiment à fusiller un Attali, accusé d'être un traitre à la Nation: le AAA serait menacé par ses "prévisions irresponsables" (il ne fait que dire ce que chacun sait: la France sera "dégradée", on se demande simplement quand - et si vraiment son rang dépend de l'opinion d'un type qui ne représente que lui, c'est qu'elle est au plus mal).
Les invectives vis à vis de Hollande, concurrent "officiel" qui s'est pourtant engagé sur la course à l'échalote de l'orthodoxie. Sa possible victoire affolerait les marchés? Outre que cela démontre que Sarkozy part battu (mauvais signe pour son camp), c'est peu crédible, le modèle de Hollande ayant été un Zapatero esclave des "marchés". En outre, faire de notre pays une dictature bananière dans laquelle l'idée même d'alternance seait insupportable quand bien même l'alternative ne remet rien de fondamental en cause donne une image à la fois nauséabonde et fort peu porter à rassurer la finance: quid d'une alternance refusée avec les troubles, voire le terrorisme que cela engendrerait?
*********************************
Quitte à nous la jouer sang, sueur et larmes, puisqu'il se situe dans la logique de la soumission veule à la finance, Sarkozy et ses séides n'avaient qu'une attitude à tenir... un plan churchillien avec par exemple une hausse massive de la CSG, de la TVA, etc.
Bref, une décision à la Joffre (la Retraite de 1914, pire souvenir des rares Poilus qui ont eu la chance de survivre à toute la Grande Guerre), prélude à la victoire de la Marne. Sarkozy préfère des replis tactiques, façon 7ème Compagnie en juin 1940. Comment les marchés peuvent prendre ce type, son gouvernement et sa majorité au sérieux?
Il va sans dire - mais encore mieux en le disant - que l'auteur n'est pas en faveur de cette logique de défense obtue: il ne pense pas qu'il faut se couler dans un système qui montre se slimites, mais qu'il faut en changer.
benjamin borghésio.
Les commentaires récents