Offensive incompréhensible pour une infinité de raisons, que nous cernerons dans cette note en deux parties.
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Fabrice Nicolino s'y est mis dans un récent numéro de Charlie-Hebdo, et le moins qu'on puisse dire c'est qu'on l'a connu mieux inspiré (c'est un des rares de la secte qui sait en général de quoi il parle et qui en parle sans a priori, faisant passer la vérité scientifique avant le dogme. Qu'on soit ou non en accord avec eux, la lecture de ses chroniques comme celles d'Antonio Fischietti rentabilisent largement l'achat de l'hebdomadaire dit satyrique.
Tous les poncifs relatifs aux "défauts" de l'électricité ressurgissent, sans qu'on mette en balance ses avantages. Tout d'abord, si les moyens de la produire peuvent être très polluants dès lors qu'on emploie des produits carbonés : charbon, gaz, pétrole, sa consommation ne dégage aucune nuisance et est d'une souplesse infinie: on appuie sur un commutateur.
Le prix maintenant. Nicolino évoque des situations (réelles) de malheureux ruinés par un chauffage électrique inadapté, dès lors que quelques convecteurs réchauffent un logement plein de courants d'air. C'est ben vrai ça ma bonne dame, vaut mieux isoler que chauffer la rue, mais qui peut prétendre sérieusement que l'argument ne tient pas, quel que soit le mode de chauffage employé ?
Tant que - et ça prendra des décennies plus un investissement colossal - nous n'aurons une majorité de bâtiments à énergie neutre ou positive* (qui n'en consomment pas voire qui en délivrent, de par leur conception), il faudra chauffer et, de plus en plus, compte tenu du vieillissement de la population, rafraîchir pendant l'été. Or quoi de mieux qu'une énergie qui ne demande pas de visite de sécurité annuelle voire plus fréquente ? Combien d'accidents encore, chaque année, dus au monoxyde de carbone ou à des incendies ? Une énergie dont on peut programmer avec exactitude les mises en service pour les faire coïncider au mieux avec les besoins des résidants et, plus tard avec les compteurs intelligents, avec les capacités de production / distribution ?
* Et il faudra un consensus pour les occuper : c'est pas gagné : un peuple qui a mille ans d'histoire ne change pas de mode d'habitat d'un claquement de doigts, sauf à employer la coercition.
Nicolino parle de convecteurs médiocres, achetés au rabais et dont le rendement est calamiteux. Ne peut-on pas dire cela de tout appareil, selon ses performances ? Quel est l'écart entre la cheminée traditionnelle qui vous rôtit de face si vous êtes à moins de deux mètres en laissant votre dos gelé, et son homologue dotée d'un système de récupération d'air chaud ? Entre un vieux poêle à mazout et une chaudière à fuel de dernière génération ?
Il est clair qu'un chauffage optimal ne se conçoit que dans le cadre d'une bonne isolation. Personne n'a intérêt à vivre dans un clapier plein de courants d'air : chauffez-vous comme vous voulez, vous dépenserez de toute façon davantage dans ces conditions et si des logements furent construits sans cette isolation, c'est en raison de la cupidité de certains propriétaires ou du manque de moyens de leurs occupants à qui il manque le capital initial pour réaliser les travaux nécessaires. Si la plupart des gens mis dans la détresse sociale par leur chauffage le sont "à cause" de l'électricité, ce n'est pas elle qui est en cause. C'est la cupidité du bailleur qui n'a rien dépensé pour isoler et qui a installé ce qui se fait de moins cher (un convecteur bas de gamme coûte moins de 50 euros, et deux fils suffisent pour le connecter ; point n'est besoin de cheminée).
Quid a contrario de la pompe à chaleur atmosphérique, à énergie électrique - de loin le meilleur moyen de se chauffer pour un coût modique, si on a pu financer l'équipement initial ?
Pour ma part, j'habite dans un appartement convenablement isolé, sans plus, "tout électrique" assez équipé même si j'ai peu de gadgets. Je veille à conserver une température optimale (vieux colonial, je ne supporte pas le froid) quand j'y vis, coupant le chauffage dès que je sors, le programmant pour qu'il se remette en service quelques temps avant l'heure estimée de mon retour (ce qui serait plus difficile avec le gaz, pour des raisons de sécurité). Faute de combustion, j'ai pu boucher les ouvertures prévues pour l'aération – préférant trois ou quatre séances quotidiennes d'ouverture des fenêtres : c'est infiniment plus économe et plus... sain. Ma facture énergétique annuelle, abonnement compris ? 470 euros pour 2011, en baisse de 110 euros par rapport à 2010 et son mois de décembre très froid.
Même avec un KWh "gaz" facturé moins cher, compte tenu de l'abonnement, du contrat de maintenance obligatoire, des trois bouches d'aération règlementaires faute de quoi on risque sa peau et de la difficulté de moduler lors des absences, j'en aurais eu pour plus cher - et le gaz "prend" 15% d'augmentation par an... (ne parlons pas du pétrole et rappelons que la fermeture possible du détroit d'Ormuz quand les Israéliens auront attaqué l'Iran nous privera de 60% de notre approvisionnement : là, le rationnement effectif remplacera bel et bien celui de maintenant, par le "marché" et la hausse des prix)
Autre argument ressassé : "On sous-évalue considérablement le prix de l'électricité en France". Il n'est pas choquant qu'un service public offre des tarifs raisonnables à ses consommateurs et il convient de relativiser. De 35 euros le MW-h annoncé par EDF, la Cour des comptes a proposé après une étude indépendante une réévaluation à 49,50 euros, en incluant le provisionnement pour le démantèlement: soit peu ou prou 40 % d'augmentation en cinq ans environ. Dépense certes lourde - mais qu'en sera-t-il des énergies concurrentes, quand entre temps, les prix du gaz et du pétrole (dont le pic de production est vraisemblablement atteint) auront flambé ?
Nos voisins allemands qui ont déjà une électricité 25% plus chère que la notre, se préparent à une hausse de 30 à 40% et ils s'engagent dans la sortie du nucléaire avec cette conséquence : achats massifs de gaz et de pétrole, remise en service des centrales à charbon et à lignite qui sont le pire en matière d'environnement, et développement à grande échelle des énergies dites renouvelables (photovoltaïque, éolien) dont le prix de revient au KWh est le triple de celui du nucléaire, dont les insuffisances devront être palliées par le carbone (faute de vent, quand il y en a trop ou quand il fait nuit : c'est quand même assez fréquent)
Ricanements convenus aussi quand on critique l'électricité à propos de la perte d'énergie liée à sa conduction dans le réseau. C'est l'opportunité de dénoncer le paradoxe de l'électrophobie.
Parce que ce qui est visé à travers cette attaque en règle, ce n'est pas l'électricité en elle-même mais le mode dominant de production en France, à savoir le nucléaire attaqué par des écolos ignares et par un lobby – les mots sont pesés – d'entrepreneurs avisés qui, en surfant sur la mode pseudo-écolo, touchent le pactole avec des rentes colossales** produites par la cession des énergies éoliennes ou photovoltaïques qu'EDF est contrainte d'acheter à un prix démentiel, qu'elle en ait besoin ou non. Mais c'est là qu'il faut poser une question ingénue :
En quoi une électricité non nucléaire ne se diffuserait-elle pas sous forme de chaleur lors de sa conduction... si ce n'est davantage parce que relier des milliers d'éoliennes et de panneaux qui produisent de la basse ou de la moyenne tension aux lieux de consommation, c'est tout, sauf rationnel sur le plan de l'effet joule ?
** Profitons-en pour signaler que si Photowatt dont on a beaucoup parlé a failli couler, ce n'est pas à cause de la méchante EDF, mais parce que ces "entrepreneurs", pour augmenter des marges déjà délirantes, préfèrent importer des panneaux chinois à bas prix que se fournir avec du matériel de qualité - accessoirement produit en France . On parle beaucoup de la durée de vie des centrales mais quid de celle des éoliennes et des fermes photovoltaïques?
Or contrairement à ce que croient encore certains bisounours, cette interconnexion généralisée est le seul moyen d'assurer une relative sécurité en approvisionnement d'autant plus nécessaire que les citoyens sont de moins en moins aptes à supporter une interruption, même d'une durée raisonnable. Même les régies locales qui fournissent une électricité (un peu) moins chère à leurs adhérents sont reliés à RTF au cas où (le beurre et l'argent du beurre...)
À suivre demain, samedi 9 mars
(merci aux commentateurs éventuels de ne parler que du contenu de cette note, sans extrapoler sur la suite)
benjamin borghésio
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