Sans agressivité aucune vis-à-vis de Hollande* on peut observer certaines choses.
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* (j’ai pris une bonne résolution… c’est ‘un autre' mais pas 'un adversaire' et encore moins 'un ennemi’ et je ne réagirai que face à une hagiographie qui ne correspondrait pas à la vérité).,
Les sondages sont ce qu’ils sont surtout aussi loin de l'échéance. Ne commentons donc pas le 26/24 ni le 54/46 actuels qui ne signifient rien si tôt, mais la tendance révélée par le glissement.
54/46 c’est confortable, mais quand en six semaines on part de 60/40 pour arriver là, on a du souci à se faire - surtout quand dans le même temps ‘l’autre’ multiplie des promesses de mesures très impopulaires.
Même si la descente s’infléchit, les lignes se croiseront d’ici peu si Hollande n’enraye pas le glissement et le passage en tête de Sarkozy aurait un impact psychologique. En effet, les tiédasses prêts à s’éloigner du soleil couchant y reviendront si l’espoir renait. A 60/40, on n’est pas motivé pour se battre en faveur de Sarkozy ; à 52/48 et même à 54/40, on y pense. En outre, les ralliés de la dernière heure sont les plus incisifs, tant ils ont à se faire pardonner leur attentisme initial A l'UMP, on a ceux qui veulent sauver leur peau, entrevoyant une chance d’y parvenir, et l’énergie du désespoir donne des ailes.
Au PS, certains se sont trop vite persuadés que c’était gagné, se reposant sur leurs lauriers, laissant infliger à leur candidat deux boulets majeurs: l’accord PS/EELV qui laisse des traces ineffaçables (merci Aubry) et Joly dont le sectarisme et la bêtise font chaque jour très mal à son ‘camp’ rapproché comme élargi au grand allié.
Un PS uni derrière son candidat (comme si après des primaires, c’était possible) avait tout à fait les moyens de dire à ses ‘alliés’: "si vous voulez votre groupe, pas de candidat, si vous voulez un candidat, vous irez chercher vos députés avec les dents". Là, les verts ont eu le beurre, l’argent du beurre et le sourire d’Aubry en prime (heureuse de voir Hollande emberlificoté)
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D’un côté, un sortant développe un programme certes impopulaire (libéralisation complète de l’enseignement, TVA sociale, subordination à la finance merkelienne) … mais qui est un programme,
De l’autre un candidat qui fluctue, ondoie, recule sans arrêt. C’était déjà le plus modéré des candidats à la primaire… et le voilà qui revient sur ses (rares) promesses.
- Recréer des postes d’enseignants? On verra, et si…
- La retraite à 60 ans? Oui... pour ceux qui ont commencé à travailler très tôt et qui ont toutes leurs annuités (ça fait 2% des concernés); pour les autres, "on négociera" .
- Fusion IRPP et CSG? Pas tout de suite, très progressivement à condition que…
- Politique monétaire? "Une fois élu je renégocierai avec Merkel" (dont on voit mal pourquoi elle cèderait à un socialiste ce qu’elle a refusé à un partenaire de droite), etc.
La nature a horreur du vide et beaucoup préfèrent un mauvais programme à pas de programme. Finie, la synthèse, les ondoiements. Si Hollande veut gagner il doit:
- s’affirmer sur le plan des idées qu’il soutient et surtout qu’elles soient claires.
- s’affirmer vis-à-vis de ses ‘partenaires’: si Joly lui fait peur, s’il ne lui cloue pas le bec, qui peut imaginer qu’il parviendra à négocier avec Merkel?
- aller enfin au carton. La jouer Canteloup qui imite Mitterrand, ça va cinq minutes mais si Mitterrand a gagné face à Giscard en 1981, c’était très peu grâce à des bons mots en meetings devant des salles acquises d’avance, mais surtout parce qu’il s’appuyait sur 110 propositions claires dont, contrairement à une légende tenace, la majorité furent mises en œuvre en une législature.
Mitterrand faisait du Mitterrand, quand Hollande fait du
Mitterrand. Gênant pour quelqu'un à qui on reproche souvent
(à tort) de ne pas avoir de personnalité.
Et Mitterrand, face à ses "partenaires adversaires" sur sa gauche (à l’époque: le PCF) jouait unitaire pour deux quand Hollande snobe sa gauche de façon insultante pour draguer le 'centre' – une ineptie puisque ce ‘centre’ (plus à droite que l’UMP) est représenté par Bayrou qui fera le plein des voix avant de les stériliser au second tour ou de les céder à l’UMP… Mais sûrement pas d’aider à la victoire du PS.
Depuis quand, en France, les centristes penchent à gauche?
Hollande vécut une mauvaise campagne: celle de Royal, qui demeurait dans les généralités générales balancées sur un ton extatique de télé-évangéliste ("oui! tout est possible, ensemble nous irons vers le sommet et alors je vous rendrai le pouvoir!") avant de sombrer dans une posture ridicule face à Bayrou: elle aurait mérité une interpellation pour racolage sur la voie publique. On a vu le résultat.
A Hollande de montrer autre chose.
Et surtout, de convaincre les gens positionnés à sa gauche que faute de voter POUR lui ils ont un petit intérêt, au second tour, à voter CONTRE l’autre. Parce que dans la France du XXIe siècle, la gauche, même en extrapolant audacieusement jusqu'au PS, ne représente plus que 40% des voix.
Pour ça, il faut tendre la main à ces électeurs et faire son mea-culpa sur quelques erreurs graves – je pense avant tout à la ratification du traité de Lisbonne.
Sinon, Hollande perdra. L’anti-sarkozysme est un sentiment (légitime, vertueux ajouterai-je pour ma part), mais ce n’est pas une politique – et voter est affaire politique.
benjamin borghésio
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