Pour le moment, l'Allemagne est dans une conjoncture favorable et domine l'Europe, avec une arrogance qui se retournera contre elle au premier signe de faiblesse.
Ce pays a des atouts incontestables. Qu'en est-il de ses faiblesses?
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Le chômage en Allemagne, s'il est un peu moins élevé qu'en France, n'est quand même pas flamboyant et ce sont surtout les Länder de l'ex Allemagne de l'Est annexée dans les années 90 les plus touchés. Ces résultats moyens sont dus à plusieurs facteurs, structurels et conjoncturels.
Comme facteur structurel, la mentalité Kinder Küche, Kirche : la mère qui aspire à travailler est peu considérée - et la société n'est pas adaptée: peu de crèches, scolarité en maternelle limitée. Les Osties furent désagréablement surpris quand le gouvernement central voulut les mettre au pas sur cet aspect de la question sociale.
Une natalité catastrophique qui ne renouvelle pas les générations: avec plus de 80.000.000 d'habitants, l'Allemagne doit insérer chaque année moins de jeunes que la France et ses 63.000.000 d'habitants.
C'est un avantage budgétaire à court terme, mais comment financer les retraites d'ici peu? (nous en reparlerons)
Facteurs conjoncturels... Certes le chômage a un peu baissé (pour les raisons démographiques évoquées ci-dessus) et avec le plan d'austérité infligé par le "socialiste" Schröder et aggravé par Merkel. Mais cela imposa une baisse drastique des salaires pour les entrants sur le marché du travail, qui enchanta le patronat avec des mesures coercitives prévues contre qui refuse des conditions indignes: pour les titulaires des minimas sociaux, il existe des emplois (obligatoires) payés un euro de l'heure ; il est facile d'être compétitif en doublant en une décennie la proportion de personnes vivant sous le seuil de pauvreté (en revanche rien ne fut entrepris pour que l'effort soit mieux réparti, les patrons teutons étant payés au niveau de leurs homologues français). A ce compte là, en mettant les standards européens au niveau du Bangladesh, on rétablirait une compétitivité par la politique de l'offre... mais pour vendre à qui, faute de consommateurs?
Le moteur de l'économie allemande: l'industrie dont les 2/3 alimentent une balance commerciale florissante pour deux motifs dont on ne fera pas grief aux Allemands.
Tout d'abord, elle est positionnée sur deux secteurs qu'elle domine pour s'être bâtie une réputation d'excellence: l'automobile de luxe et les machines-outils (que les pays émergents achèter par milliers pour bâtir leur propre secteur secondaire)
Ensuite chez nous, quand on suggère si c'est possible d'acheter des produits français pour ne pas accroître notre chômage, on est classé ringard, voire xénophobe ranci. L'Allemand achète sans état d'âme Volkswagen, Grundig, Telefunken, Siemens, etc..
Sur ces créneaux, la cherté de l'euro importe peu: celui qui veut une grosse berline a les moyens d'acquérir le modèle de ses rêves. Quant aux machines-outils, les Allemands en ont encore le quasi monopole : là encore faute de rivaux, le taux de change ne pose pas problème.
Seulement, cela durera-t-il ? Les pays émergents tels que la Chine, l'Inde, le Brésil, la Corée voire l'Indonésie, la Turquie ou la Russie (qui sort doucement de la braderie organisée par les gangsters de la bande d'Eltsine) progressent et ne se contentent plus d'exporter matières premières ou produits à peine dégrossis. Déjà, Petrobras, leader mondial pour les forages à très grande profondeur, fait fabriquer au Brésil même une partie de ses trépans.
Recherche et Développement ne sont plus confinés dans les pays occidentaux sérieux et le pillage des brevets sévit dans des domaines variés (juste retour des choses avec le pillage des colonies par le vol de matières premières et par les achats imposés). Tout comme il y a cinquante ans on ne jugeait pas les faces de riz japonaises capables de faire un jour des voitures qui roulent, des appareils photos, des téléviseurs, on découvre qu'à moyen terme Chinois, Brésiliens, Indiens se passeront de la technologie occidentale: ces pays envahissent le spatial, l'aéronautique, la pharmacie, le nucléaire et autres domaines de pointe.
Alors, les Teutons se crisperont... Gageons que ceux qui imposèrent le dogme de l'Euro fort par le biais d'une BCE indépendante seront les premiers à exiger une modification des règles: ce ne sera plus l'industrie textile française qui sera en première ligne comme au cours de la décennie passée (600.000 emplois détruits en quatre ans) mais leur propre industrie. Seulement, il sera trop tard...
Notons aussi que si la balance commerciale allemande est florissante, elle réalise l'essentiel de ses excédents dans l'UE, particulièrement dans la zone euro. Que cette dernière sombre dans la crise et l'Allemagne souffrira la première. Or la balance des paiements, sans être désastreuse, est nettement moins florissante: les Allemands vont davantage en France, en Italie ou en Espagne qu'en Poméranie pour passer leurs vacances, et leurs banques furent singulièrement imprudentes.
Autre paramètre à prendre en compte. Le postulat qui affirme que nous aurions tous tout à perdre à l'éclatement de la zone euro est-il fondé? On évoque le renchérissement considérable de l'énergie carbonée puisque nous devrions acheter notre gaz et notre pétrole avec une monnaie très dévaluée. Certes dans un premier temps, nous souffririons, surtout si la sortie de l'euro était "organisée" selon le processus imbécile retenu par le FN (faillite assurée dans les six semaines). Mais après un choc salutaire, la nouvelle donne ferait réaliser un gigantesque plan d'économies, générateur de centaines de milliers d'emplois. Et comme nous sommes moins dépendants en ce qui concerne l'électricité, nous limiterions les dégâts initiaux.
En cas d'explosion, on aurait un "euro-franc" dévalué (les estimations varient de 15 à 25%), qui favoriserait la compétitivité et permettrait - avec un plan d'accompagnement volontariste mis en oeuvre dans le cadre d'une Europe réduite aux acquêts - de redonner un souffle à des exportations depuis longtemps plongées dans le coma, tout en limitant les importations (on choisit, à prix égal, Volkwagen plutôt que Renault parce que "das Qualitat". Mais si VW est 40% plus cher...). Voir l'exemple de l'Islande qui a certes souffert de sa dévaluation de 50%, mais qui renoue en quelques années avec la croissance et les exportations de biens quand la Grèce contrainte de choisir l'orthodoxie financière subit une austérité pire encore assortie d'une régression terifiante.
Parce que dans le même temps, l'euro-mark se réévaluerait spontanément dans la même proportion et de ce fait les "pays de l'ail" (comme Teutons et Bataves se plaisent à nous appeler tout en nous taxant d'arrogance) verraient les prix allemands grimper de 50%... or l'Allemagne réalise les 2/3 de ses exportations vers cette zone euro! (déjà, avec la récession qui pointe, son taux de croissance de 3% en 2011 se réduira à rien, compte tenu de la saignée qu'elle impose à ses partenaires).
Merkel a l'arrogance de la commerçante prospère qui oublie que sans ses clients, elle n'est rien. Et quand il négocie, Sarkozy oublie ce paramètre.
De ce qui précède, on déduit que si on ne considère pas la guerre économique comme inévitable... on se doit encore moins de refuser le conflit à tout prix!
L'Allemagne gère-t-elle ses comptes sociaux avec rigueur? Il est permis d'en douter quand elle fait un bébé pour deux seniors qui cessent leur activité (et quand elle a moins d'actifs que nous, en raison des trois K précédemment cités), et qu'elle ne provisionne pas en conséquence des sommes considérables (surtout qu'elle le pourrait puisque l'éducation lui coûte moins, de même que la défense: c'est un protectorat américain de ce point de vue).
Les Allemands sortent d'une période favorable, correspondant aux classes creuses (morts à la guerre, ou non nés après la guerre) et le déséquilibre présenté comme grave chez nous sera tragique là-bas. D'ici peu, le financement des retraites sera insurmontable pour Berlin sauf à repousser comme le propose benoitement le premier ministre suédois pour son pays, dans une vision purement comptable, la cessation d'activité à 75 ans (plutôt que ponctionner le capital).
Ou alors et à supposer que le pays crée des emplois pour eux, il faudra recourir à une immigration massive dans un pays encore régi par le droit du sang dont les capacités d'assimilation limitées - euphémisme - ne cessent de diminuer (voir la résurgence du terrorisme néo-nazi). Ce n'est pas pour rien que ce pays, grand donneur de leçons de rigueur, aurait selon certains organes de presse nationaux - hors artifices comptables - une dette correspondant en réalité à 188% de son PIB (et le renchérissement colossal à venir du coût de son énergie n'arrangera rien).
Non, l'Allemagne n'est pas "le" modèle, quels que soient ses atouts incontestables (pas davantage qu'elle n'est un contre exemple: chacun a ses spécificités). Il y a des moments de l'histoire où tout semble sourire, suivis d'amers retournement que nous ne souhaitons pas à des voisins et amis. Mais le destin d'un peuple lui appartient et il n'y a rien de pire que la copie servile de tel ou tel modèle.
benjamin borghésio.
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