C'est le titre d'un article de la Dépêche du Midi, mais la reconstruction de la réflexion n'est pas à la hauteur de la déconstruction.
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C'est presque un SOS. Hier, sur Canal Plus, Eva Joly a lancé : «J'en appelle à ceux qui m'aiment ... et à ceux qui ne m'aiment pas.» Créditée de 3% dans les sondages, la candidate écologiste est en perdition. Au grand dam du staff d'Europe Ecologie-Les Verts qui misait sur un score à deux chiffres lors du premier tour de la présidentielle. Aujourd'hui, Cécile Duflot, Daniel Cohn-Bendit, José Bové, se retrouveront aux cotés d'Eva Joly pour participer à une conférence de presse destinée à relancer la campagne. L'objectif : montrer que les écolos font bloc autour de leur candidate. Sans trop se faire d'illusions.
Une enquête de l'Institut Ipsos a révélé l'image catastrophique qu'a Eva Joly auprès des Français. En effet, 75% d'entre eux la trouvent antipathique, 78% incompétente, et 91% sans stature présidentielle. On voit mal comment elle pourrait surmonter de tels handicaps à trois mois de l'échéance. D'autant que les propositions qu'elles formulent en dehors du champ écologique, sont rejetées par les Français mais suscitent de la perplexité dans son propre parti, comme par exemple l'octroi d'un jour férié aux juifs et aux musulmans.
Eva Joly devrait recentrer sa campagne sur l'environnement. Mais déjà les écolos s'inquiètent des répercussions financières qu'aurait inévitablement un score inférieur à 5% à la présidentielle. Les frais de campagne ne seraient pas remboursés au risque de plonger le parti en faillite. Sur le plan politique, les effets pourraient être également graves. Ils pourraient se traduire par de nombreux cas de dissidences socialistes lors des législatives dans les circonscriptions réservées aux écolos par le PS. Pour la présidentielle, l'entourage de Hollande s'inquiète également de l'affaiblissement de Joly. «Les électeurs qui la quittent actuellement ne vont pas forcément chez nous. Or il est préférable qu'elle fixe un électorat relativement élevé pour qu'elle le reporte sur François au second tour», explique un proche de Hollande. - La Dépêche
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C'est Gabriel Cohn-Bendit, je crois (le frère de) qui a déclaré que "les Verts étaient capables du meilleur comme du pire, mais que c'était dans le pire qu'ils excellaient".
Reprenons les derniers développements de l'appareil qui commit il y a trois ans un beau coup en transformant la chapelle verte en un agrégat susceptible de rassembler davantage avec l'ouverture à des écolos pas "canal historique"... ce qui permit par un rafraîchissement du discours comme de certaines méthodes (du moins apparemment) d'obtenir des succès tangibles tant aux européennes qu'aux régionales et d'attirer plus de militants (beaucoup de ces nouveaux, écoeurés, désertent le navire: pas grave, Duflot et Plac ont rejoint un paquebot où leur suite est plus... dorée on va dire).
C'est après que le bât commença de blesser. Cohn-Bendit défendit une position sacrilège... à savoir persévérer dans l'ouverture et proposer un contrat au PS: "nous ne présentons pas de candidat aux présidentielles et en échange vous prenez davantage en compte les éléments de notre programme. En outre vous vous engagez pour que nous ayons un groupe parlementaire".
Position à la fois "morale" et "gagnante-gagnante"... C'est donc évidemment l'autre qui fut retenue : "nous aurons une candidate". Duflot – pas folle la guêpe – fit toutefois savoir dès le début "qu'elle ne serait pas de ce combat": elle sait trop qu'on a tout à y perdre et rien à y gagner,tant les présidentielles sont peu favorables aux petits qui aspirent à devenir grands, et la bougresse veut devenir sacrément grande. Mamère dont la présence en 2002 assortie de la phrase qui tue : "vous pouvez voter sans crainte pour moi et porter nos aspirations, je vous assure que Jospin sera présent au second tour et qu'il gagnera !" est définitivement scotché à son rôle de député de Bègles... Lipietz, le "BAC+22" du mouvement qui balança dans un court moment d'égarement une phrase qui pouvait ressembler à une apologie des assassins corses est définitivement hors jeu, tout comme Voynet après sa mémorable avoinée de 2007 (elle aussi avait inauguré dans le genre "ne me quittez pas", sans succès).
Suite des opérations qui avait tout pour plaire à la tendance Europe Écologie (les puceaux par rapport aux anciens des Verts). Trois candidats aux primaires dont aucun n'était issu de la mouvance "canal historique" (pas fous!):
- Stéphane Lhomme, connu pour son rôle à "sortir du nucléaire" et dont il est vite apparu qu'il n'était là que pour contribuer à assassiner le second,
- Nicolas Hulot, très populaire comme tous ceux qui sont passés à la télé,
- Enfin Eva Joly, également issue de la société civile, qui s'y connaît en écologie comme moi en physique quantique mais au passé de juge intraitable (la légende magnifie beaucoup ses résultats, tout comme elle minimise ses travers qui ont laiss édes souvenirs... contrastés on va dire dans le milieu judiciaire)
Hulot victime d'une image brouillée – dur de se targuer de l'écologie quand on dirige une fondation soutenu tant par Bouygues que par l'Oréal ou EDF, j'en oublie – s'est vite retrouvé en difficulté. Pilonné par les attaques personnelles de Lhomme et par une campagne de nature stalinienne de l'appareil "canal historique" – summum atteint avec une agression physique lorsque couvert d'un seau d'ordures à Notre-Dame des landes, ses "concurrents" qui étaient à quelques mètres n'ont eu d'autre réaction qu'un petit sourire satisfait. Trop tendre le petit Nicolas, et c'est Eva Joly qui triompha.
Nous ne reviendrons pas dans cette note sur cette incroyable mansuétude des socialistes qui acceptèrent la présence d'une candidate concurrente – qui de plus a commencé par pilonner Hollande avec une rare violence – si on ne se souvient pas des haines viscérales qui opposent les divers tendances et "camarades" du PS (lire ou relire: "Aubry vote Sarkozy")
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Et le festival commença!
Rarement une candidate aura fait preuve d'une telle hargne et d'une telle bêtise, multipliant les opérations... dont chacune semble avoir pour objectif de perdre des voix. D'abord, alors que ses propres camarades ont signé un accord plus que favorable à leurs intérêts (s'il est catastrophique pour l'économie française) elle se refuse à parler de Hollande comme d'un allié possible, à évoquer un possible désistement de sa part (un mois après en revanche elle appelait à voter Bayrou si nécessaire, sans condition, pour faire barrage à Sarkozy; allez comprendre.
On aurait pu, en début de campagne, parler de la conférence de Durban qui fut un échec: les rejets de CO2 continueront concrètement d'augmenter... Sujet certes technique mais d'une extrême gravitéqui devrait concerner au premier plan la candidate des valeurs écologiques. Mais Patrick besson, chroniqueur habituellement talentueux, commit alors une page qui ne cassait pas trois pattes à un canard, moquant gentiment l'accent d'Eva Joly. Il se vit ravaler par la "victime" au rang des pires racistes xénophobes quand elle-même joua à fond la carte de la victimisation. (A ce compte, interdisons les prestations quotidiennes de nos humoristes du matin, ou des Guignols).
Elle fit alors le "buzz" avec une vidéo surréaliste vantant la qualité de "nos accents qui faisaient la France", répandue sur toute la blogosphère. De ce fait et sur Durban, EELV fut totalement inaudible.
Pétage de plomb de deux membres de son équipe rapprochée qui, ne comprenant pas sa stratégie (à supposer qu'elle en eut une) prennent le large (avant de revenir, pour la forme mais sans rôle effectif). En revanche l'intransigeante s'entiche du Sieur Pocrain, connu pour des violences conjugales réitérées et pour avoir été deux fois déclaré inéligible pour "comptes de campagne non déposés" – et avoir fait perdre beaucoup d'argent aux Verts de ce fait – et elle l'intègre dans son équipe rapprochée.
Après avoir lancé une fatwa contre l'infâme Hollande, changement de pied et appel à l'union "de Mélenchon à Bayrou" (autour de quel programme ? Quelles idées directrices ? "Barrer la route à Sarkozy"). Sans dire du mal de qui que ce soit, prétendre unir l'ultra réac de droite ferme à défaut d'être "extrême" et Mélenchon bien carré dans ses convictions de gauche, c'est surréaliste.
Et de nature à déboussoler l'électeur vert le plus obtus: pourquoi une candidate au premier tour, si on parle déjà d'union "plurielle" et inconditionnelle au second?
Entre temps, on ne perdra pas trop de temps à énumérer les gaffes de Joly, relative à sa méconnaissance des traditions françaises qu'on peut ne pas épouser mais sur lesquelles on n'est pas obligé de cracher quand on sollicite des suffrages Que ça lui plaise ou non, le défilé du 14 juillet est très populaire (il suffit de voir combien de téléspectateurs le suivent : record absolu d'audience pour un dimanche matin). Jeanne d'arc, on l'aime bien parce que justement elle représente la résistance à un envahisseur et une personnalité qui en temps de guerre sut unir des Français divisés comme rarement. La Pucelle n'est en aucune manière une "nationaliste anglophobe"** et c'est de bonne politique (au sens noble) que de l'arracher des mains de l'extrême droite qui se l'est appropriée par hold-up. La liste ce ces gaffes n'est pas exhaustive...
** De nos jours elle est admirée et célébrée... en Angleterre.
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L'état des lieux... ce qui préoccupe au premier plan les Verts qui veulent aller à la soupe.
Pourquoi maintenir des "cadeaux" électoraux qui permettraient aux verts de truster de 5 à 10% des sièges de l'Assemblée quand ils représenteraient au grand maximum 3% de l'électorat (si tant est que la glissade ne continue pas) et que des formations autrement mieux soutenues par les électeurs - même dans le camp de gauche - seront moins, voire pas représentées? Dans ces conditions, très nombreuses seront les candidatures dissidentes qui se porteront contre les apparatchicks verts qui ont cru un peu trop vite que c'était arrivé et qu'ils pouvaient déloger des députés jusque là irréprochables (sur le plan de l'exercice de leur mandat) : Duflot et Meirieu en particulier, comme d'autres, ont du souci à se faire d'autant plus que Hollande semble avoir enfin pris la main sur le PS et remis Aubry à une place où elle a moins de capacités de nuisance. Et on connaît les statuts de candidats dissidents... Une fois élus, pour faire mine de respecter les accords on les exclut du parti, avant de les réintégrer discrètement quelques mois plus tard: qui refuserait de tendre la main à Hoffman-Rispal quelques mois après qu'elle ait mis une branlée à Duflot venue contre toutre légitimité lui piquer son siège, surtout si Hidalgo et Delanoë l'ont soutenue activement?
Les aspects les plus absurdes de l'accord PS-EELV (ceux qu'Aubry concéda), en cas de désastre électoral, seront remis en question sans tergiversation. Montebourg a été très clair à propos du nucléaire, aurait pu l'être de manière aussi nette avec une Joly à 10% dans les sondages?
En revanche, pour Hollande, "c'est pas bon" non plus. Parce qu'apparemment ceux qui pensaient voter Vert et qui se détournent de Joly, écoeurés par les magouilles d'appareil, abasourdis par l'inconstance et la bêtise de leur candidate semblent davantage tentés par l'abstention que par le choix d'un autre parti de gauche, globalement toujours à un étiage aussi bas dans le sondages (40% au grand maximum, à supposer que le PS fût à gauche). Ce que perd Joly, personne apparemment ne le récupérera.
Rappelons enfin que si Joly n'atteint pas 5% de suffrages, ses frais de campagne ne seront pas remboursés et le Sieur Placé comme ses compères sont très motivés par ces sordides questions budgétaires que les adhérents traditionnels autrement moins carriéristes et plus "éthiques" et que ça les interpelle: sans argent pas d'action possible... à commencer par le financement des campagnes nécessaires à leur propre réélection.
Désignée de façon... contestable on va dire, puis lâchée dans la campagne en électron libre de dire et faire tout et son contraire, soutenue ensuite comme la corde soutient le pendu, actuellement sous le coup d'une mise sous tutelle, je gage que si Joly gêne par trop les ambitions de ses "camarades", elle sera balancée, interdite de candidature. On présentera cela comme une "mesure unitaire visant à limiter le risque provoqué par la montée de M. le Pen", et le tour sera joué.
Désabusée, écoeurée, Joly n'aura plus qu'à ruminer sa rancoeur, écrire un bouquin vengeur et rejoindre une de ces associations de lutte contre la corruption financière dont elle fait son miel. Je le crois gentil, mais je pense néanmoins qu'il y en a un qui se marrera intensément: Nicolas Hulot.
benjamin borghésio
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