Présentée pudiquement comme "TVA antidélocalisation"
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Le discours politique donne à penser qu'on est sur cette question en face d'une position frontale, "gauche" contre droite quand c'est plus complexe. Valls, par exemple, défendait une TVA "sociale". Son score ridicule lui a fait ravaler la plupart de ses prétentions (il est difficile de se situer plus à droite et plus libéral que Hollande, quand on prétend convaincre des gens qui pensent encore un peu à gauche: sa place était davantage à l'UMP qu'au PS) mais - fait assez rare pour être signalé - il semble tirer loyalement la conclusion du résultat des urnes et servir le candidat désigné sans arrière pensée. A contrario, dans l'UMP il y a des voix discordantes face à cette "TVA sociale", les réserves n'étant pas toutes dictées par des considérations électoralistes.
(cf. l'histogramme: la TVA représente plus de la moitié du budget de l'Etat) Pour simplifier - quelques prélèvements marginaux échappent à cette règle - cotisations sociales et CSG sont affectées à la protection sociale quand impôts et taxes financent l'état et les collectivités. La TVA est - de très loin - la première recette budgétaire et sa collecte est aisée puisque ce sont les entreprises qui s'en chargent (peu de structures administratives, mais parfois de très grosses arnaques)
Comment ça marche, la TVA? Prenons le cas d'une entreprise qui fait 100.000 euros de chiffre d'affaire. Si ses produits ou services sont assujettis au taux normal de 19.6%, elle devra payer 19.600 euros moins tout ce qu'elle a elle même acquitté au titre de cet impôt. C'est pourquoi la quasi totalité des factures qui dépassent le statut du "ticket de caisse" sont libellées "HT" et "TTC". Si dans un exercice (en général trimestriel) elle a collecté 19.600 euros de TVA et si elle a payé 10.000 euros au titre de cet impôt, il lui reste à devoir 9.600 euros.
Avantage de la TVA: son caractère indolore. Quel consommateur fait le distinguo entre ce qu'il a effectivement payé à son fournisseur (le prix hors taxe) et ce qu'il paye à l'état? Jusqu'il y a quelques semaines, les taux de TVA qui s'appliquaient en France se déclinaient ainsi:
Le énième plan d'austérité acté par Sarkozy acte un quatrième taux de 7% concernant des produits et services taxés jusqu'alors à 5,5% (curieusement en dehors de la règlementation européenne qui interdit qu'un pays applique plus de trois taux... De quoi se mêle Bruxelles, une fois de plus?) Sont concernés biens et services recensés sur une liste qui relève de l'inventaire à la Prévert, génératrice de dépressions nerveuses dans les comptabilités, comme les services fiscaux.[ Les détails concernant les quatre taux (lien) ] Par effet mécanique, les transports collectifs ont augmenté le 1er janvier, tout comme la plupart des cantines.
Les entreprises gémissent (elles gémissent toujours) et se plaignent de la lourdeur des charges qui pèsent sur les salaires... charges qui n'ont cessé de baisser depuis plus de quinze ans, sans que cela joue sur l'emploi, le pouvoir d'achat, leur compétitivité: sauf pour quelques PME et pour les TPE, tous ces "gains" sont engloutis par la hausse des dividendes et des rémunérations des dirigeants.
Face à la concurrence, asiatique en particulier, elles défendent le transfert des cotisations salariales qui seraient compensées par un impôt. Sont particulièrement visées les cotisations familiales (environ 5% de la masse salariale) dont le Medef voudrait se voir délester. Suggestion? On supprime cette cotisation (exclusivement patronale) et on la compense par une hausse de la TVA qui rapporterait dix milliards par point supplémentaire (s'appliquant à tous les taux), sept milliards par point acté sur le taux à 19.6%.
Pour faire bonne mesure, le Medef suggère qu'on ajoute deux points de CSG supplémentaires qui ponctionneraient tous les revenus (Nous reviendrons sur les conséquences d'une telle hausse). Nos patrons semblent oublier que leurs salariés sont aussi des consommateurs, que chaque mesure qui obère leur pouvoir d'achat diminue d'autant ce qu'ils dépenseront... et que de ce fait, le chiffre d'affaire de leur entreprise en souffrira.
Pour compenser la suppression des cotisations liées à la politique familiale, il faudrait majorer le taux de TVA "normal" (19.6%) de trois points et l'intermédiaire (7%) de un à deux points. Pour donner un appel d'air aux entreprises, ces dernières se doivent d'augmenter d'autant leurs prix et l'ensemble des consommateurs, salariés, indépendants, retraités, etc. en souffrira. Les arbres ne montant jamais jusqu'au ciel, dans un contexte déjà morose, la consommation se contractera d'autant. Si (défense de rire) les entreprises prennent sur elles pour maintenir leurs prix au niveau obtenu par la soustraction des cotisations et l'addition de la TVA, elles ne gagneront en rien en compétitivité. Et si elles y gagnent, l'actualité démontre quotidiennement que cela sera davantage affecté à la rémunération des actionnaires et dirigeants qu'à la compétitivité.
Or par le jeu de la "concurrence libre et non faussée" dans laquelle l'UE se vautre dans un masochisme inconcevable, nous sommes en concurrence avec des économies qui s'interrogent gravement sur la possibilité d'augmenter de 10% des salaires qui plafonnent actuellement à 180 euros, pour des semaines de travail de 60 à 70 heures sans aucun droit social, dans un environnement épouvantable.
Qui imagine sérieusement que dans ces conditions, un gain de 2 ou 3% de marge changera quoi que ce soit à la "concurrence"?
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Pour parler trivialement... cessons de raconter des conneries! L'augmentation de la TVA n'est qu'un moyen confortable de ramasser des milliards, de manière relativement opaque: le consommateur ne fait pas la part des choses entre racket public et racket de l'entreprise, en cas d'augmentation non justifiée par une réelle hausse des matières et des services.
Nous dire que cela reconstituera la capacité des entreprises pour lutter à armes égales sur le marché mondial, c'est se moquer du monde. Surtout que je prends le pari que la hausse programmée ne sera pas remise en cause même s'il y a alternance "sociale démocrate": on invoquera "la gravité des circonstances".
Nous passons notre temps à établir des comparaisons avec l'Allemagne qui sait exporter, mais en biaisant toujours ces dernières: sait-on qu'avant la hausse programmée des taux de TVA, cet impôt est déjà plus élevé en France qu'outre Rhin? Doit-on y ajouter trois points, voire davantage?
Pour restaurer cette compétitivité...
Il nous faut des patrons plus compétents (ce n'est pas difficile) et moins cupides. Que les profits soient davantage affectés aux investissements et à la Recherche et Développement (en proportion, trois fois plus de R&D en Allemagne qu'en France: ne cherchez pas pourquoi les entreprises teutonnes ont su détecter les créneaux porteurs et s'y développer) et moins à la distribution de dividendes, de rachat de leurs propres actions pour en augmenter artificiellement le cours - le meilleur moyen de stériliser l'argent - et d'attribution de stocks options.
Est-il concevable qu'une entreprise qui fait des pertes et dont le cours de l'action dévisse augmente la part variable - déjà énorme - du salaire de son PDG? C'est pourtant chose courante.
Il nous faut aussi sortir du royaume des bisounours et cesser de se situer sur le terrain d'ennemis (nous sommes en guerre économique) qui appliquent sans état d'âme des méthodes que nous nous interdisons d'envisager.
Devant des protections douanières franches ou insidieuses, ripostons!
Devant des productions faites en dehors de toute norme sociale et environnementale, établissons des 'visas marchandise' ou taxons pour rétablir une forme de "malus" qui nous mettra à armes égales. Et en cas de scandale avéré (travail des enfants par exemple), embargo!
Devant les dumpings financiers par le maintien artificiel de monnaies à des niveaux anormalement bas (dollar, yuan, etc.) contingentons, taxons, fermons nos frontières européennes si besoin est.
Idem, au sein de l'UE, exigeons que les pays "low-coast" faute de protection sociale élémentaire évoluent, fixons des échances précises - et aidons-les au nom de la solidarité à évoluer en ce sens - faute de quoi ils n'auront à terme plus rien à faire dans l'UE.
Demain: TVA, impôt injuste s'il en est.
benjamin borghésio
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