A propos d'une interview donnée à Libération -
Jean-Luc Mélenchon espère convaincre, au-delà du Front de gauche, les électeurs socialistes, avec des idées plus affirmées que François Hollande.
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Opportunité de redonner ma position.
Interpellé (curieusement, presque toujours en privé) sur mon positionnement vis à vis de la candidature Mélenchon, du Front de Gauche* voire du Parti de Gauche, je ne peux que me répéter. Ce candidat est celui dont les idées qu'il porte me semblent - et de loin - les plus proches des miennes, même si des désaccords subsistent entre certaines de ses orientations et ma propre vision. Cela dit je n'ai (pour le moment) adhéré nulle part.
* Le Front de Gauche est constitué par l'alliance du Parti de Gauche (codirigé par JL Mélenchon et Martine Billard) et du Parti Communiste, alliance à laquelle se sont agrégés des personnalités indépendantes. On dira que si j'étais une personnalité, j'appartiendrais à cette catégorie.
Pour être clair, voici quels sont trois de ces points de désaccord. Convenons que sur l'ensemble de l'analyse et des propositions faites par le Front de Gauche, ce n'est certes pas marginal, mais pas essentiel.
La question du nucléaire.
- L'abandon du nucléaire, défendu par le Parti de Gauche (mais pas par les communistes).
Je demeure persuadé que pour les cinquante à soixante-dix années à venir, le recours au nucléaire est "la moins mauvaise" solution compte tenu des enjeux: conserver une électricité abondante, pas trop chère et fiable. Payer pour payer une "contribution de service public" (elle va doubler à court terme pour engraisser les spéculateurs et les rentiers de l'éolien et du photovoltaïque), je préférerais que cet argent soit investi pour de la recherche et développement fondamentale et appliquée dans deux directions:
- réaliser de vraies économies d'énergie;
- découvrir des formes de production dont nous n'avons même pas idée en ce moment, tout comme dans les années cinquante personne n'imaginait que la France serait pratiquement sortie du charbon au début du XXe siècle (NB: l'Allemagne "écologique" y revient tout comme elle revient au gaz. Accroissement massif des émanations de CO2, subordination à la Russie de Poutine and Co qui pourra l'asservir en fermant le robinet, telle est l'ambition de ce pays...).
Ce point était et demeure suffisamment fondamental pour moi pour que je n'envisage pas un instant de soutenir un candidat qui poserait pour seul postulat la sortie du nucléaire. Si je fais abstraction de mes divergences avec Mélenchon et le PG sur le problème de l'énergie, c'est parce que dans le cadre unitaire, la solution de synthèse aboutit à "un référendum citoyen mené après un grand débat national" qui acterait précisément des schémas de maintien ou de sortie, en excluant les contrevérités et le recours à l'émotionnel (sur cette question les communistes sont infiniment plus pragmatiques, rationnels et proches du quotidien des gens dont la quasi totalité ne peut en aucune manière voir augmenter sa facture énergétique dans des proportions hallucinantes et qui ne goûtent guère le fascisme vert prôné par les décroissants du genre de Cochet).
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Autre point de désaccord: la position du PG quant à l'immigration.
Si je suis absolument étranger* à toute forme de xénophobie et de racisme, si je pense que la politique actuelle qui consiste à subordonner le droit de demeurer sur le territoire à des quotas et à des statistiques est immonde (je pèse mes mots), je suis également persuadé que la meilleure manière d'aider les pays en voie de développement n'est certainement pas de laisser se développer une immigration incontrôlée:
- qui les prive de de leur élite (des médecins africains font la plonge dans les restaurants français quand ils n'ont pas eu la chance d'obtenir un poste d'assistant dans un hôpital... où ils sont exploités d'une manière odieuse),
- qui met des familles entières dans les mains de mafieux qui les rackettent et leur font courir des périls hideux lors de voyages meurtrier,
- et qui encourage le dumping social en dressant les immigrés contre notre classe ouvrière mise en concurrence pour les emplois, les logements et qui en outre voit s'évanouir les chances de promotion sociale par l'éducation, réduite à rien ou preu s'en faut par la ghettoïsation des zones dites sensibles.
* et je l'écris sans fard: mon vécu personnel et professionnel en témoignent sans la moindre ambiguïté.
En clair, les "grands humanistes" qui défendent la régularisation inconditionnelle de tous les sans papiers et l'ouverture des frontière à une immigration illimitée demandent aux éléments les plus fragiles de notre société de faire des sacrifices dont eux-mêmes sont naturellement affranchis par leur statut social.
Et ils feignent de s'étonner que les sirènes putrides du FN attirent de plus en plus de salariés écoeurés par ces positions cyniques... Cette attirance étant ensuite un prétexte pour raviver la prolophobie dont Terra Nova a donné une illustration flagrante avec ses "recommandations" visant à cibler un autre électorat que les catégories modestes du secteur productif et des services.
Je demeure persuadé que le simple fait que le Medef se déclare en faveur de toujours plus d'immigration devrait suffire à ce que des gens progressistes qui veulent défendre les salariés et par extension tous ceux qui vivent de leur travail se posent des questions à cet égard...
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Enfin, pour très bien connaître le contexte latino-américain, je suis en désaccord radical avec la position prise par Mélenchon vis-à-vis de certains des régimes de ce continent, qu'il cite en exemple.
Si le Brésil de Lula et de Dilma est à mon sens un exemple (adapté à un pays émergent, pas à la France), les graves dérives de Chavez au Venezuela m'interdisent de cautionner de près ou de loin ce régime - même s'il est loin d'être aussi démoniaque que la présentation biaisée qui en est faite par les médias occidentaux (la soi-disant privation de libertés... il suffit de prendre connaissance de ce que l'opposition écrit sur Chavez à Caracas!).
Ce qui est très grave, c'est la totale incapacité du régime à créer une économie autre que primaire, fondée sur l'exploitation de la manne pétrolière tout comme à développer des infrastructures soociales (l'enseignement est toujours dans un état dramatique, tout comme la santé: les médecins, dix ans après, sont encore des immigrés cubains). La Bolivie est dans une situation intermédiaire, sans toutefois offrir une apprécation positive.
Cela dit, l'impérialisme occidental a fait suffisamment de mal dans ces pays pour que nous nous abstenions d'aller y porter la bonne parole, dans un sens ou dans l'autre. L'émancipation de l'Amérique latine ne peut se faire que par les Latinos-américains.
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Opportunité toutefois, puisque nous avons évoqué ci-dessus la résurgence de l'extrême-droite, est donnée de faire une digression et de relativiser le supposé glissement opéré par les classes populaires, de la gauche vers l'extrême droite xénophobe, raciste voire fascisante.
Cet argument est servi à volonté, surtout pour mettre plus de sauce autour de la prolophobie, une des marques de fabrique de la gauche caviar et de la nouvelle gauche.
En réalité, la France a toujours connu des classes populaires très marquées à droite, qui firent le succès de cette dernière au XIXe siècle et dans la première moitié du XXe siècle, avant le succès du RPF et du RPR (créé en 1976 par et pour Chirac). Nier cette évidence, c'est occulter le fait que si un grand nombre de salariés et indépendants de condition modeste n'avaient pas voté à droite, on se demande comment cette dernière aurait gouverné sans interruption de 1958 à 1981, puis pendant dix-sept ans sur trente-deux! (je n'évoque même pas les gouvernements de droite de la IIIe République)
Ca se saurait, si grands patrons, rentiers, spéculateurs et agriculteurs étaient sociologiquement majoritaires...
L'extrême droite fut tellement disqualifiée par son comportement collectif pendant l'Occupation (même si des personnalités de cette mouvance firent beaucoup plus que leur devoir) qu'elle ne pouvait que sombrer durablement à la Libération, le temps qu'une génération d'électeurs émerge - surtout que de Gaulle, ni un dictateur ni un fasciste, était un homme de droite de tendance bonapartiste et que cela offrait un substitut à cette frange de l'électorat... Chirac ayant ranimé la flamme en 1976.
Quarante ans après, avec la dissolution de la mémoire collective par l'action du temps, avec l'émergence de le Pen qu'on peut considérer comme répugnant mais dont on ne niera pas le talent, avec le discrédit du PCF* qui ne sut pas évoluer et gérer l'ère post stalinienne, avec l'action de la droite parlementaire qui, en épousant les thèses racistes et xénophobes de la peste brune pour tenter de capter son électorat ne fit que les légitimer et leur donner un brevet de républicanisme, il est logique que cette faction renaisse de ses cendres.
Et si un moment Sarkozy put faire illusion avec une campagne talentueuse en 2007 (par défaut, quand on l'oppose à la nullité abyssale de la télé-évangéliste qui lui était opposée) le subterfuge ne pouvait durer.
* Le hasard des localisations faisait que nombre de ses militants étaient davantage attirés par l'aspect autoritaire et l'encadrement poussé à l'extrême qu'il offrait dans les communes qu'il dirigeait que par l'appropriation collective des moyens de production"
benjamin borghésio
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