Publié, il y a un certain temps, sur Rue89
Etudiant en Master à l'IEP de Grenoble, je souhaite moi aussi partager ma vision des choses et mon expérience avec les lecteurs de Rue89. J'assume clairement ma démarche partisane, et puisqu'un militant de l'UDF a eu droit de cité dans les colonnes de Rue89, après tout, pourquoi pas moi ?
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NB: obligation de réserve obligeant sans doute, l'auteur n'a pas souhaité signer de son vrai nom.
Jean-Luc Mélenchon en meeting à Metz (Marie Kostrz/Rue89)
7 ans, en 1995, Bourg-de-péage
Premier contact avec la politique : les Guignols
La campagne présidentielle de 1995 a probablement été mon premier contact à la politique même si à l'époque, âgé de seulement 7 ans, je n'avais pas vraiment conscience de ce que je voyais ou de ce que j'entendais.
Je me souviens à quel point j'adorais Jacques Chirac, ou plutôt sa marionnette dans les Guignols, qui m'arrachait des éclats de rire à tous les coups.
Je me souviens aussi que mes parents, sympathisants socialistes, suivaient de très près la candidature de Jospin. Mon père surtout… Je le revois encore faire les cent pas devant la télé le soir du premier tour :
« Ah putain, ça va être Chirac…
- (La télé) Jacques Chirac est élu président de la République !
- Ah putain c'est Chirac, ah putaaaaiiinnnn. »
Bon, vous allez me dire, quand on est élevé par des parents de gauche dans une famille de profs, c'est pas trop compliqué d'être initié à la politique. Mes parents n'ont jamais été militants, mais ils ont toujours été clairement ancrés à gauche, et ont toujours voté à toutes les élections, généralement pour le PS, parfois pour Les Verts.
2002, 14 ans, au lycée
Le Pen au second tour. Je vis dans un pays de fachos
Comme la plupart des gens de ma génération, j'ai été profondément marqué par le 21 avril 2002, la qualification de Le Pen au second tour, l'impression de se retrouver vivant dans un pays de fachos. Aujourd'hui, on est plus nuancé, mais à l'époque, c'était clairement le choc.
Et puis il y a eu la campagne pour le référendum relatif à la ratification du Traité établissant une constitution pour l'Europe. Pas encore l'âge de voter, mais toujours aussi influencé par mes parents, fermement engagés en faveur du oui.
A l'époque, je me souviens m'être offusqué de la victoire du « non », rejetant dos à dos Le Pen et les leaders de la gauche antilibérale, « tous des tarés ! ».
Puis il y a eu le lycée, et la pensée politique qui commence à se construire doucement. Dans la construction de mon identité politique, je dois beaucoup aux cours de philo et de sciences économiques et sociales (SES). Je me souviens m'être dans un premier temps forgé des opinions sociale-démocrates, recevant des compliments appuyés de la part de ma prof de SES lorsque j'évoquais la possibilité d'un vaste plan de relance keynésienne à l'échelle européenne, pour ne pas avoir à subir le même contrecoup qu'en 1983.
En cours de SES, et dans une moindre mesure en philo, on étudie Marx et Tocqueville. Le premier m'a convaincu de l'iniquité et de l'injustice profonde qu'induisent le système capitaliste et de l'existence objective des antagonismes de classe. Le second a jeté les jalons de mon attachement à la République, à ses institutions, à une réflexion jamais tarie sur la nature même de la démocratie, qui induit une forme de « tyrannie de la majorité ».
Trop timide à l'époque, je suis resté en marge de la lutte contre le contrat première embauche (CPE), créé puis enterré par le gouvernement Villepin. J'étais alors scolarisé au lycée La-Martinière-Duchère, à Lyon, un établissement peu touché par les mouvements de blocage, dans lequel les organisations syndicales et politiques étaient alors inexistantes (le sont-elles toujours ? Je ne sais pas.)
Mais j'étais déjà fasciné par cette formidable énergie que véhiculaient les manifestations, par cette jeunesse qui emplissait avec enthousiasme les rues pour revendiquer son droit à vivre dignement. Et j'avais déjà une dent contre les gens de droite, qui arguaient crânement que tous ces jeunes n'étaient que des ahuris inconscients manipulés par les syndicats.
18 ans, la présidentielle de 2007
Je cherche ma crémerie à gauche, mes parents votent Bayrou
Je soutenais dans un premier temps Ségolène Royal, que je trouvais novatrice, énergique, solide dans ses apparitions médiatiques. Mais je me suis vite rendu compte que sur le fond, ça n'allait pas. J'étais sans doute déjà trop à gauche pour la soutenir.
Alors j'ai continué à chercher ma première crémerie. Je me suis intéressé au courant d'Arnaud Montebourg, « Rénover Maintenant », puis je lui en ai voulu quand il a rallié Royal… Tout compte fait, il n'y avait en somme pas grand-chose à tirer du PS. Il fallait donc aller voir ailleurs à gauche. Seul problème, ailleurs à gauche, il n'y avait alors pas grand-chose…
Le jour du premier tour, j'ai voté pour Marie-George Buffet, avec dans l'idée de promouvoir la construction de quelque chose de plus à gauche que le PS en se basant sur les premiers signes d'ouverture du PCF. Je me suis littéralement effondré lorsque j'ai vu son score apparaître sur mon écran de télé.
Mes parents avaient voté Bayrou, comme beaucoup de sympathisants socialistes lassés par les maladresses de Ségolène. Je me souviens les avoir conspué d'avoir voté pour ce mec de droite qui se cachait sous des oripeaux centristes.
Et puis c'est la victoire de Sarkozy, écrasante, sans ambiguïtés. Comme si toute l'opposition qu'il avait cristallisée contre lui dans les milieux de la jeunesse s'était retrouvée d'un seul coup impuissante… Dès l'annonce de son élection, j'étais résolu à lutter contre sa politique.
Mais pour ça, il fallait franchir le pas, s'engager en politique, et donc, adhérer à un parti. Oui mais lequel ? Le PCF ? Non, je ne suis pas communiste. La LCR [Ligue communiste révolutionnaire, ancêtre du NPA, ndlr] ? A l'époque, je les trouvais fous à lier. Mes convictions républicaines m'ont un temps orienté vers le MRC [le Mouvement républicain et citoyen de Jean-Pierre Chevènement, ndlr], mais à quoi bon adhérer à un parti de vieux caciques sans existence réelle ?
Finalement j'ai pris ma carte au PS, plus par envie d'y foutre le bordel que par conviction sociale-démocrate, comme s'il était encore possible d'ancrer ce parti à gauche… J'étais domicilié dans un patelin du Rhône tellement conservateur qu'aucune section socialiste n'y avait jamais été créée. Je suis resté longtemps isolé du parti, qui n'a pas été capable de prendre en charge ce nouvel adhérent tout paumé que j'étais alors. Il fallait trouver autre chose…
(à suivre demain)
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