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Titre volontairement provocateur, qui a la prétention de remettre certaines données en perpsective quand le ministre de l'économie de Berlin se permet de lancer avec une arrogance inimaginable:
- Désormais, l'Europe parle allemand!
D'accord, c'était il y a soixante-six ans... Il n'empêche: si un pays ne peut pas se permettre de parler comme cela, c'est l'Allemagne... Cela dit sans hargne, mais avec résolution.
Les Teutons sont-ils fondés à être aussi arrogants, à se définir comme les fourmis travailleuses entourées de cigales paresseuses? A gloser sur une prospérité réelle ou supposée?
Parlons d'abord de la dette, unique objet de leur ressentiment. Sont-ils aussi vertueux qu'ils le prétendent?
Evolution des dettes (source: eurostat)
Malgré les politiques calamiteuses de Berlusconi et de Sarkozy (ce dernier se privant de ressources fiscales pharamineuses pour complaire à ses mandants ou par idéologie: la défiscalisation des heures supplémentaires),
Malgré un taux de croissance supérieur outre-Rhin puisque les exportations allemandes sont florissantes encore (ça ne durera pas) ,
Malgré des données structurelles qui pèsent sur le budget:
l'Allemagne, pas membre permanente du Conseil de sécurité, a beaucoup moins de dépenses militaires que la France dont elle a profité sans vergogne du parapluie nucléaire comme de celui des USA et de la Grande-Bretagne... elle s'est ostensiblement désintéressée du conflit libyen (pas forcément à tort, mais dès la chute de Kadhafi, très cyniquement, elle a envoyé ses VRP à Tripoli),
du fait de sa natalité en berne elle a moins d'élèves à scolariser,
sa pyramide des âges est telle qu'en proportion, elle a moins de retraités à entretenir,
la mentalite "Kinder, Küche, Kirche" (qui maintient encore un grand nombre de femmes au foyer) joue sur le chômage structurel,
sa densité de population supérieure implique des contraintes d'aménagement du territoire moins onéreuses etc. ...
Nous constatons qu'elle ne fait guère mieux que les autres, (situations française et allemande peu ou prou comparables) plus mal que l'Italie qu'elle se permet de toiser avec commisération. Elle est d'ailleurs battue par... les Pays-bas qui savent eux-aussi donner des leçons de rigueur avec une suffisance des plus arrogantes.
La question n'est pas de savoir si récession il y aura, mais de connaître l'ampleur et la durée de celle-ci. Or si la récession plombe la croissance mondiale et européenne, il ne faut pas être devin pour comprendre que l'Allemagne en souffrira - puisque son modèle économique est fondé sur les exportations d'une part, dont les 2/3 sont dans la zone euro d'autre part. Tout ce que les plans d'austérité imbéciles parce que dogmatiques retireront aux partenaires, ce sera de l'investissement et de la croissance en moins. Donc des achats en moins pour les entreprises allemandes.
Dans ces conditions, l'arrogance insupportable de Berlin qui s'associe à un dogmatisme imbécile, qui pousse Merkel à mettre son veto à une évolution des missions de la BCE plus seulement chargée de lutter contre la hausse des prix mais aussi de refaire de la monnaie un instrument de souveraineté financière et économique est inacceptable.
On glose sur le couple Merkozy... en oubliant que dans le ménage, c'est Frau Merkel qui porte la culotte voire le martinet et que Sarkozy n'est qu'une réincarnation du Daladier qui s'applatissait à Munich.
- Je ne peux obtenir davantage de l'Allemagne, Merkel est intraitable, nous dit-il...
Evoque-t-il la force de frappe financière? Imaginons que suite à la conjoncture ou de la volonté de quelques états, la zone euro explose... Le mark "automatiquement" réévalué dans des proportions considérables plomberait en quelques semaines les exportations allemandes, d'autant plus que malgré les litanies de la droite... la productivité par salarié est supérieure en France à ce qu'elle est outre-Rhin! Autant dire qu'avec un avantage monétaire de 20 ou 30% voire davantage, nous n'aurions aucun mal à réindustrialiser, à réparer les conséquences de vingt années d'errements libéraux.
Les "marchés" ne s'y trompent, d'ailleurs pas, malgré le triple A allemand supposé d'airain quand le français est d'ores et déjà perdu.
Crise de la dette: la contagion s'étend à l'Allemagne.
La crise de la dette a affecté une émission obligataire à dix ans de l'Allemagne, qui a rencontré mercredi une demande extrêmement faible, augmentant encore le désarroi sur les marchés financiers. La dernière émission en 2011 de "Bund", un titre qui fait référence pour tout le marché européen, n'a été placée qu'à hauteur de 3,6 milliards d'euros contre une offre de départ de 6 milliards d'euros. En clair, l'Allemagne n'a réussi à lever que 60 % du montant qu'elle espérait. Cette émission "a eu un résultat extrêmement faible", a estimé Annalisa Piazza, économiste de Newedge, citée par l'agence Dow Jones Newswires.
En clair... Pour la première fois, les Allemands ont voulu emprunter sur les marchés et ces derniers n'ont pas répondu. Il ne faut pas être sorcier pour comprendre qu'ils seront eux aussi confrontés à des taux d'intérêts plus élevés pour se refinancer. Peut être cela les incitera-t-il à faire preuve sinon de modestie, du moins d'une arrogance atténuée. Et à comprendre enfin que dès lors qu'ils mettent des pays sous tutelle (le délégué allemand à Athènes est surnommé le Gauleiter... La Grèce a en proportion encore plus souffert du nazisme que l'URSS. Quelle outrecuidance que d'envoyer un Allemand la contrôler dès lors en plus que ce pays n'a jamais réglé les réparations promises!), il est logique que la BCE leur fournisse des crédits à un taux normal... ce qui tuerait la spéculation en 24h.
benjamin borghésio
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