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Pour lire la première partie, suivre ce lien.
Certes, la France se caractérise par une part prédominante donnée à l'électricité, en particulier pour le chauffage. Les Allemands emploient encore du charbon (à usage individuel, moins. En revanche il est employé dans des centrales de chauffage urbain) et surtout leurs besoins en gaz, déjà élevés, explosent depuis qu'ils ont entrepris la sortie du nucléaire.
Si on renonce au chauffage électrique, comment la pollution atmosphérique (80% des citoyens vivent en ville) évoluera si on recourt au gaz, au fuel, au charbon, même en tenant compte d'un supposé plan d'isolation efficace à un prix acceptable seulement pour les bâtiments neufs? Et quid des pompes à chaleur atmosphériques qui sont le mode le plus rationnel et le plus rentable de produire à la fois du chaud et du froid (air et eau)? Avec une électricité rationnée de facto (quantité délivrée ou prix dissuasif), on dira adieu à cette technologie qui mériterait une promotion accrue - d'autant qu'il s'agit de machines dont fabrication comme entretien créeraient des emplois (non délocalisables pour l'entretien)
Même l'emploi de granulés de bois, à la mode mais très coûteux pose problème : contrairement à une idée reçue, la combustion du bois est terriblement polluante non pas tant par le carbone qui donne la chaleur que par les sèves, résines et accessoirement ... les engrais et pesticides ajoutés lors de la sylviculture. (cf. les causes de mortalité précoce dans les populations "primitives" qui l'utilisent au quotidien: cancers primaires du poumon et du foie, véritable "marqueur" de ce mode de vie quand ils sont rarissimes en Occident où ces organes sont touchés le plus souvent par des métastases). En outre quels que soient les dispositifs de récupération de chaleur, même les plus sophistiqués, le chauffage au bois consiste à chauffer le ciel... pour 30 à 80%. Dans ces conditions, parler de rationnalité...
Fagots ou bûches? Avec la livraison en camion et le stockage en ville (où?), quel est le bilan énergétique? En outre, pour concevoir des bâtiments à énergie neutre, le bois est sollicité pour ses qualités isolantes, la facilité relative de le travailler et la faible quantité d'énergie nécessaire pour cela (comparé au ciment, par exemple): gaspillera-t-on notre bois pour donner un peu de chaleur et beaucoup de CO2, ou le traitera-ton en ressource durable ? (sans compter le rôle vital des forêts, que ce soit comme réserves naturelles ou de zones de loisirs qui développent des millions d'emplois liés au tourisme)
Même si on parvient à limiter la consommation en électricité per capita, il faudra tenir compte des besoins nouveaux : notre population augmente chaque année. Elle vieillit, et à cause du changement climatique, elle supporte mal les canicules de plus en plus fréquentes qu'on endure dans les bâtisses traditionnelles mais pas dans les logements construits au XXe siècle - la majorité : il faut hélas climatiser et à partir du gaz ou du charbon, on ne sait pas faire...
N'oublions pas les revendications pour promouvoir tramways ou métros en ville, TGV pour l'interurbain. (ces exigences sont in fine loin d'être absurdes quand elles n'aboutissent pas à un suréquipement ou à une course au toujours plus : est-il raisonnable de dépenser des milliards d'euros au XXIe siècle dans le contexte actuel de crise pour gagner 30mn sur un Paris-Bordeaux, en saignant des paysages naturels et en se privant de milliers d'hectares de terres agricoles? )
Pensons à cette quête de la voiture électrique pour limiter le recours aux hydrocarbures, dont le prix devient insupportable parce que le pic de production est atteint, en outre dans un contexte géostratégique qui peut basculer d'un jour à l'autre (Russie, Proche et Moyen-Orient, etc.). Voiture électrique qui diminuerait considérablement la pollution urbaine.
Rappelons que tramways, métros et TGV ont besoin d'électricité. Que les voitures électriques devront être rechargées quotidiennement. Alors dans ces conditions, tabler sur une limitation de la consommation en électricité relève d'un doux rêve.
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Jusque là, nous n'avons pas évoqué la manière dont l'électricité est produite. Venons-y à travers le désastreux modèle allemand. Alors que le pic de production en hydrocarbures est quasiment atteint (l'envolée des cours du pétrole et du gaz conventionnel ne sera pas limitée), les teutons se lancent dans une hasardeuse et très précipitée sortie du nucléaire (relative toutefois: ils ont considérablement accru leurs achats d'électricité française... cynisme qui fait fermer les bordels de sa rue au nom de la morale, en organisant des virées pour aller aux putes du canton voisin)
Rappelons les conséquences... recours à la saloperie absolue (charbon, lignite) et augmentation des importations de gaz, (Poutine la dit cyniquement: la sortie du nucléaire allemand, il est pour: c'est bon pour GAZPROM. Schröder aussi était pour... il bosse maintenant pour GAZPROM) et quand une telle puissance augmente sa demande, le déséquilibre s'accroît malgré les efforts vers les énergies soi-disant renouvelables à l'efficacité seulement supposée et au coût disproportionné. Cela pèsera lourdement sur le marché. Quelles conséquences?
Les pays émergents consomment encore per capita infiniment moins d'énergie que les Occidentaux et on n'est pas fondé à limiter leur développement. Tout ce qu'on prend sur le marché augmente les prix et accroît les carences: d'ici peu, nous seront en rupture et quasiment toutes les guerres ont pour finalité l'obtention de débouchés et/ou une garantie d'approvisionnement en matières stratégiques.
Par peur de Fukushima, on prend le risque objectif de trente Hiroshimas... Parce que nous sommes dans un monde où les révolutions grondent aux portes des Emirats, où le détroit d'Ormuz sera peut être fermé dans 48 heures, où une révolte paralysera peut être la Russie.
Opportunité est donnée à l'auteur de ce blog de citer en l'approuvant (c'est bien la première fois! ) Michel Rocard, interviewé par le Monde:
Votre livre ne va pas faire plaisir à la gauche : vous jugez irresponsable la sortie du nucléaire.
Je dénonce la stratégie diabolique des Verts qui ont convaincu la Suède, l'Allemagne, la Belgique et l'Italie de sortir progressivement du nucléaire en deux ou trois décennies. Ils vont créer au centre de l'Europe une véritable famine énergétique au moment où les quantités de pétrole et de gaz vont baisser. C'est suicidaire ! On ne peut imposer une telle brutalité, cela va conduire à la guerre civile, regardez ce qui se passe en Grèce. On n'ose plus faire d'élections.
Mais le nucléaire tue…
Il tue beaucoup moins que le charbon, cancers compris.
Evacuons ces désastres programmés (mais en géopolitique, le pire est toujours probable) et notons la contradiction : se priver de l'énergie nucléaire sans avoir pris le temps de trouver un substitut acceptable quand on lutte (à juste titre!) contre gaz et pétrole de schiste: certes les méthodes d'extraction par fractionnement hydraulique qui demandent des quantités d'eau colossales et polluent les nappes phréatiques de manière irréversible révulsent pour le moment la plupart des populations.
Mais quand le prix du gaz ou de l'essence aura doublé (il suffit d'un déficit de l'offre de 3 à 4%: chacun se rue alors pour acheter à n'importe quel prix), quand en parallèle des régions très gravement touchées par la crise se verront proposer le pactole contre des permis d'exploitation, quid de l'opinion? J'ignore si le sous-sol de la Grèce s'y prête, mais imaginons qu'une Major promette à Athènes une rente de 20 milliards contre le droit d'exploiter gaz et huile de schiste tout en créant des milliers d'emplois convenablement rétribués, et des derricks se dresseront devant l'Acropole!
Autre conséquence néfaste. Il est peu douteux que le "risque" nucléaire est moins présent dans des pays développés, dotés de contrepouvoirs solides et d'autorités indépendantes, où la corruption ne fait pas de ravages**. Qu'ils monopolisent le gaz et le pétrole disponibles, et d'autres moins... rigoureux se tourneront forcément vers le nucléaire. Des "républiques autoritaires", soucieuses de vendre leur gaz pour en tirer des devises (puisque son prix grimpe en flèche) louchent vers le nucléaire. Ce n'est pas offenser la Thaïlande, de dire que ce pays n'a pas une culture de l'ingéniérie très développée... or malgré les risques inhérents à la région (on se souvient du tsunami qui la frappa) elle louche aussi vers le nucléaire, car elle est incapable de suivre la hausse du pétrole et du gaz.
** le Japon ne rentre aucunement dans cette catégorie, lui dont le fameux MITI reçoit directement ses ordres de l'oligarchie industrielle et financière, où les politiciens sont massivement corrompus et dépendants: c'est TEPCO qui, à Fukushima, rédigeait ses propres bulletins de sécurité avalisés par le pouvoir. Quant à Tchernobyl... que dire de l'Ukraine, partie prenante d'une URSS en déliquescence? Et qui signale que cette centrale, contrairement aux usages, n'avait aucune enceinte de confinement?
La France a devant elle une chance historique. Ne pas céder aux peurs irrationnelles, accepter le fait que si le risque nul n'existe pas, celui du nucléaire (sous contrôle indépendant) est acceptable et permet de conserver une électricité "meilleur marché" que nos voisins (comme ils se fourvoient, le différentiel ne fera que s'accroître et il y a opportunité à saisir, de retrouver une position dominante ou du moins de réindustrialisaser (déjà, ce bon marché permet de sauver notre filière aluminium, même si elle fut secouée).
Et servir de modèle. Quand l'hystérie du moment sera passée, sans jamais céder sur la R&D visant la sécurité, le moyen et le long terme, quand les désordres liés au réchauffement climatique auront enfin fait prendre conscience au monde de l'urgence, nous serons en mesure d'exporter un modèle où le carbone sera réduit à la portion congrue.
Dans l'attente et quoi qu'il en coûte (n'en déplaise à Merkel pour qui tout ce qui est à elle lui appartient quand le reste se négocie), il est vital de récupérer au plus vite notre indépendance électrique, d'être à même de supporter nous-même nos pointes et de nous dégager des obligations de libre échange en ce domaine pour démontrer la pertinence de nos choix.
"Ils" veulent sortir du nucléaire? C'est leur liberté. Mais "qu'ils" ne tirent sur notre réseau que quand nous pouvons fournir sans mal (et à nos conditions), quitte à assumer leurs choix en délestant ou en payant des taxes carbone démesurées. Que ce soit fini, de délester la Bretagne parce que Hamnbourg a des problèmes, puisque l'Allemagne se place en position d'avoir ces problèmes. Mais a contrario, que la Bretagne qui s'oppose avec obstination à tout projet de production ou d'interconnexion, pour des raisons bonnes ou mauvaises mais qui lui sont propres, assume ses propres choix. Si délestage il doit y avoir pour éviter un black-out national, qu'elle en patisse!
benjamin borghésio
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