Il faut sans nul doute revenir aux fondamentaux: quel est le travail du Parlement, particulièrement de l'Assemblée nationale qui a le dernier mot - sauf sur les questions constitutionnelles. De là découle le mode d'élection.
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Le Parlement légifère et il contrôle l'action de l'exécutif (qui, selon la lecture textuelle de la constitution est constitué du gouvernement qui détermine et conduit la politique de la nation: les fameux domaines réservés - défense et politique étrangère - ne sont déterminés que par les "commentaires "et interprétation du texte initial)
Le rôle du Parlement - bicamériste comme dans presque tous les pays où la démocratie est achevée - n'est certainement pas de défendre un territoire et de ce fait le député voit son action entravée par le mode d'élection actuel.
L'administré a pris la déplorable habitude de le solliciter pour tout et rien (jusqu'à une aide pour obtenir une bourse scolaire auquel il a pleinement droit... il suffirait de contacter l'administration!), d'exiger qu'il soit présent au repas des anciens, au match de foot local, à la distribution des prix etc. faute de quoi il ne sera pas réélu.
Plus grave, cet attachement à une circonscription nuit à la recherche de l'intérêt général, dès lors que des intérêts locaux sont en jeu qui mettraient en péril la réélection du député (ce n'est pas pour rien qu'aucun apparatchik vert ne prend le risque de se présenter dans une circonscription rurale ou près d'une des centrales nucléaires qu'ils prétendent fermer: les caciques de ce parti ne sont implantés que là où les décisions qu'ils contribuent à prendre n'ont que peu d'impact)
Autre inconvénient majeur du scrutin par circonscription. Les tripatouillages avec lesquels des "ciseaux magiques"** permettent d'inverser le résultat (en 1978, la droite gagna les législatives alors qu'elle était légèrement minoritaire de même qu'en 2001, pour la Mairie de Paris, Seguin perdit face à Delanoë alors qu'il avait, en voix, battu son adversaire - et pourtant là c'est la droite qui avait fait le découpage!). C'est ce qui surviendra, grâce au talent de Marleix, si gauche et droite sont au coude à coude en juin: son découpage est tel qu'à 51% contre 49% à l'UMP, les 49% peuvent être nettement majoritaires à la Chambre.
** Il y a peu de pays considérés comme démocratiques, où c'est l'exécutif appuyé sur sa majorité qui définit seul les règles du jeu du scrutin à venir.
Comment régler ce problème en attendant une refonte de la Constitution qui aboutirait à la VIe République?
Ne pas "instiller 'une dose' de proportionnelle!"
Ce mariage de la carpe et du lapin aboutirait à un système illisible avec des députés élus sur scrutin de liste, et d'autres dans le cadre des circonscriptions. Or qui dit illisible dit soupçon de magouille, et la démocratie pâtirait du soupçon que les politiciens font leur truc dans leur coin pour s'arranger entre eux. Il faut une règle claire.
Revenir à l'expérience de 1986 qui a prouvé par l'exemple qu'elle était viable - quitte à l'améliorer. Il s'agissait d'une proportionnelle intégrale à l'échelle du département, avec répartition des restes à la plus forte moyenne. Rappelons qu'avec 44% des voix, la droite majoritaire eut 55% des sièges et ne fut aucunement empêchée de mener sa politique malgré un président socialiste à l'Elysée. Mais l'opposition bénéficia d'une représentation suffisante pour se faire entendre et l'argument "oui mais le FN a fait son entrée à la Chambre" ne tient pas: ou ce parti est légal et s'il a des électeurs (hélas!), il doit être représenté, ou il ne l'est pas et on doit le dissoudre.
Je demeure persuadé que si les principales sensibilités doivent être représentées, il est indispensable, dans le contexte français, de dégager des majorités de travail. En Allemagne où il n'y a que des nuances entre les principaux partis de gouvernement, il existe une culture du consensus: CDU ou SPD ont peu de chemin à faire l'un vers l'autre ou vers libéraux et verts pour signer un contrat de législature. Seule la vraie gauche (die Linke) souffre encore d'ostracisme: le SPD préféra traiter avec les conservateurs de la CDU-CSU que leur tendre la main... ils l'a payé très cher aux élections suivantes quand les électeurs lui ont infligé une raclée historique.
Une proportionnelle appliquée au niveau régional avec une "prime" attribuée aux listes arrivées en tête (comme lors des scrutins locaux), et éventuellement la possibilité pour des listes de fusionner entre deux tours au vu de leurs résultats respectifs au premier, en cas d'accord politique, donnerait cette majorité.
Quels seraient les avantages?
1 - La représentation plus équitable des diverses forces au Parlement. On n'aurait plus ces "petits" qui souffrent d'ostracisme - pas davantage que ces "gros" soumis au chantage perpétuel des "petits": dans ce cas de figure, à titre d'exemple, Le PS aurait développé son programme comme EELV et le Front de Gauche. Les élections auraient donné un indicateur pertinent sur le degré d'acceptabilité des propositions des uns et des autres par le peuple, donc une base autrement acceptable que ce marchandage improbable avec les verts et cet ostracisme vis à vis des partenaires de gauche.
2 - Détachés de la circonscription, les élus n'auront à faire que leur métier de législateur et de tuteur de l'exécutif. C'est déjà beaucoup! L'interdiction de cumul avec un mandat local exécutif s'impose: le député qui prétend "avoir besoin d'un ancrage pour ne pas se couper des réalités" se satisfera d'un poste de conseiller municipal, général ou régional - sans indemnité pour conserver celui ci.
3 - La désignation des candidats sera claire, pas soumise aux enjeux politiciens locaux. Seront mis en position éligible ceux que les militants (ou sympathisants si les partis choisissent des primaires) auront désignés.
4 - Le "problème" de la parité sera enfin réglé puisqu'on imposera des listes chabadabada: un homme, une femme, etc. - et qu'on exigera que dans la moitié des régions, les formations nationales présenteront une tête de liste féminine.
Il ne restera plus - mais étrangement on s'en soucie peu - qu'à traiter la parité sociale: combien d'ouvriers, d'employés, d'artisans à la Chambre?
benjamin borghésio
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