Ah comme des thèmes de campagne désormais essentiels étaient considérés comme de la dernière ringardise il y a moins d'un an. Les rancis repliés sur eux mêmes avaient seulement eu le tort d'avoir raison trop tôt... Nous rééditons cette note passée pour que chacun en prenne conscience.
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Le point de départ de la réflexion de François Ruffin (FAKIR) c'était la fameuse note de Terra Nova qui fut analysée ici, et qui justifiait le lâchage du monde ouvrier "perdu pour nos valeurs" le besoin de se tourner vers un autre public, davantage intéressant sur le plan électoral.
J'avais relevé, pour forcer le trait, un commentaire dans le fil de discussion. D'autant plus cynique qu'il n'appela aucune réserve, même sur la forme.
Je crois que le problème a été bien identifié. N'en déplaise aux esprits chagrins, la base électorale de la gauche, c'est la France du OUI à l'Europe. La France généreuse, accueillante (y compris pour le plombier polonais), tolérante (y compris pour le musulman qui prie dans la rue faute de mosquée), la France ouverte au monde, c'est cela la gauche. C'est la France de demain.
Par contraste, la France du NON, c'est la France recroquevillée sur elle-même, qui se méfie de tout ce qui n'est pas bien gaulois, qui compte encore en francs (le comble de la beaufitude !). C'est la France d'hier.
Depuis le malheureux référendum de 2005, plusieurs millions d'électeurs de l'époque sont morts, très majoritairement (on s'en doute) des personnes âgées, des partisans du non. Et plusieurs millions de jeunes sont devenus majeurs et auraient très majoritairement voté oui.
Il ne faut pas s'y tromper, c'est la France de demain, la France de gauche, la France du OUI devenu majoritaire qui doit gagner en 2012 contre les frileux, jaloux de leur situation, partisans du NON.
Le prolo à 1.000-1.200 euros par mois dans la précarité, est jaloux de sa situation... En lisant des énormités pareilles, on se dit qu'il manque des réverbères et des cordes de chanvre. (c'est une métaphore. Quoique...)
Extrait du texte de François Ruffin.
C’est le Parti socialiste, cette note, haussera-t-on les épaules. Et même plutôt son aile droite. Soit. Mais j’intervenais, invité par Solidaires, lors d’une journée syndicale en Ardèche :
"Vous dites que les usines se délocalisent, m’interpelait un participant. Bon, et alors ? Les ouvriers vont faire autre chose, ils vont suivre des formations, ils deviendront qualifiés, ou ils occuperont des emplois de service, ou ils se lanceront dans le tourisme... Ça prendra un peu de temps, peut-être, une ou deux générations*, mais il suffit de s’adapter."
Un militant, donc, qui énonçait ça. Malgré des nerfs en boule, j’attaque posément :
– Vous faites quoi, comme métier ?
– Enseignant. Pourquoi ?
– Est-ce que votre recteur vous a déjà annoncé que, à la rentrée, il supprimait votre poste ? Que vous devriez songer à une reconversion comme mécanicien ?
– Non non, d’accord...
– Est-ce que, à un de vos collègues, on a déjà proposé de conserver son emploi, mais en Tunisie par exemple et pour quatre fois moins cher ?
– ...
– Dites-moi ?
– Non, bien sûr.
– Donc ça va, vous, vous ne vous sentez pas trop menacés par le professeur chinois ? Moi, c’est pareil : France-Inter ne va pas recruter tout de suite des reporters roumains. Et c’est pareil pour les médecins, qui ne redoutent pas trop l’arrivée du stomatologue polonais, ou pour les avocats, ou pour les éditorialistes, etc. Et nous qui sommes bien à l’abri, nous qui n’avons pas à subir cette mise en concurrence, on vient leur dire : ’C’est pas si grave... Devenez qualifiés...’ Quand on songe que, durant un siècle, la gauche avait lié son destin à la classe ouvrière, c’est bizarre, quand même, non, ce discours ici ?
Le lâchage des classes populaires était moins conscient, ici, mais c’était le même.
François Ruffin.
* Personne ne se pose la question de savoir comment vivront les gens amenés à s'adapter pendant ce laps de temps: une ou deux générations, et comment leurs enfants deviendront qualifiés avec des parents incapables de leur offrir des études convenables. La casse de l'université participe activement à ce processus d'exclusion permanente du prolétariat.
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Cela me rappelle un militant vert qui m'expliquait doctement, du haut de son statut d'architecte d'intérieur au carnet de commandes rempli par ses amis bobos:
- il y a un côté positif à la désindustrialisation massive de la France: la réduction de la pollution.
Le désastre humain - des centaines de milliers de familles plongées dans la pauvreté voire l'exclusion chez nous - ne perturbait pas ce Grand Humaniste, pas davantage le fait que si nos usines ferment, c'est au profit d'un industrialisation croissante dans des pays sous-développés ou émergents pas connus, euphémisme, pour leur respect des normes environnementales. En clair... transfert aggravé de la pollution là où le système de santé comme ces normes sont réduits à leur plus simple expression - souvent le néant. Piquant, de la part d'un type qui se revendiquait par ailleurs "encore plus qu'européen: citoyen du Monde!" Mais les "xénophobes rancis sont de "notre" côté...
Lire également: la démondialisation vue par la "gauche raisonnable"
benjamin borghésio (le texte de François Ruffin m'a été fourni par Makhno)
Rappel - après une interruption due à une surcharge d'activité, L'Agora a repris du service (lien)
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