Car elle met en évidence les insuffisances crasses de nos dirigeants économiques et politiques.
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Cette note est inspirée d'un article de Stéphan Bourcieu, directeur général du Groupe ESC Dijon-Bourgogne. Stéphan Bourcieu est professeur de management stratégique, enseignant au sein de l'institution qu’il dirige. Il a écrit de nombreux articles scientifiques, chapitres d’ouvrage et communications dans des conférences académiques. Chercheur, il a également mis les mains dans le cambouis en créant et en dirigeant lui même une entreprise industrielle (Fait suffisamment rare pour être signalé*).
* Quand on sait faire une chose, on la fait. Quand on ne sait pas, on l'enseigne.
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C'est une histoire belge qui fait rire... les Belges et consterne Bercy: parce que si les sacro-saintes agences de notation établissent des comparaisons, la France sera forcément en ligne de mire.
La Belgique a fait pencher du bon côté la balance de son commerce extérieur, quand la France a établi en 2011 un déficit commercial record (70 milliards) qui pulvérise celui de 2008 (en pleine crise) quand nous en étions à "seulement" 56 miliards. La petite Belgique, elle, dégage en 2011 un excédent commercial supérieur à 7 milliards d'euros (Sources : Agence pour le Commerce Extérieur, BNB, ING Economic Research). Cela correspond, ramené aux populations respectives, plus de 20 milliards d'excédent pour la France si nous étions dans cette situation.
Pourtant, c'est un euphémisme que d'affirmer que les "atouts" belges sont a priori peu nombreux.
Comme la France, un taux de change défavorable puisque l'euro est manifestement surévalué, ce qui baisse le coût des importations et renchérit celui des exportations.
Le coût du travail présenté en France comme un handicap majeur (celui de l'Allemagne serait légèrement plus bas) est plus élevé que chez nous - et a fortiori qu'outre-Rhin.
Une très lourde facture énergétique: pas de gaz, pas de pétrole, très peu de centrales nucléaires. La dépendance vis à vis de l'extérieur est totale.
Pas d'entreprise de dimension mondiale en synergie avec un pouvoir politique susceptible de les soutenir. Donc pas de gros contrats possibles du style "Airbus", Rafale", centrales nucléaires, structures portuaires à établir dans les PVD, grands chantiers du BTP, TGV, etc. etc.
Les Belges portent aussi des vêtements produits en Asie ou au Maghreb et achètent des téléviseurs coréens ou chinois. En outre ils ne roulent guère que que dans des voitures étrangères même si leur industrie est très exportatrice de produits semi-finis en ce domaine.
Enfin, voilà un pays avec une dette de 96,5% du PIB et qui n'a pas eu de gouvernement pendant plus de 530 jours (quand nous avons eu à notre tête le taulier du monde... Ceci expliquant sans doute cela). De plus, si la fiscalité sur le patrimoine acquis est basse - ce qui favorise l'évasion fiscale outre Quiévrain de nos possédants, celle qui concerne les revenus est plus élevée - quasiment confiscatoire pour des célibataires ou des ménages sans enfants, et guère favorable aux entreprises.
Comment expliquer le dynamisme des entreprises belges sur les marchés internationaux, leur capacité à exporter dans un contexte de crise, malgré ces handicaps?
D'une part, leur commerce extérieur est fortement tourné vers l'Union européenne (72,7% de ses exportations), en particulier vers les trois voisins immédiats - ce qui neutralise le handicap monétaire. L'Allemagne est le principal client des entreprises belges du fait d'une stratégie globale: beaucoup de produits semi-finis belges servent d'intrants dans l'industrie allemande, ce qui arrime les deux industries.
D'autre part, les Belges se concentrent dans quelques secteurs stratégiques où ils font énormément de R&D : chimie organique et plastiques (15%), pharmacie (12%), produits pétroliers (terminaux portuaires remarquables, installations de raffinage non obsolètes: 9%), automobile (9%) et diamants (5%). Cette concentration dans les "points forts" s'est accentuée au cours des dix dernières années.
Les grands groupes comme les PME produisent localement, pas à la recherche d'économies de bout de chandelles liées à une baisse du "ressenti qualité". Là où Renault va assembler ses Clio en Espagne, en Slovénie, en Turquie avant de les revendre en France, les entreprises belges (fournisseurs d'intrants pour l'essentiel) restent majoritairement implantées en Belgique.
Enfin, l'économie belge a fait le choix de la sortie par le haut. Au cours de la décennie écoulée, les entreprises se sont orientées vers les productions à forte valeur ajoutée, se spécialisant dans des segments hauts de gamme (l'automobile exporte autant en valeur qu'il y a dix ans, mais pour 60% de volume en moins)
Même l'industrie traditionnelle du diamant a emprunté cette voie, la baisse des volumes ayant été compensée par la hausse des prix et de la valeur ajoutée. Quand en France on glose sur la nécessité d'avoir des entreprises innovantes et tournées vers des productions à forte valeur ajoutée, les entreprises belges montrent l'exemple. Elles font, au lieu de discourir - ce qui pose la question de la compétence patronale, chez nous.
Amusant... la Wallonie, "parent pauvre" méprisée par les Flamands, exporte plus (44 milliards d'euros) qu'elle n'importe (31 milliards d'euros), alors que la Flandre et Bruxelles sont déficitaires.
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Concentration sur quelques secteurs d'excellence, liens étroits avec des industries complémentaires, recherche d'innovation et de valeur ajoutée, production sur le territoire national : les sujets de discussion de la campagne électorale française sont déjà une réalité belge. Si on posait une fois pour toutes la question de la compétence de nos dirigeants économiques? Quid d'un Ghosn payé comme un nabab, qui a choisi une voie opposée avec le succès que l'on connaît tant pour son entreprise que pour le pays?
benjamin borghésio
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